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vendredi, 04 décembre 2020

La Hache crétoise

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Luc-Olivier d'Algange

La Hache crétoise

« Nous autres, les enfants de la frontière, nous sommes souvent incompréhensibles ; nous ne sommes ni fin de siècle, ni début du nouveau, mais plutôt l’empoignade de deux siècles dans l’âme ; nous sommes la paire de ciseaux entre les deux siècles ; il nous faut prendre par le problème des ciseaux : ni les critères de l’ancien, ni les critères du nouveau ne sont applicables. » Andréi Biély

Les grandes œuvres exigent de grands intercesseurs. Que nous serait, par exemple, Edgar Poe sans Baudelaire et Mallarmé ? Si la chance nous est offerte, ne fût-ce que par ces quelques notes, d’inciter le lecteur à découvrir les écrits d’Andréi Biély, nous le devons d’abord à Georges Nivat, son admirable traducteur, Jacques Catteau et Vladimir Dimitrijevic qui furent, dans cette œuvre de divulgation diplomatique, au sens philosophal, les complices de Dominique de Roux, auteur lui-même d’une œuvre frontalière, aurorale, entre l’avant-garde et la Tradition.

unnamedabcdar.jpgLes mots de grand usage nous trahissent, mais loin d’y renoncer ou de céder à la facilité du néologisme, il convient d’y revenir, de s’y heurter, voire de les reforger à notre guise, pour autant que l’écriture s’apparente à une métallurgie, forgerie et alchimie confondues dans la contemplation du minéral en fusion, en attente d’une forme que lui accordera le refroidissement de l’atmosphère. Ainsi en est-il des mots « avant-garde » et « tradition », qui disent tout et son contraire (qui fait également partie du tout) au point de ne plus rien vouloir dire du tout. Ce qui subsiste du sens de ces mots exige, pour être ravivé, ranimé, des œuvres décisives : pas moins, pour le mot de « tradition » que l’œuvre de René Guénon. Quant au mot (composé) « avant-garde », avec le vague ressouvenir d’une audace inquiétante, de quelques bannières guerroyantes emportées par les vent de l’Histoire, cette métaphore militaire appliquée étrangement à quelques mouvements artistiques et littéraires, et qui semble vouloir signifier exactement le contraire du mot « tradition », peut-être est-ce à lire l’œuvre de Biély que nous pourrons lui redonner du sens, non sans être amené à cette découverte étonnante, mais point si neuve , - tant il est vrai que le roulement du tonnerre vient après l’éclair qui nous éblouit : la Tradition et l’Avant-garde tiennent ensemble comme ces cordages dont les marins expérimentés assurent leurs voiles.

         Avant-gardiste, précédant d’innombrables escadres étincelantes de soleil et d’écume, et traditionnelle, car initiatique, l’œuvre d’Andréi Biély nous apparaît, à nous qui sommes à quai dans un chaos qui se croit une époque, telle une nef orientée. La littérature russe, comme la littérature portugaise, eut ce privilège d’être à la fois en retard et en avance d’une ou deux décennies sur les modes françaises. Ainsi chez Biély, comme chez Pessoa, le symbolisme et le futurisme furent contemporains l’un de l’autre, suscitant de coruscantes interpolations, des chassés-croisés vertigineux, des synergies étourdissantes entre la nostalgie et la fureur. En un mot : les temps se précipitaient.

         La temporalité, dégagée de l’illusion de la linéarité, se cristallisait, révélant des feuilletages, des figures que le hasard ni la nécessité ne pouvaient entièrement expliquer : « palimpseste d’enfance », selon la formule de Georges Nivat, recommencement de l’Ecriture sacrée dans l’écriture recommencée de l’écrivain. « Etrange, je te salue » écrivait Andréi Biély dans sa préface à Kotik Létaïev, et cet « étrange », que l’oraison et le labeur de l’auteur nous rendent peu à peu familier, par un retournement du temps, nous offrant ses secrets archéologiques et géologiques, est à la fois l’étrangeté de la Tradition et l’étrangeté à laquelle doit faire face l’Avant-Garde, c’est-à-dire l’étrangeté d’un autre temps, non plus profane, mais dont le sacré n’est pas encore nommé. «  Ce n’est pas, écrit Georges Nivat, l’étrange du film à suspense, ni du récit gothique. C’est l’étrange des grottes, des fissures dans le sol, le brusque anagramme de la nature recomposée devant nous : en descendant dans certaines grottes, nous lisons la superposition des âges. »

         md30773154242.jpgLe récit, et nous verrons à quel point Andréi Biély redonne au sens du mot « récit » sa plénitude, son immensité récitative, s’inaugure par une rupture, une volte, un refus : il n’est plus possible, pour Biély, de raconter une vie humaine selon les seules étapes extérieures, selon l’exclusive visibilité externe, qu’elle soit psychologique ou sociologique ; il lui faut aller plus loin ou ailleurs. Les historicités connues, qu’il s’agisse de l’individu ou du collectif, ont fait leur temps. Le réalisme littéraire est mort et avec lui les déterminismes de l’inné et de l’acquis ; une autre langue demande à surgir pour dire la multiplicité des états de l’être et de la conscience à partir de leur racine, autrement dit de l’enfance. La radicalité avant-gardiste sera ainsi, pour Andréi Biély, le principe de la recouvrance métaphysique, traditionnelle, au sens initiatique du terme. Toute initiation est retour à l’enfance, nouveau silence d’avant les mots, à partir duquel inventer un nouveau langage comme on invente des terres et des cieux nouveaux. L’ingénu et le savant, l’extrême virtuosité du style et l’abrupteté de la méthode conjuguent ce dessein grandiose, y ajoutant, par l’amphibologie, la pointe d’ironie indispensable à toute profondeur.

         L’ironie, non point le sarcasme, non point la condescendance voltairienne, est précisément cette révélation de la double-nature du réel et du langage. Il n’y a guère à ironiser sur les êtres et les choses, et Andréi Biély moins que n’importe quel « homme de lettres » ne s’adonne à cette facilité, car le monde est déjà et par nature ironique. « Tout vrai commencement est un deuxième moment » écrit Novalis, et lui-même, ce moment, double-fond du commencement, de n’importe quel premier mot écrit sur une première page, et ainsi de suite, à l’infini… L’ironie, chez Biély n’est point de l’ordre de l’abaissement, du dénigrement, mais le principe de la célébration. Le monde dans lequel l’auteur s’avance, en magicien et en prophète, est étrange car polyphonique : il est une chose et en même temps une autre, plus profonde ; des échos se précisent, se répondent, se perdent et le son initial n’était peut-être lui-même qu’un écho. «  Kotik Létaiev, écrit Georges Nivat, avance dans la structure immémoriale du dédale que les Dieux ont fait pour lui. Le dédale, le monde, est un rite, un parcours initiatique. Le petit Kotik Létaïev, conduit par des mains non humaines, s’avance vers le naos où il sera initié. » Le récit chemine en nous à mesure que nous cheminons en lui. Une sorte de rêve extraordinairement précis où tous les signes sont intersignes, où les figures du hasard deviennent peu à peu des anagrammes de la Providence, un « par-delà les portes des cornes et d’ivoire », où la fraîcheur couronne de fleurs légères l’ardente lutte contre le langage humain.

         6148tFprd6L._AC_UL320_SR214,320_.jpgTraditionnelle par son approfondissement  du sensible et de l’intelligible des Symboles, par le parcours initiatique qui est au principe de ses récits, par l’élévation du sentiment religieux au resplendissement gnostique, l’œuvre de Biély se tient aussi à l’avant-garde d’une rébellion radicale contre cette restriction de l’entendement humain corrélative de l’appauvrissement du langage qui accompagne depuis deux siècles la marche du « progrès ». L’œuvre de Biély opère, sections par sections, à une prodigieuse réactivation des puissances de l’esprit laissées en jachère. Les êtres humains sont à eux-mêmes leurs pires ennemis, non point par leur empressement à courir à leur perte, à s’engager dans des entreprises hasardeuses ou funestes mais par leur consentement à voir, à sentir et à percevoir en-deçà d’eux-mêmes comme s’ils étaient morts ou presque. Les humains disposent, en général, d’un entendement, instrument prodigieux,  un stradivarius, dont il usent comme d’un tambourin ou d’une tire-lire, non sans tenir cet usage comme réglementaire, conforme aux règles du temps ; ce qui les autorise à honnir et persécuter  ceux-là, les rares heureux, les « fils de Roi », qui s’aviseraient à en faire un autre usage, ne fût-ce qu’en touchant l’une ou l’autre des cordes, - en s’émerveillant de sa résonance !

         L’indigence spirituelle, la médiocrité ne sont pas seulement des accidents, des fatalités, les conséquences de quelque érosion, mais le résultat d’une volonté concertée, d’une rage conséquente. Ce qui existe, ce qui se déploie, ce qui chante, ce qui témoigne des variations chromatiques de la conscience et de l’être, est, pour le Moderne, l’ennemi, et quel magnifique ennemi, dans cette théologie parodique, qu’Andréi Biély, virtuose du Verbe, aventurier et pèlerin des états multiples de l’être ! Le génie de Biély, sa puissance de sagesse et de révolte, tient dans sa phrase, véritable opération de magie synesthésique. La phrase de Biély est  le lieu et le moment où «  les couleurs,les parfums et les sons se répondent » (Baudelaire), où l’intelligible et le sensible resplendissent en des noces qui, jusqu’alors, n’étaient que pressenties. L’écriture d’Andréi Biély ajoute à l’art d’écrire tel qu’il se pratiquait jusqu’à lui une précipitation vers la couleur, vers « l’oraison des sons purs et des rythmes » (Novalis) qui nous donne à comprendre qu’une nouvelle étape vers la rubescence alchimique vient d’être franchie.

bakstbiely.jpgIl existe ainsi, face au « progrès » homaisien, un contre-progrès, qui n’est pas une opposition réactionnaire au progrès mais un aiguisement de forces de résistance à la restriction de l’entendement humain, une résistance, ou mieux encore, une contre-attaque, contre la destruction de l’Ame. Tel est, en effet, le paradoxe, qu’à mesure que s’accomplit  la destruction de l’âme, destruction ourdie, systématique, planétaire, se précisent, en même temps, des forces contraires, d’autant plus lumineuses, exaltantes, et artistiquement accomplies, qu’elles se trouvent être plus directement menacées. Face au « progrès » de la marchandise, de la technique, du grégarisme et de la vulgarité, un contre-progrès progresse à même vitesse dans l’invisible, alliant avec une vigueur méconnue jusqu’alors « l’élégance, la science, la violence ». La formule fameuse de Rimbaud, « il faut être résolument moderne », dit ce heurt, ce jaillissement d’étincelles et d’escarbilles rayant la nuit. Etre contre-moderne, c’est être, d’une certaine façon, ultra-moderne, par la recouvrance du plus archaïque, au point d’user des mots comme un chamane, au point de restituer au langage cette originelle puissance d’évocation qui fut celle des premiers voyants, les Rishis, auteurs des premiers hymnes des védas.

         Il n’en demeure pas moins qu’aucune considération d’histoire littéraire ne saurait éclairer le sens véritable de l’œuvre d’Andréi Biély ; d’une part, parce que les schémas, fussent-ils aussi « radicaux » que l’on voudra, ne correspondent pas, et qu’il faut résolument, pour faire surgir un bref éclair de pertinence, faire se heurter des notions contradictoires. D’autre part, et plus généralement, parce que l’histoire littéraire, les circonstances sociales et historiques, n’éclairent rien d’essentiel dans une œuvre décisive, sinon pour dire ce qu’elle n’est pas. L’œuvre décisive est à elle-même son propre événement. Elle est ce moment où l’Histoire se forge : événement sacré, impondérable, hors d’atteinte, dont l’Histoire humaine est le reflet. Si bien que les catégories, « transcendantalisme », « décadentisme », « anthroposophie », par lesquelles ses contemporains voulurent définir l’œuvre de Biély sont inopérantes. L’œuvre n’est point « transcendantaliste » car pour Biély, « le symbole est immanent à lui-même » ; elle n’est pas « décadente », au sens de « l’écriture  artiste », car sa seule exigence est dans l’exactitude de la description ; elle n’est, enfin, pas plus « anthroposophique », que Le Fou d’Elsa ou La Semaine Sainte d’Aragon, par exemple, ne sont de la littérature marxiste. L’œuvre de Biély ajouterions-nous, pour écarter toute équivoque, n’est pas davantage « mystique » ; bien plutôt « naturaliste », non certes à la façon de Zola, mais selon l’acception de Linné ou de Fabre, - mais d’un « naturalisme » étymologique et abyssal. De ce qui est, Biély veut saisir l’acte d’être, cette antériorité « crétoise », serpentine, houleuse, qui précède notre vision « dorique » du monde, où notre entendement s’est établi pour administrer la réalité. Cette exactitude descriptive (où se conjuguent la rigueur scientifique et la finesse du poète) certes, entraîne avec elle une immense émotion, un éblouissement de larmes lustrales : « Je me rappelle des jours enfuis : ce n’étaient point des jours mais des fêtes rutilantes ; les jours maintenant sont de pauvres jours ouvrables ».

         Observer ce qui est, cette stratification, cette géologie de la conscience, c’est agrandir le monde, lui redonner sa rutilance perdue, nous restituer, nous lecteurs, à sa beauté scintillante, nous arracher à l’exil dans le triste monde des jours ouvrables, pour retrouver la patrie perdue. Cette démarche, en soi, n’a rien de mystique, et un « matérialiste » y pourrait souscrire  si le matérialisme n’était pas l’idolâtrie d’une abstraction : la « matière » invoquée comme l’autre nom du Tout, autrement dit un panthéisme sécularisé.

La méthode de Biély est pour ainsi dire phénoménologique, voire, dans une certaine mesure « existentialiste », en ce qu’il témoigne, dans son art, de la précellence de l’existence sur l’essence, mais elle est aussi « contre-existentialiste » en ce que l’existant est, pour elle, un abîme, et un abîme qui se retourne, les profondeurs s’ouvrant sur les hauteurs. Le grand art, l’extrême virtuosité de sa prose prosodique au service de sa phénoménologie de la conscience, telle est la « praxis » révolutionnaire de Biély, où l’observation est au principe de la réactivation, où la description paléontologique et géologique de la conscience est la condition nécessaire à la recouvrance des possibilités laissées en jachère de l’entendement humain. User de toutes les ressources de « l’Art pour l’art » contre « l’Art pour l’art », dire l’archaïque par la fine pointe de la civilisation pour irriguer toute l’histoire, du début à la fin, et peut-être, faire de cette fin, mieux qu’une finalité, un nouveau commencement.

imagesabpotr.pngL’œuvre de Biély opère à une « rejuvénation » du Logos et de l’âme. L’écriture de Biély est une écriture des crêtes, hérissée de glaciers soleilleux. Les ardeurs et les froidures extrêmes s’exacerbent : «  Là-bas, le diamant de la neige… Là-bas, de là-bas, te fixe, le même être (qui est-il ? Tu ne le sais pas) et il a le même regard (ce regard inconnaissable) dont il déchire les voiles de la nature : et en toi, il suscite quelque chose d’infiniment proche, intime, inoubliable… ». La recouvrance du Logos, répond à un appel lointain, un paysage hyperboréen, une crête éblouissante qui nous regarde, qui nous donne la mesure d’un silence terrifiant, propre à stupéfier toute parole, mais dont sont issus tous les mots que nous devons écrire. Car en amont de toutes ses définitions (logique, discours, imagination, raison) le Logos est resplendissant de silence. La descente dans les profondeurs, la géologie de l’âme, ne peut se dire que par l’écriture des crêtes et des abysses ; le voyage au centre incandescent requiert les aiguilles de glace, la brûlure du froid qu’environne l’aurore boréale de la mémoire. Dire la « mémoire de la mémoire », c’est dénouer l’entrelacs du Logos, et le renouer autrement, comme l’aurore dénoue la nuit qui fut elle-même le dénouement du jour.

         Une lecture sapientielle, voire ésotérique, de Biély est donc possible. Lire devient alors, non pas une expérience seconde par rapport à des expériences premières, mais une expérience première et annonciatrice, une ressaisie de ce qui fut qui préfigure ce qui doit être, expérience que l’on pourrait dire paraclétique. De même que la glace brûle, l’écriture hausse la température du temps. L’éternité n’est pas la négation du temps, mais un temps qui brûle et qui flambe. Ce temps n’abolit point ce qu’il consume, de même que le règne de l’amour n’abolit point le temps de la Loi, ni celui de la Grâce, mais les couronne dans un supra-sensible concret. En ce sens, la perspective paraclétique de Biély est le contraire d’une utopie. Ce qui est, qui contient ce qui fut et ce qui doit être, lui suffit. Mais ce qui est n’est autre que la frontière, et cette frontière c’est l’œuvre, en forme de hache crétoise, qui la définit.

Luc-Olivier d’Algange

samedi, 17 octobre 2020

Littérature: Alexandre Soljenitsyne, une vie de dissidence

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Littérature: Alexandre Soljenitsyne, une vie de dissidence

 
Nous recevons le professeur agrégé d'histoire et passionné de littérature russe, Eric Picard, qui revient pour nous sur la vie dissidente et l’œuvre imposante d'Alexandre Soljenitsyne (1918-2008), prix Nobel de littérature en 1970.
 
 
 
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Émission réalisée par François-Xavier Consoli
 
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Bonne écoute !
 
Extraits audio: ©extraits INA

dimanche, 27 septembre 2020

El grito desde el subsuelo. Fiodor Dostoyevski contra el Homo Festivus

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El grito desde el subsuelo. Fiodor Dostoyevski contra el Homo Festivus

por Adriano Erriguel

Ex: https://culturatransversal.wordpress.com

“Soy un hombre enfermo, soy un hombre rabioso. No soy nada atractivo. Creo que estoy enfermo del hígado. Sin embargo no sé nada de mi enfermedad y tampoco puedo precisar qué es lo que me duele…” Así arrancan las “Memorias del subsuelo”, la obra que en menor número de páginas concentra más contenido filosófico de todas las que escribió Fiodor M. Dostoyevski. Estas páginas vigorosas y dramáticas constituyen la más potente carga de profundidad que desde la literatura se haya lanzado jamás contra los pilares antropológicos del liberalismo moderno: el mito de la felicidad, el mito del interés individual, el mito del progreso.

A través del narrador anónimo de estas memorias Dostoyevski se interna en los meandros del subconsciente para iluminar los aspectos más incoherentes, sórdidos y contradictorios de la naturaleza humana. Y la perorata del “hombre del subsuelo” – este individuo lúgubre, retorcido, quisquilloso y cruel – nos muestra que la ensoñación de un mundo pacificado por la razón universal, por la consciencia moral y por la armonía de los intereses individuales no es más que una hipócrita impostura, un horror aún peor que los horrores que depara la vida real. Porque los dogmas sedantes de la fraternidad universal y el moralismo invasivo del hombre progresista quedan desarmados frente a una pregunta muy simple: ¿Y qué sucede si el hombre, a fin de cuentas, prefiere sufrir?

unnamedfdpg.jpgEn materia de sufrimiento Fiodor M. Dostoyevski no hablaba de oídas.

Más allá de la casa de los muertos

¡Alto! ¡Este es tu dolor! ¡Aquí está! ¡No intentes salir de esta como hacen los muertos vivientes! ¡Sin dolor y sacrificio no tendríamos nada! ¡Te estás perdiendo el momento más grande de tu vida!

TYLOR DURDEN en el film: “El club de la lucha”

Hijo de un médico de hospital, la infancia de Dostoyevski transcurrió en las proximidades de un orfanato, de un manicomio y de un cementerio de criminales. Epiléptico desde los 18 años, a los 28 fue arrestado por formar parte de un grupo de conspiradores y fue sometido a un simulacro de ejecución. Cuatro años de prisión y de trabajos forzados en Siberia arruinaron su salud. Durante gran parte de su vida se vio asediado por las deudas, por la adicción al juego y por sus tendencias depresivas, y hubo además de padecer las muertes de su primera mujer y de dos de sus hijos. Falleció a los 59 años. “Para ser buen escritor es preciso haber sufrido”, dijo hacia el final de su vida. Él se encargó de demostrarlo. Con creces.

¿Un buen escritor? En su caso mejor decir: un gran escritor. Porque el autor ruso es la demostración más rotunda de que escribir bien y ser escritor son cosas diferentes. De hecho, probablemente él escribía mal. Su prosa fluye espasmódica y a borbotones, en tiradas que se disparan en todas direcciones para condensarse de nuevo en un amasijo caótico, al límite de la coherencia. Desde el punto de vista de pura técnica novelista la arquitectura de sus historias es a veces deficiente, la caracterización de sus personajes errática y los recursos dramáticos que emplea discutibles (1). Dicho lo cuál, da igual. Porque lo de Dostoyevski era otra cosa.

Realismo superior. Así definía el autor ruso su arte. Su objetivo no era experimentar con el lenguaje sino dar salida a su cosmovisión. En su escritura no hay lugar para manierismos ni para gorgoritos literarios. Las descripciones del tiempo o de la naturaleza, los cuadros costumbristas o los inventarios de valor sociológico brillan por su ausencia. Toda la acción transcurre en el interior de las personas. Porque ésa es la única realidad que a él le interesa: la oculta y espiritual, y ésta se revela a través de las acciones, las palabras y los pensamientos de sus personajes. Unos personajes casi siempre al límite yque se bañan en una atmósfera alucinada, como si vivieran “en espacios y en tiempos muy diversos de los reales, más consonantes con su existencia espiritual y profunda”. En las novelas de Dostoyevski – dice el filósofo Luigi Pareyson – “todo lo visible se transforma en fantasma y a su vez ese fantasma se convierte en la figura de una realidad superior. La visión de esa realidad superior es tan vigorosa que nos hace olvidar la visión de lo visible”. Nada es lo que parece. Los héroes de Dostoyevski “no trabajan en el sentido literal del término. No tienen ocupaciones, obligaciones o labores, pero van y vienen, se encuentran y entrecruzan, no cesan jamás de hablar (…) ¿Qué hacen? …meditan sobre la tragedia del hombre, descifran el enigma del mundo ¿Quiénes son en realidad? Son ideas personificadas, ideas en movimiento” (2).

¿Qué ideas? Con su largo historial de penalidades a cuestas Dostoyevski bien podría haberse entregado a una literatura dolorista y lastimera, a un mensaje filantrópico y edificante de denuncia social – como toda esa literatura oficial que hoy se cotiza en galardones “a la coherencia personal” o “al compromiso”. Pero el autor ruso era demasiado grande como para caer en bagatelas progresistas. Cuando Dostoyevski volvió de la casa de los muertos – el presidio siberiano a donde fue condenado por las autoridades zaristas – lo hizo convertido en un patriota, en un defensor de la misión universal de Rusia ante una Europa en la que él ya veía el germen de la decadencia. ¿Cómo fue eso posible?

Amor fati – la ley más fecunda de la vida, según Nietzsche. El amor por su destino – dice Stefan Zweig – “impedía a Dostoyevski ver en la adversidad algo diferente a la plenitud, y ver en la desgracia otra cosa que un camino de salvación”. Protestar contra el sufrimiento sería como protestar contra la lluvia. No hay en toda su obra un ápice de exhibicionismo victimista. Ni tampoco de orgullo o vanidad personal. Siempre practicó una impersonalidad activa. Volcó todo su orgullo en aquello que le sobrepasaba: en la idea de su pueblo y en la misión que a éste atribuía. Si bien la preocupación moral es una constante en su obra, no hay en ella rastro alguno de moralina. Porque vivir bien, para él, era “vivir intensamente en el bien y en el mal, incluidas sus formas más violentas y embriagadoras; nunca buscó la regla, sino la plenitud” (3). Siempre a la escucha de su lado oscuro, en perpetuo diálogo con su parte maldita, Dostoyevski es el escritor dionisíaco por excelencia. Odia los términos medios, abomina de todo lo que es moderado, armonioso. Sólo lo extraordinario, lo invisible, lo demoníaco le interesa. Sus obras nos muestran las puertas de salida del mundo burgués. Y la primera puerta se abre desde el subsuelo.

El reaccionario salvaje

Se me ocurre plantear ahora una pregunta ociosa: ¿Qué resultaría mejor? ¿Una felicidad barata o unos sufrimientos elevados?

FIODOR M. DOSTOYEVSKI

dostoievski-double.jpgUn individuo resentido, cicatero, cruel. Una risotada brutal que procede de la noche de los tiempos. El “hombre del subsuelo” es el primer antihéroe de la historia de la literatura. Con él Dostoyevski comienza a ser Dostoyevski. Décadas antes de Sigmund Freud el autor ruso desciende al sótano del subconsciente y da la palabra a ese hombrecillo oculto, aherrojado en los grilletes de la civilización y del progreso. Un individuo que se revela como un reaccionario salvaje. Y que la emprende contra una de las manías favoritas de la modernidad y del progreso: ¿a qué viene esa obligación de ser, a toda costa, felices? ¿Es eso de verdad lo que queremos?

“¿Por qué estamos tan firmemente convencidos – dice el hombre del subsuelo – de que sólo lo que es normal y positivo, de que sólo el bienestar es ventajoso para el hombre? ¿No pudiera ser que el hombre no ame sólo el bienestar, sino también el sufrimiento? Porque ocurre que a veces el hombre ama terrible y apasionadamente el sufrimiento (…) Podrá estar bien o mal, pero la destrucción resulta también a veces algo muy agradable. (…) Yo no defiendo aquí ni el sufrimiento ni el bienestar. Yo defiendo…mi propio capricho”.

¿Qué diría el hombre del subsuelo sobre nuestra época? La felicidad como deber, la euforia como disciplina, el festivismo como religión. He ahí nuestros horizontes insuperables. Ninguna época anterior a la nuestra había convertido la infelicidad en un signo de anormalidad o en un estigma de oprobio. Y sin embargo la depresión es nuestro “mal del siglo”. Dostoyevski ya lo había previsto. Porque él sabía que el hombre “no busca ni la felicidad ni la quietud. Lo que desea es una existencia a su medida, realizarse conforme a su voluntad, abrazar lo irracional y lo absurdo de su naturaleza” (4). Sin embargo Occidente es la única civilización que ha querido eliminar la tragedia de la faz de la tierra. ¿Y luego qué? ¿Para qué nos serviría ese único, universal e imperecedero universo de la razón y de la ciencia, si su único fruto será la grisácea uniformidad de una sociedad tabulada, aseptizada y computarizada? ¿Qué sucederá cuando ya no existan aventuras, ni pueblos, ni religiones, ni actos individuales y descabellados… cuando todo esté explicado y calculado a la perfección – incluido el propio aburrimiento?

¡Qué no se inventará por aburrimiento! dice el hombre del subsuelo. En contra de lo que enseña la filosofía del liberalismo, el móvil profundo de las grandes hazañas del hombre nunca ha sido el interés racional e individual. Sólo así se explica que, a lo largo de la historia, tantos y tantos que comprendieron perfectamente en qué consistían sus auténticos intereses individuales “los dejaran en segundo plano y se precipitaran por otro camino en pos del riesgo y del azar, sin que nada les obligara a ello, más que el deseo de esquivar el camino señalado y de probar terca y voluntariamente otro, más difícil y disparatado” (5). Sólo así se explican las ideas – disparatadas y absurdas desde el estricto punto de vista del interés individual – que han llevado a tantos hombres, a lo largo de la historia, a matar y a morir. Y así se explican, en última instancia, las patrias, las religiones y todas las constelaciones de mitos y de creencias que conforman las identidades de los pueblos y que tantas veces pertenecen al dominio de lo arbitrario y absurdo. “Ni un solo pueblo se ha estructurado hasta ahora sobre los principios de la ciencia y de la razón”, afirma Dostoyevski (6). De ahí la ineptitud última del empeño liberal en sostener toda convivencia colectiva sobre un contrato social, sobre un “patriotismo constitucional” racionalista y aséptico. Porque un proyecto colectivo, si ha de ser duradero, sólo puede sostenerse sobre un núcleo pasional más allá de la razón, sobre las creencias y sobre los mitos.

dosto.jpgEl sueño del progreso produce monstruos

El antiprogresismo de las “Memorias del subsuelo” no se queda en una diatriba contra la felicidad. En sus páginas aparece una imagen premonitoria: el “Palacio de Cristal” como símbolo del progreso, del fin de la historia. El Palacio de Cristal – pabellón de la exposición universal de Londres que Dostoyevski visitó en 1863– es la representación del universo definitivamente pacificado, estandarizado, homogeneizado. La mirada profética de Dostoyevski anticipa así la desazón posmoderna y nos alerta sobre el mundo del futuro: la sociedad de la transparencia, un inmenso panóptico nivelado y desinteriorizado en el que todos somos vigilados y vigilantes. Un mundo en el que las inquietudes y las apetencias humanas estarán totalmente codificadas – digitalizadas, diríamos nosotros – de forma que, al final, lo más probable es que el habitante de este mundo deje ya de desear, porque “todo se ha disuelto ya en una descomposición química, junto al instinto básico de supervivencia, pues para entonces ya se tendrá todo bien asegurado al milímetro. En cuestión de poco tiempo se pasará de la bulimia a la abulia más cruel con que las salvajes leyes de la naturaleza amenazarán al civilizado homúnculo, producto artificial de una probeta de laboratorio” (7).

Dostoyevski intuye la edad del vacío. La época en la que se abandona cualquier búsqueda de sentido, la época en la que el individuo es rey y maneja su existencia a la carta… pero también la edad en que el individuo es más banal, mediocre y limitado; en la que el hombre es más pusilánime, más dependiente del confort y del consumo; en la que el hombre es menos autónomo en sus juicios, más gregario, servil y victimista. “¡Nos pesa ser hombres, hombres auténticos, de carne y hueso” – exclama el “hombre del subsuelo” –. “Nos avergonzamos de ello, lo tomamos por algo deshonroso y nos esforzamos en convertirnos en una nueva especie de omnihumanos. Hemos nacido muertos y hace tiempo que ya no procedemos de padres vivos, cosa que nos agrada cada vez más. Le estamos cogiendo el gusto”.

El homúnculo: la palabra que el autor ruso acuña para designar al habitante de ese mundo transparente en el que la felicidad dosificada lo es todo. Una criatura en la que Dostoyevski barrunta ya ese “Último hombre” que guiña un ojo y piensa que ha inventado la felicidad (8). A ese “Homo Festivus” del que hablaba Philippe Muray: el consumidor en bermudas,flexible, elástico y cool, desprovisto de toda trascendencia y destinado a heredar la tierra (9).

unnamedfdcf.jpgEl homúnculo vive de espaldas a la “auténtica vida”, a la “vida viva”: dos conceptos clave para Dostoyevski. “No hay nada más triste para el autor de Memorias del subsuelo ­– señala Bela Martinova – que una persona que no sabe vivir; que un hombre que ha perdido el instinto, la intuición certera de saber dónde habita la “fuente viva de la vida”. Dostoyevski es uno de los primeros que olfatea ese progresivo distanciamiento entre el hombre europeo y la realidad primigenia, ese ocultamiento de lo real. Dostoyevski ya había calado al urbanita de nuestros días, desarraigado y alienado, perdido en una realidad virtual de necesidades inducidas, arrancado de la “vida viva”. El hombre del subsuelo agarra al ese hombre por las solapas, lo zarandea violentamente y le obliga a mirarse en el espejo: ¡Ecce Homo Festivus!

Pero Dostoyevski siempre atisba una salida. Tarde o temprano – nos dice el hombre del subsuelo “aparecerá un caballero que, con una fisonomía vulgar, o con un aspecto retrógrado y burlón (un reaccionario, diríamos nosotros…) se pondrá brazos en jarras y nos dirá a todos: “bueno señores ¿y por qué no echamos de una vez abajo toda esa cordura, para que todos esos logaritmos se vayan al infierno y podamos finalmente vivir conforme a nuestra absurda voluntad?”” ¡Dos más dos son cuatro! Sí, ya lo sabemos. Pero el hombre del subsuelo escupe sobre eso. Tal vez le resulte más atractivo el “dos más dos son cinco”. Porque el “dos más dos son cuatro” ya no es vida… sino el inicio de la muerte.

El grito del hombre del subsuelo es un grito de rebelión contra la futura armonía universal, contra la religión del progreso, contra el mundo de los esclavos felices. Porque la auténtica libertad del espíritu humano – viene a decirnos Dostoyevski – es incompatible con la felicidad. O libres o felices. Y la libertad es aristocrática, no existe más que para algunos elegidos. Algo que sabía muy bien el personaje mítico que culmina su obra, y el que mejor compendia la dialéctica de sus ideas.

Grandes y pequeños Inquisidores

La era tecnotrónica implica la aparición gradual de una sociedad cada vez más controlada y dominada por una elite desembarazada de los valores tradicionales. Esa élite no dudará en alcanzar sus fines políticos mediante el uso de las tecnologías más avanzadas (…) para modelar los comportamientos públicos y mantener a la sociedad bajo estrecha supervisión y control.

ZBIGNIEW BRZEZINSKI

El Gran Inquisidor es demócrata y socialista a su manera. Está lleno de compasión por la gente, alienta un sueño de fraternidad universal y su objetivo es asegurar la felicidad del género humano. El Gran Inquisidor toma el partido de los humildes, de los débiles, de la mayoría. La idea de superación personal le indigna por aristocrática. El Gran Inquisidor guarda un secreto: no cree en Dios. Pero tampoco cree en el hombre. Su misión es organizar el hormiguero humano en una tierra sin Dios.

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La “Leyenda del Gran Inquisidor” – inserta en la novela “Los hermanos Karamazov” – consiste en el largo monólogo de este enigmático personaje ante otro al que ha hecho arrestar y que permanece en silencio: Jesucristo, de nuevo entre los hombres. Y en su monólogo el Gran Inquisidor se justifica. Y explica por qué se ha visto obligado a corregir Su obra, por qué ha instaurado una tiranía en Su nombre, en el nombre de una religión puramente formal.

Se trata, según él, de una tiranía necesaria. Porque él sabe que los hombres no quieren ser libres sino felices. Y sabe que no hay nada que torture más al hombre que la ausencia de un porqué, que la falta de un sentido. Pero Cristo, en vez de abrumar al hombre con las pruebas de su divinidad, ha dejado las puertas abiertas a todas las dudas. Porque Él ha querido que la fe sea un acto de libertad. Y el Gran Inquisidor sabe que esa libertad de espíritu es incompatible con la felicidad. Y sabe que los hombres no quieren la libertad, sino la certeza. O mejor aún: sabe que en realidad prefieren no tener que pensar. Y por eso les ha convertido en una masa domesticada.

La felicidad en la tierra. Ésa es la única preocupación del Gran Inquisidor, la única verdad que él reconoce. Porque él sabe que Dios no existe. Y él – un asceta, un hombre de ideas – oculta esa dolorosa verdad al resto de los hombres. Además él sabe que la fe es una responsabilidad con consecuencias demasiado gravosas, y que no está al alcance de todos. Y el Gran Inquisidor, lleno de compasión por los hombres, no puede tolerarlo. ¿Por qué sólo algunos serían los elegidos? ¿Por qué no todos? Y por ello proporciona a los hombres un cúmulo de verdades maleables, flexibles y confortables, adaptadas a la debilidad de la mayoría. Y frente a la religión del pan celestial les ofrece la religión del pan terrenal, el dogma del bienestar en la tierra, la felicidad del rebaño.

“Les daremos una felicidad tranquila, resignada, la felicidad de unos seres débiles, tal y como han sido creados…les obligaremos a trabajar, pero en las horas libres les organizaremos la vida como un juego de niños, con canciones infantiles y danzas inocentes. Les permitiremos también el pecado… ¡son tan débiles e impotentes! y ellos nos amarán como niños a causa de nuestra tolerancia (…) y ya nunca tendrán secretos para nosotros (…) y nos obedecerán con alegría” (10). Un paraíso de beatitud y de simplicidad infantil. ¿Una crítica a la Iglesia católica?

Dostoyevski, ortodoxo militante, no albergaba simpatías por la Iglesia de Roma. Pero es imposible reducir el mito del Gran Inquisidor a una crítica pasajera del catolicismo. Tampoco puede reducirse – como han hecho algunos comentaristas – a una premonición de las utopías totalitarias y socialistas que por aquél entonces ya despuntaban en Rusia. El potencial visionario de Dostoyevski exige una lectura postmoderna, mucho más ambiciosa.

Lo que el autor ruso vaticina – en una intuición tan pasmosa como profética – son los principios básicos de una sociedad de control total, postreligiosa y posthistórica. Una sociedad de la que el espíritu – o cualquier otro elemento de auténtica trascendencia – ha quedado desterrado. El Gran Inquisidor es la primera aparición literaria del Gran Hermano.

Y un mentor para los tiempos actuales. El Gran Inquisidor se alza contra Dios y corrige Su obra en el nombre del hombre. Sus ideas se resumen en dos: rechazo de la libertad en nombre de la felicidad y rechazo de Dios en nombre de la humanidad (11). Su objetivo es globalizador: la unión de todos los hombres en un “hormiguero indiscutible, común y consentidor, porque la necesidad de una unión universal es el último tormento de la raza humana”. El único paraíso posible está aquí, en la tierra. Y la única beatitud posible consiste en el retorno a la inocencia infantil.

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¿Y qué mejor para ello que un totalitarismo soft? Un totalitarismo hecho de hipertrofia sentimental, de intervencionismo humanitario, de felicidad como imperativo y de infantilización en el gigantesco parque de atracciones del hiperfestivismo. ¿Algo que ver con los tiempos actuales?

Pero hoy ya no se trata de un Gran inquisidor, sino de muchos. En nuestros días los Grandes Inquisidores anidan en las estructuras de poder del Nuevo Orden Mundial y forman parte de un directorio tecnocrático, financiero y policíaco que vela por la pureza del pensamiento global único. Un pensamiento New Age, festivo y nihilista que se acompaña de un moralismo agresivo. Y armado, si es preciso.

El Gran Inquisidor de Dostoyevski es un personaje trágico, no exento de cierta grandeza. Toma sobre sí toda la carga de la dolorosa verdad y dispensa una felicidad en la que él no puede participar. Pero nuestros tiempos son prosaicos. Los Grandes Inquisidores de nuestros días están encantados de haberse conocido, se reúnen y ríen entre ellos sus ocurrencias, como la de aquél conocido Gran Inquisidor que anunció la buena nueva del “Entetanimiento” (tittytainment): una mezcla de entretenimiento vulgar, propaganda, bazofia intelectual y elementos psicológica y físicamente nutritivos, la fórmula ideal para mantener sedada a la mayoría de la población y evitar estallidos sociales (12).

Pero por muy importante que sea el papel de los Grandes Inquisidores, lo que hace realmente posible que el entetanimiento funcione es todo el entramado de pequeños inquisidores – políticos y economistas, intelectuales de derecha y de izquierda, periodistas y think-tanks, ONGs, “sociedad civil” a sueldo, miembros del show-busines, corporaciones de ocio y entretenimiento – que funcionan como terminales de los poderes hegemónicos, como sus vigilantes, pequeños inquisidores domésticos cuya función consiste en encuadrar a la población en el discurso de valores dominante, en la idea de que no hay alternativas al pensamiento único: un pensamiento liberal-libertario, que no de libertad.

El problema de la libertad es precisamente el gran tema de la obra de Dostoyevski, la cuestión que más le obsesiona. La libertad entendida siempre como libre albedrío, como capacidad de opción moral. Un problema que se sitúa en el núcleo de su concepción religiosa. Una concepción mesiánico-apocalíptica – al decir de sus críticos – que, unida a su intenso patriotismo ruso, es la que más le ha valido su sulfurosa reputación de reaccionario.

Para acabar con el buenismo

Dostoyevski es un escritor del lado oscuro. Sus novelas exploran el componente maligno y demoníaco que anida en la naturaleza humana. Por eso pocas cosas le indignaban tanto como los intentos de “contextualizar” o de negar el mal en el hombre, de atribuirlo a las “condiciones sociales” o a las “circunstancias del entorno”. Dostoyevski se subleva contra esa visión humanitario-progresista – tan vieja como recurrente – según la cuál bastaría con transformar las mencionadas condiciones sociales para que el mal desaparezca, porque en el fondo “todo el mundo es bueno”. Para el autor ruso el mal no es el resultado inevitable de unos condicionantes sociales sino una opción del hombre. El mal es hijo de la libertad, y si reconocemos que el hombre es un ser libre estamos obligados a admitir la existencia del Mal.

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La lectura de Dostoyevski es el mejor antídoto contra el buenismo. El autor ruso consideraba el no-reconocimiento del mal como una negación de la naturaleza profunda del hombre, como un atentado contra su responsabilidad y dignidad. Su postura no es ni optimista ni pesimista: no es optimista porque no se minimiza la realidad del mal, y no es pesimista porque no se afirma que el mal sea insuperable. Se trata más bien de una concepción trágica: la vida del hombre está bajo el signo de la lucha entre el bien y el mal (13).

Una concepción trágica y también dialéctica: el bien no sería tal – en expresión de Luigi Pareyson – si no incluye en sí mismo la realidad o posibilidad del mal como momento vencido y superado. Y el dolor es el punto de inflexión de esa dialéctica: al hombre no le queda otra posibilidad para llegar al bien que padecer hasta el fondo el proceso autodestructivo del mal. Porque el mal, por su propia naturaleza, tiende a autodestruirse (14). Dostoyevski siempre encuentra una salida.

Dostoyevski es un pensador cristiano. Y ello a pesar de que el mal y el sufrimiento humano – constantemente presentes en su obra – son los mayores obstáculos para la fe en cuanto conducen a la desesperanza. Pero no es el suyo un cristianismo melifluo del tipo “sonríe Dios te ama”. El suyo es un cristianismo trágico, agónico, forjado en el sufrimiento y en la duda.Dostoyevski quería – dice Nikolay Berdiaev – que toda fe fuese aquilatada en el crisol de las dudas. Porque para él convertir el mensaje de Cristo en verdad jurídica y racional significaba pasar del camino de la libertad al camino de la coacción – como en el caso del Gran Inquisidor –. El autor ruso fue probablemente el más apasionado defensor de la libertad de conciencia que ha conocido el mundo cristiano, y sabía que “si en el mundo hay tanto mal y sufrimiento es porque en la base del mundo se encuentra la libertad. En la libertad está toda la dignidad del mundo y la dignidad del hombre. Sólo sería posible evitar el mal y los sufrimientos al precio del rechazo de la libertad” (15).

“Rusia es un pueblo portador de Dios”, afirma Dostoyevski. El cristianismo y la idea de Rusia se funden para él en una visión mesiánica en la que reverbera la vieja idea de Moscú como “Tercera Roma”, portadora de un mensaje de salvación universal. Una visión en la que asoma ese fondo místico-apocalíptico del espíritu tradicional ruso que resulta tan chocante para el hombre actual. ¿Rusia como nuevo pueblo elegido? ¿Rusia como portadora de un dogma universalista? ¿Rusia destinada a unificar la humanidad, a concluir la historia? Veremos que, como casi todo en Dostoyevski, el camino utilizado es el más tortuoso para decirnos algo bastante diferente. Casi incluso lo contrario.

Los dioses y los pueblos

Quien renuncia a su tierra renuncia también a su Dios

FIODOR M. DOSTOYEVSKI

“El pueblo ruso cree en un cristo ruso. Cristo es el dios nacional, el dios de los campesinos rusos, con rasgos rusos en su imagen. Se observa en ello una tendencia pagana en el seno de la ortodoxia”. El filósofo Nikolay Berdiaev explicaba en esos términos la importancia del cristianismo ortodoxo en la formación de la identidad rusa. La religión ortodoxa hizo a Rusia, y en ese sentido se trata de una religión con un carácter comunitario y patriótico similar al que antaño tenían las religiones paganas que eran, ante todo, religiones de la polis. Rusia se celebra a sí misma a través del Dios ortodoxo, por el cuál participa en el misterio de lo sagrado.

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Pero según el cristianismo la verdad es sólo una, la misma para todos los pueblos. De la identificación de Rusia con esa verdad universal nace su conciencia mesiánica, la misma que el monje Filoteo sintetizó en el siglo XVII en la idea de Moscú como “Tercera Roma”. La ortodoxia rusa oscila por tanto entre esos dos polos: por un lado ese populismo religioso que hace de ella una especie de religión tribal, y por otro lado el mensaje universalista y expansivo propio del cristianismo. Esa bipolaridad se da también en Dostoyevski. El autor ruso se adhiere a la verdad universal del cristianismo, pero al mismo tiempo – y ahí está lo novedoso de su pensamiento – parece rechazar el universalismo, es decir, la pretensión de homogeneizar a la humanidad en torno a un único credo. Más bien el contrario, lo que hace es una defensa de las religiones enraizadas: cuanto más vigorosa sea una nación tanto más particular será su Dios.

Especialmente reveladoras son las siguientes frases de su novela Demonios: “Dios constituye la personalidad sintética de todo un pueblo desde su nacimiento hasta su fin. Nunca se ha dado el caso de que todos los pueblos, o muchos de ellos, hayan adorado a un mismo Dios, sino que cada uno de ellos ha tenido siempre el suyo propio (…) Cuando los dioses comienzan a ser comunes es el inicio de la destrucción de las nacionalidades. Y cuando lo son plenamente, mueren los dioses y la fe en ellos, junto con los mismos pueblos”.

¿Instinto pagano en Dostoyevski? El autor ruso expresa la idea de que todos los grandes pueblos tienen que sentirse portadores, de un modo u otro, de una simiente divina, tienen que rodear sus orígenes de un aura mítica. “Ni un solo pueblo se ha estructurado hasta ahora sobre los principios de la ciencia y de la razón”. Siempre había sido así en el pasado hasta que la modernidad comenzó a desencantar el mundo.

Y prosigue:

“Jamás ha existido un pueblo sin religión. O sea, sin un concepto del mal y del bien. Cada pueblo posee su noción del mal y del bien y un bien y un mal propios. Cuando muchas naciones empiezan a comulgar en un mismo concepto del mal y del bien, perecen los pueblos y comienzan a desdibujarse y a desaparecer las diferencias entre el mal y el bien”.

¿Pronóstico de futuro? La época de relativismo en la que vivimos es a su vez la época en la que el sistema de valores occidental – la moralina “derecho-humanista”, la corrección política, la ideología de género y similares – intentan imponerse, por la fuerza incluso, sobre toda la humanidad. Lo que el autor ruso parece decirnos es que, para frenar el relativismo – es decir, para restaurar las ideas del mal y del bien – sería más bien preciso adoptar el enfoque contrario: aceptar el pluralismo de los valores, respetar las sensibilidades de los pueblos, reconocer el mundo como pluriverso.

Los dioses y los pueblos. Dos conceptos que discurren en paralelo y que en Dostoyevski se ligan de forma indisoluble: los pueblos nacen como resultado de una búsqueda de Dios. Continúa el personaje de Demonios:

“Los pueblos se constituyen y mueven en virtud de otra fuerza imperativa y dominante, cuyo origen es tan desconocido como inexplicable. Esa fuerza radica en el inextinguible afán de llegar hasta el fin, más al mismo tiempo niega el fin (…) el objetivo de este movimiento popular, en todas las naciones y en cualquier período de su existencia, se reduce a la búsqueda de Dios, de un Dios propio, infaliblemente propio, y a la fe en él como único verdadero” (16).

Lo que Dostoyevski parece afirmar es que la fuerza del cristianismo – religión de la divinidad encarnada, encastrada por tanto en el tiempo histórico –, consiste en encarnarse a su vez en esas grandes fuerzas motrices de la historia que son las naciones y los pueblos. El momento triunfal del cristianismo se produce cuando toma como vehículo a naciones poderosas, cuando se convierte a su vez en hacedor de naciones. Pero cuando el cristianismo pasa a convertirse en un mero gestor de buenos sentimientos, en un moralismo universalista y desencarnado, entonces se diluye y muere. La historia de Europa es un buen ejemplo de ello.

Una Europa que en tiempos de Dostoyevski se encontraba en la cúspide de su poder. Pero él veía más allá de eso.

Por Europa, contra occidente

“Quiero ir a Europa. Sé que sólo encontraré un cementerio, pero ¡qué cementerio más querido! Allí yacen difuntos ilustres; cada losa habla de una vida pasada ardorosa, de una fe apasionada en sus ideales, de una lucha por la verdad y la ciencia. Sé de antemano que caeré al suelo y que besaré llorando esas piedras convencido de todo corazón de que todo aquello, desde hace tiempo, es ya un cementerio y nada más que un cementerio” (17).

30713054877.jpgEstas palabras resumen a la perfección los sentimientos de su autor frente a Europa. Dostoyevski fue un ferviente y apasionado patriota europeo. Frente a la imagen que suele tenerse de los eslavófilos como chauvinistas antieuropeos, el autor de Crimen y Castigo dedica sus páginas más tiernas y vehementes a hacer el elogio de Europa en términos que pocos occidentales han empleado jamás.

“Europa, ¡qué cosa tan terrible y santa es Europa! ¡Si supieran ustedes, señores, hasta que punto nos es querida – a nosotros, los soñadores eslavófilos, odiadores de Europa según ustedes – esa Europa! (…) ¡Como amamos y honramos, de un amor y una estima más que fraternales, las grandes razas que la habitan y todo lo que ellas han culminado de grande y de bello! Si supieran ustedes hasta que punto nos desgarran el corazón (…) las nubes sombrías que cada vez más velan su firmamento” (18).

Dostoyevski nunca llegó a ser un auténtico eslavófilo – o fue tan sólo un eslavófilo sui generis –. Mucho menos era occidentalista. Rechazaba el europeísmo mimético que consistía en importar a Rusia las ideas y la forma de vida occidentales. Para él ser radical y apasionadamente ruso era la mejor forma de servir a Europa. Una civilización sobre la cuál él ya veía abatirse una implacable condena a muerte. La Europa “occidentalista” – la Europa del “Palacio de cristal” y de la triunfante civilización burguesa – no era ya su Europa.

¿Europa u Occidente? Conviene tener bien clara esta distinción. Europa es una cultura y una civilización milenaria, geográficamente delimitada. Occidente es un proyecto de civilización global y homogénea fundada sobre la economía. La victoria de la segunda representa la muerte de la primera. Y eso Dostoyevski lo vio perfectamente. Y no sólo él, en Rusia. Pero lo que él hizo fue expresar, de la forma más contundente y más literariamente elevada, esa idea que ya estaba presente en los principales filósofos religiosos y en el pensamiento metapolítico del país euroasiático. Ese pensamiento era hostil a la Europa Occidental sólo y en la medida en la que en ella triunfa la civilización burguesa. Dostoyevski – al igual que Nietzsche – levantó acta de la muerte de Dios. Y vio que Europa había dejado de ser cristiana. También vio que los proclamados ideales de libertad, igualdad y fraternidad que habían sustituido al cristianismo no eran más que una farsa, en cuanto no puede haber auténtica libertad sin poder económico – idea ésta en la que curiosamente coincidía con Karl Marx – (19).

En ese tesitura ¿qué hacer? ¿Cuál sería la misión de Rusia? Para Dostoyevski la idea de patria es inseparable de la idea de misión. Su patriotismo – y en eso se separaba de los eslavófilos – era ajeno a toda connotación etnicista o nacionalista. Para él la misión de Rusia es universal, ajena a cualquier autoafirmación nacional exclusiva. “Todo gran pueblo ha de creer, si quiere seguir vivo mucho tiempo, que en él y sólo en él está la salvación del mundo; que vive para estar a la cabeza de los pueblos, para unirlos en un común acuerdo y conducirlos hacia el objetivo que les está predestinado”. En el caso contrario “la nación deja de ser una gran nación y se transforma en simple material etnográfico. Una gran nación, cuando verdaderamente lo es, nunca se conforma con un papel secundario en la historia de la humanidad” (20). En un célebre discurso pronunciado meses antes de morir, declaraba:

“Creo firmemente que los rusos del futuro comprenderán en qué consiste ser un verdadero ruso: en esforzarse por aportar la reconciliación definitiva a las contradicciones europeas, en mostrar ante el malestar europeo la salida que ofrece el alma rusa, humana, universal y unificadora (…) pronunciar la palabra definitiva… de la concordia fraternal de todas las razas según la Ley evangélica de Cristo” (21).

Ahí reside la célebre concepción mesiánico-apocalíptica de Dostoyevski, que tan extravagante resulta a los ojos actuales. Una idea en la que confluyen siglos de pensamiento tradicional ruso. ¿Rusia como pueblo elegido? ¿Un ideal de dictadura teocrática? ¿Una justificación del imperialismo ruso?

30289585011.jpgEl mesianismo del autor de Crimen y castigo es grandioso, resplandeciente, místico, apasionado, paradójico… y totalmente utópico. Es decir, está más allá de cualquier análisis racional. Parece además contradictorio con otras posiciones de su autor. ¿Acaso no se rebelaba el “hombre del subsuelo” contra los cánticos a la armonía universal? ¿Acaso no era Dostoyevski – señalábamos antes – partidario de un pluralismo de los valores, absolutamente contrario a cualquier forma de imposición hegemónica? ¿Cómo se concilia eso con su idea del pueblo ruso como agente mesiánico-universal?

En realidad su mesianismo está alejado de cualquier espíritu de cruzada. También de cualquier idea de totalitarismo teocrático. Sí tiene mucho que ver con una idea central en su pensamiento: la visión del mundo como “una unidad espiritual y moral, una “comunidad fraternal” que debería existir de forma natural, pero que no puede ser creada artificialmente” (22).  Una idea que no cesa de repetir en su obra al mostrar una y otra vez lo nefasto de cualquier intento de forzar esa unidad: tal es el caso de los protagonistas de Demonios con su violencia revolucionaria; y – el ejemplo más notorio – tal es el caso del Gran Inquisidor. Tanto el catolicismo como el socialismo eran a sus ojos intentos de imponer la unidad del género humano por medios mecánicos y externos – lo que él llamaba “la hermandad del hormiguero”–. Por el contrario la Iglesia Ortodoxa rusa – de carácter más “nacional” que proselitista – era para él más respetuosa con la libertad, porque siempre habría esperado que la unidad venga por sí sola, de forma espontánea y sin coacciones.

El mesianismo de Dostoyevski se formula en términos más bien humildes: “lo que más tememos es que Europa no nos comprenda y que, como antaño y como siempre, nos acoja desde su orgullo, desde su desprecio y desde su espada, como a bárbaros salvajes indignos de tomar la palabra delante de ella” (23). Se trata de un mesianismo que aspira ante todo a dar testimonio. Testimonio de la existencia de una vía alternativa, específicamente rusa, que trataría de alcanzar una síntesis de elementos espirituales y comunitarios frente al individualismo y el materialismo occidentales. Rusia como nación “portadora de Dios” (nación teófora) que estaría llamada a dar testimonio y a sufrir en nombre de la humanidad. Una intuición que, a tenor de la historia rusa en el siglo XX, parece que tampoco iba tan descaminada.

En Dostoyevski nada hay lineal y cartesiano, todo es complejo y tortuoso. Aunque pueda parecer lo contrario no predica el angelismo. Mucho menos la globalización y el “fin de la historia”. Todo lo contrario. Para él la nación – ese vector de la historia – es la condición del retorno a Dios. Y Dios es “la condición de la perennidad de la nación. Ni un Dios tribal, ni un pueblo-dios, sino el Dios de un pueblo elegido por ese Dios que ha sido, a su vez, reconocido por ese pueblo” (24). El ideal mesiánico de Dostoyevski es una llamada a actuar sobre la historia, no a salir de ella; es una invocación a la fraternidad entre los pueblos, no a su homogeneización o mestizaje.

Y es también una llamada a Europa. Para que ataje su decadencia, para que asuma las riendas de su misión, codo con codo junto a Rusia. Como todos los eslavófilos el autor de Crimen y Castigo era un acérrimo defensor de lo que consideraba como misión histórica de Rusia: la defensa de los pueblos eslavos y de la religión ortodoxa. En su labor de publicista siempre señaló como objetivo de Rusia la reconquista de Constantinopla para la cristiandad: unas páginas tal vez obsoletas que denotan, no obstante, el entusiasmo de un espíritu quijotesco al servicio de Europa (25).

Apocalíptico y no integrado

Albert Camus afirmaba que el auténtico profeta del siglo XIX no era Karl Marx, sino Dostoyevski. El rasgo más sobresaliente del autor ruso es, sin duda alguna, su talento visionario, su capacidad de situarse en el futuro y de percibir el mundo como una lejanía. Eso explica también su contemporaneidad: Dostoyevski no sólo habla al hombre de hoy sino que hace parecer irremediablemente viejos a muchos escritores actuales.

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Eso es así porque la suya es una literatura de ideas, no una literatura “literaria”. Su finísima percepción podía captar las corrientes subterráneas del espíritu, las fuerzas profundas que mueven la historia. Se trata por lo tanto del primer gran escritor metapolítico de la historia. Escritor gramscista antes de Gramsci, su obra es la demostración de que toda acción verdadera viene precedida por una idea, de que las ideas tienen consecuencias. Por eso sus grandes personajes son ante todo intelectuales, ideas en acción. Él sabía que en la historia “lo que triunfa no son las masas de millones de hombres ni las fuerzas materiales, que parecen tan fuertes e irresistibles, ni el dinero ni la espada ni el poder sino el pensamiento, casi imperceptible al inicio, de un hombre que frecuentemente parece privado de importancia” (26).

¿Dostoyevski profeta? De todas sus intuiciones, la primera que alcanzó sorprendente cumplimiento fue la revolución rusa. El autor de Demonios – señala Berdiaev – fue “el profeta de la revolución rusa en el sentido más indiscutible de la palabra. La revolución se realizó según Dostoyevski: él reveló su dialéctica interior y le dio forma. Con una presciencia genial él percibió los cimientos ideológicos y el carácter de lo que se preparaba. La novela Demonios trata, no sobre el presente, sino sobre el provenir” (27).

Pero entre sus premoniciones hay otras que hoy nos tocan más a fondo. “Si Dios no existe, todo está permitido”– decía Iván Karamazov. Dostoyevski fue el primero que captó – antes que Friedrich Nietzsche – que el más incómodo de todos los huéspedes, el nihilismo, había llegado para quedarse y que ya nada sería lo mismo. Dostoyevski dedicó toda su vida a combatirlo. Como lo hizo – por un camino tan diferente como lleno de grandeza – el vagabundo de Sils-María. Sus obras son como espadas que se cruzan. Pero también hay paralelismos y coincidencias sorprendentes. Crimen y castigo nos ofrece la prefiguración – y la refutación – del superhombre. La imagen de Cristo del uno se asemeja a la del Zaratustra del otro – “el mismo espíritu de orgullosa libertad, la misma altura pasmosa, el mismo espíritu aristocrático”– (28). Y sobre todo, tanto el uno como el otro aseguraban que sólo la belleza salvaría al mundo. El litigio entre ambos no está resuelto y será posiblemente eterno. Pero la solución al problema del nihilismo, si existe, posiblemente se sitúe en alguna zona de intersección entre estos dos espíritus superiores.

Tras Dostoyevski y Nietzsche se hace imposible volver al antiguo humanismo racionalista. Una nueva corriente, el existencialismo, se abre paso de la mano del autor de Crimen y castigo. Él supo que la libertad humana es la realidad radical, que el hombre está condenado a ser libre, que la libertad es trágica, una carga y un sufrimiento. Él supo también que hoy es imposible proponerle al hombre los remedios de antaño, y eso es lo que hace de él un escritor de nuestro tiempo. Porque – en palabras de Luigi Pareyson – “tras la intensa experiencia nihilista del hombre contemporáneo, la afirmación de Dios ya no puede trasmitirse a través del dulce y familiar hábito de una costumbre o heredarse en el seguro patrimonio de una tradición. Afirmarla ahora exige el trabajo de una verdadera reapropiación personal (…) Dios debe ser objeto de una auténtica recuperación: es necesario saberlo descubrir en el corazón de la negación”. Por eso Dostoyevski – subraya Berdiaev – “no puede ser considerado un escritor pesimista y tenebroso. La luz brilla siempre en las tinieblas”. El cristianismo de Dostoyevski – aunque permanezca fiel a los dogmas milenarios – es un cristianismo de nuevo cuño, un cristianismo existencialista que no mira hacia el pasado sino hacia el nuevo milenio.

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Dostoyevski rechaza los mitos optimistas de la razón y del progreso. Sabe perfectamente que el progreso sólo consiste en mera acumulación de conocimientos, y que esa acumulación no garantiza un mayor grado de desarrollo moral, de inteligencia o de felicidad. Pero eso no hace de él un reaccionario o un conservador – al menos no en el sentido habitual del término. Él era demasiado apocalíptico como para pensar que una vuelta atrás sería deseable; demasiado marginal como para pensar en la restauración del antiguo y tranquilo modo de vida. Él era un revolucionario del espíritu. No en vano su mensaje caló hondo en los movimientos vanguardistas que, a comienzos del siglo XX, orquestaron la primera gran rebelión cultural contra el orden racionalista, liberal y burgués. Paradoja suprema: a partir de Dostoyevski la mejor reacción intelectual se torna en vanguardia estética. Modernismo reaccionario o revolución conservadora, tanto da. En el imaginario de la época el autor de Crimen y Castigo representaba el “Este”: una dirección geográfica, una opción política y un universo “mágico” capaz de suministrar una alternativa enérgica frente a la decadencia occidental (29). “Doestoyevski – decía Stefan Zweig – parece abrirse las venas para pintar con su propia sangre el retrato del hombre del futuro”.

Metapolítica de Rusia

Un pueblo sólo puede tener una vida robusta y profunda si está sostenido por ideas. Toda la energía de un pueblo consiste en tomar conciencia de sus ideas ocultas.

FIODOR M. DOSTOYEVSKI

Todo en él era desmesurado, y en eso expresa como ningún otro un rasgo sustantivo de su pueblo. Rusia es un mundo cuya historia sobrepasa lo humano y lo racional, un mundo barroco y excesivo, un imaginario propenso al mito y la utopía. Con Dostoyevski penetramos en “ese mundo primario y elemental en el que nos espera la tensión cósmica del alma rusa: obsesiones, vislumbres alucinantes, humor desgarrado, inesperadas intuiciones” (30). Pero el mesianismo de Dostoyevski – por muy quijotesco, místico y lejano que nos parezca – encierra una metapolítica con contenidos ajustados a la hora actual.

En primer lugar, la crítica de Dostoyevski hacia la civilización europea de su época prefigura algo que Alexander Solzhenitsyn expresaría un siglo más tarde: entre el socialismo totalitario – que anula la libertad humana – y el capitalismo libertario – que llama tolerancia a la permisividad moral necesaria para el desarrollo del mercado – no hay diferencia sustantiva, en cuanto ambos expresan una falta de respeto a la dignidad profunda del hombre.

En segundo lugar Dostoyevski vislumbra ya a la Europa-cementerio, la Europa-museo, esa almoneda de recuerdos santos y heroicos que sólo le inspira tristeza y compasión. Presiente un mundo en proa a la disolución y aspira a un revulsivo que le saque de su letargo.

En tercer lugar, su obra expresa un designio que explica la trayectoria histórica de Rusia a lo largo de siglos: la idea de la complementariedad profunda entre Europa y Rusia. La convicción – que aparece de forma recurrente en los mejores pensadores rusos – de que el porvenir de Rusia está vinculado al de Europa, y que el porvenir de Europa debe incluir a Rusia. Una idea que se corresponde con todas las realidades geopolíticas, históricas y culturales del viejo continente. Eso que alguien definió hace décadas como la “Europa del Atlántico hasta los Urales” (31).

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Decía Ortega y Gasset que Rusia es un pueblo de una edad diferente a la nuestra, un pueblo aún en fermento, es decir, juvenil. Los pueblos jóvenes – que suelen ser considerados como pueblos “bárbaros” – son todavía capaces de experiencias radicales y se encuentran más cerca de aquello que Dostoyevski llamaba “las fuentes vivas de la vida”: los valores arquetípicos que hemos olvidado, los vínculos comunitarios que hemos perdido. Es bien sabido que, frente a la decadencia, los “bárbaros” son siempre una terapia de choque. Tal vez hoy sería conveniente “ponerse a la escucha” de lo que puedan decirnos los bárbaros. Y tal vez viendo lo que no somos podamos recuperar un día el pulso de lo que fuimos.

Por de pronto los hombres del fin de historia – los “hombres festivos”, los “homúnculos” – continúan su progreso hacia el Palacio de Cristal, pastoreados por los Grandes Inquisidores de turno. Pero puede que algún día se oiga un grito procedente del subsuelo. Un grito que parezca venir de la noche de los tiempos; o tal vez de un hombrecillo de ojos rasgados como los de un tártaro; o tal vez desde el fondo de nuestra conciencia. Y será una llamada a recomenzar la historia. Como Dostoyevski no cesaba de repetir, tarde o temprano siempre hay una salida.

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Notas:

(1) El profesoral y relamido Vladimir Nabokov califica a Dostoyevski de “escritor mediocre” en su Curso de literatura rusa, Ediciones B 1997, pags 193 y ss. Por su parte el crítico Solomon Volkov hace un símil eficaz: “la gente que se maravilla en los museos ante la densidad de los originales de Van Gogh y siente la descarga de cada brochazo nervioso, y luego ve esos mismos originales en reproducciones, entenderá lo que digo: Dostoyevski debe leerse en ruso”. Solomon Volkov, Romanov Riches. Russian Writers and artists under the Tsars. Kindle Edition.

(2) “En Dostoyevski – añade Pareyson – los príncipes no son príncipes, los empleados no son empleados, las prostitutas no son prostitutas, sino que todos tienen algo de otro y todos poseen algo de más, y solamente ese algo de más es lo que cuenta.”. Luigi Pareyson, Dostoievski. Filosofía, novela y experiencia religiosa. Ediciones Encuentro 2007, pags. 34 -40

(3) Stefan Zweig, Dostoïevski. Essais III. La Pochotèque- Le Livre de Poche1996, pags 127 y 135.

(4) Sémion Frank, en La legende du Grand Inquisiteur de Dostoïevski, commentée par Léontiev, Soloviev, Rozanov, Boulgakov, Berdiaev, Frank. L´Age d´Homme 2004, pag 365.

(5) Dostoyevski, Memorias del subsuelo.

(6) En la novela Demonios.

(7) Bela Martinova, Introducción a Memorias del subsuelo. Dostoyevski. Cátedra Letras universales 2009, pag. 60.

(8) Nietzsche, Así habló Zaratustra.

(9) Sobre la obra de Philippe Muray, el artículo de Rodrigo Agulló: Philippe Muray y la demolición del progresismo: http://www.elmanifiesto.com/articulos.asp?idarticulo=3936

(10) Fiodor M. Dostoyevski, La leyenda del Gran Inquisidor.

(11) Nikolay Berdiaev en La legende du Grand Inquisiteur de Dostoïevski, commentée par Léontiev, Soloviev, Rozanov, Boulgakov, Berdiaev, Frank. L´Age d´Homme 2004, pag 329.

(12) Zbigniew Brzesinski – antiguo asesor del Presidente EEUU Jimmy Carter, ideólogo neoliberal y miembro de la Comisión Trilateral– formuló la doctrina del Tittytainment ante una reunión de líderes mundiales organizada por el Global Braintrust en el Hotel Fairmont de San Francisco en octubre 1995. Gabriel Sala, Panfleto contra la estupidez contemporánea. Laetoli 2007.

En un registro intelectual bastante más elevado la figura del filósofo judeo-norteamericano Leo Strauss (1899-1973) guarda una inquietante similitud con algunos aspectos del Gran Inquisidor. Strauss defendía la utilidad de la religión y la patria como instrumentos de control social, y se complacía en la idea de una elite intelectual atea y con un nivel superior de gnosis que le facultaría para guiar a la gran masa durmiente. Leo Strauss y sus discípulos serían la principal fuente intelectual del movimiento “neocon” norteamericano, una cantera especialmente fecunda de “Grandes Inquisidores”.

(13) ¿Maniqueísmo? Señala Pareyson que “Dostoyevski no quiere reducir la dialéctica del bien y del mal a un grandioso suceso cósmico, como en el maniqueísmo. Para él es una tragedia humana, más aún, la tragedia del hombre, pero es necesario que sea enteramente implantada sobre la libertad”. Luigi Pareyson, Dostoievski. Filosofía, novela y experiencia religiosa. Ediciones Encuentro 2007, pags. 96 y 187.

(14) Luigi Pareyson, Obra citada, pags. 101, 110 y 185. Para Dostoyevski el dolor forma parte de un proceso de redención. Por eso considera que, frente al delito, la imposición de castigo es mucho más respetuosa para la dignidad humana que la ausencia del mismo, porque al considerar al hombre como culpable del mal perpetrado se le reconoce libertad, dignidad y responsabilidad.

(15) Nikolay Berdiaev, El espíritu de Dostoyevski Nuevo Inicio 2008, pags 80, 89 y 217. En relación al cristianismo como experiencia dubitativa y agónica la comparación entre Dostoyevski y Miguel de Unamuno se hace inevitable.

(16) Es interesante poner en paralelo esta idea del nacimiento de los pueblos con los conceptos – cargados de mística aunque procedan de un antropólogo – de “pasionariedad” y de “etnogénesis” teorizados por el eurasista Lev Gumilev (1912-1992). Para este autor la “pasionariedad” es el fenómeno por el cuál determinadas etnias o grupos de individuos se comportan a veces, sin motivo racional aparente, de una manera extraña, acometiendo actos y realizando hazañas que sobrepasan el horizonte de su vida cotidiana. Es una especie de energía exposiva “misteriosa” e inexplicable que pone en marcha a los pueblos y a las tribus. Para Gumilev el etnos accede a la existencia por una explosión de energía de pasionariedad. (Alexandre Dougine, L´appel de L´Eurasie. Conversation avec Alain de Benoist. Avatar Éditions 2013).

Todas estas ideas – procedentes de la novela Demonios – son expresadas por Shatov: un personaje a través del cuál, según Berdiaev, Dostoyevski estaría criticando precisamente el “populismo religioso”. Conviene por tanto no descartar cierta distancia de Dostoyevski respecto a ellas. No obstante, también es cierto que este discurso está significativamente próximo a lo expresado por Dostoyevski en otras obras, así como a las ideas que expresa en primera persona en su Diario de un escritor (obra que contiene lo esencial de su pensamiento político).

(17) Fedor M. Dostoyevski, Los hermanos Karamazov.

(18) Fiodor M. Dostoyevski, Confesión de un eslavófilo, en “Diario de un escritor” (julio-agosto 1877).

(19) En la crítica rusa al occidente burgués destacan los filósofos Konstantin Léontiev (1831-1891) y Vladimir Soloviev (1853-1900). En algunos autores rusos – Dostoyevski entre ellos – se rastrean elementos del espíritu colectivista presente en la tradición rusa, de eso que Berdiaev llamaba “un anarquismo y un socialismo cristiano particulares, muy diferentes del anarquismo y del socialismo ateo”. Se trata del ideal de la obshina, la comunidad campesina popular, exaltada por los primeros eslavófilos. En Dostoyevski el “hombre del subsuelo” sería el hombre que ha roto su contacto con la obshina y que se encuentra desarraigado, perdido en la urbe.

(20) Fiodor M. Dostoyevski, en Diario de un escritor y Demonios.

(21) Discurso pronunciado el 8 de junio en Moscú ante la Sociedad de los amigos de la literatura rusa, con ocasión del aniversario de Pushkin. Este discurso conviertió a Dostoyevski en un símbolo nacional.

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(22) Kyril FitzLyon, prefacio a: Winter notes on summer impressions, de Fiodor M. Dostoevsky. Alma classics 2013, pag. VIII.

(23) Fiodor M. Dostoyevski, Confesión de un eslavófilo, en “Diario de un escritor” (julio-agosto 1877).

(24) Jean-Francois Colosimo, L´Apocalypse russe. Dieu au pays de Dostoïevski. Fayard 2008, pag 198.

(25) La obra de Cervantes constituía para Dostoyevski la cima de la literatura universal. A este respecto es ilustrativo el extraordinario ensayo que en 1957 publicó el profesor Santiago Montero Díaz: Cervantes, compañero eterno (Linteo, 2005)

(26) Luigi Pareyson, Obra citada, pag. 46

(27) Nikolay Berdiaev, Obra citada, pags. 143-144.

(28) Nikolay Berdiaev, Obra citada, pag. 223.

(29) Alain de Benoist, Arthur Moeller Van der Bruck, une “question à la destinée allemande” Nouvelle Ecole numéro 35/hiver 1979-1980, pag.44.

Alemania fue, con diferencia, el país donde la obra de Dostoyevski tuvo mayor impacto: en la patria del romanticismo el terreno estaba bien abonado. Especialmente relevante fue la fascinación que ejerció sobre la juventud alemana y sobre los autores de la “Revolución conservadora, de quienes el autor ruso puede considerarse – junto a Nietzsche – como una especie de mentor. Arthur Moeller Van der Bruck (1876-1925) preparó – en colaboración con el escritor ruso Dimitri Merezhovski (1866-1941) – una edición alemana de sus obras completas en 22 tomos que obtuvo un inmenso éxito.

(30) Santiago Montero Díaz, Cervantes, compañero eterno. Linteo 2005, pag. 61.

(31) Y que más recientemente se ha reformulado en expresiones como: “el eje París-Berlín-Moscú” o “la gran Europa, desde Lisboa hasta Vladivostok”.

vendredi, 18 septembre 2020

Entretien avec Livr’arbitres: "Le cadavre de la littérature est encore fécond"

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Entretien avec Livr’arbitres: "Le cadavre de la littérature est encore fécond"

Ex: https://rebellion-sre.fr

Le dernier numéro de Livr’arbitres est un bel hommage à la littérature russe et à Edouard Limonov, c’est aussi une superbe occasion de découvrir cette publication dont la lecture est toujours passionnante.

R/ Pouvez-vous nous présenter L’A ? 

La revue littéraire non-conforme Livr’Arbitres est le fruit d’une lente maturation. Elle a connu plusieurs noms avant celui-ci (peut-être vos lecteurs les plus anciens auront-ils vu passer un exemplaire du Baucent ?). Bref, nous avons mis plusieurs décennies à nous construire, à trouver notre rythme, notre équipe. Ce qui me fait le plus plaisir, c’est que du noyau de départ, peu nous aient quitté depuis ! Cela prouve que nous n’avons que peu changé sur le fond et tant mieux. La revue est née à Metz, sur le campus, dans le cadre du syndicat Renouveau étudiant. C’est donc avant tout un objet « militant ». Nous étions en fac de Lettres, en Histoire, nous voulions partager nos lectures, nos convictions mais sans jamais nous enfermer dans une chapelle, d’où le titre qui s’imposera plus tard de « livr’arbitre ». Notre objectif est double. D’un côté remettre à l’honneur des auteurs disparus, laissés sur le bas-côté, abandonné sur de vieux rayonnages. De l’autre, proposer de nouvelles plumes, découvrir de nouveaux talents. Le cadavre de la littérature est encore fécond, il produit encore quelques belles et jeunes figures (de Bruno Lafourcade à Thomas Clavel en passant par le mirifique Olivier Maulin)


R/ Votre dernier numéro place la littérature russe à l’honneur. Quelle est pour vous la spécificité des écrivains de la patrie de Léon Tolstoï et Fiodor Dostoïevski ? 

Une place à part, forcément ! C’est une terre plus radicale que nos paisibles terres de plaine et de bocage, un territoire immense qui aura connu de formidables soubresauts. On peine à imaginer aujourd’hui les cataclysmes du XXème siècle sur une société marquée jusqu’alors par l’immobilisme (il faut lire à ce sujet Oblomov de Gontcharov mais également Sanine d’Artsybachev), figée dans une tradition qu’elle pensait immuable ! Une aristocratie à bout de souffle face à une bourgeoisie « éclairée », moderne et progressiste. Le même mécanisme qui emporta la monarchie française… 

Mais la Russie c’est aussi et surtout une nature grandiose, de la steppe à la Taïga en passant par des fleuves majestueux, une terre d’extrême qui aura marqué sa population et qui continue de les habiter. Les poètes, les écrivains ont là un formidable outil de travail ! Enfin, la religion, l’orthodoxie si exotique à nos yeux, qui, malgré tout surnage dans le marigot actuel : pouvoir confisqué et corruption acceptée ; libéralisme des mœurs et cadre traditionnel promu. En évoquant ou survolant ces sujets, et pour revenir à votre question, je ne crois pas que la littérature russe soit plus ou moins spécifique que celle du Portugal ou de l’Irlande. Une terre, un peuple, une littérature ! Craindre l’arbitraire, la déportation, forcément ça marque un écrivain, un intellectuel ; mais au pays de la dictature médiatique, du politiquement correct, il n’est pas plus aisé de s’exprimer non plus, ouvertement, de sujets « fâcheux » de nos jours, même sous forme de fiction !

R/ Récemment décédé, Edouard Limonov est au centre du dossier. Que vous inspire la figure et l’œuvre de cet écrivain à la fois aventurier et soldat politique ? 

unnamededlim.jpgLimonov fut pour moi une « révélation ». J’ai toujours eu un tropisme pour l’Est. Ma découverte de la Mitteleuropa dans un premier temps, puis un passage par la Sibérie dans un second temps, sur les pas de Michel Strogoff, de Corto Maltèse et de Sylvain Tesson ne feront que le confirmer ! 

Limonov, plus sérieusement, je l’ai découvert avec Mes Prisons. Il y a plus de vingt ans, on me conseilla ses livres. Du temps où il écrivait à l’Idiot International. J’ai commencé à en acheter au compte-goutte, puis je les ai oubliés sur une étagère de ma bibliothèque. Enfin, dernièrement, en rencontrant son éditeur du moment, Charles Ficat, je suis revenu à lui au fil des parutions de cette courageuse maison [Bartillat]…. Pris par d’autres sujets, l’idée d’un entretien avec Limonov fut repoussée plusieurs fois, à plus tard. Enfin, je vis Limonov à son dernier passage à Paris. Ce fut un deuxième choc ! L’homme attirait autant que l’écrivain ! Davantage même !! On peut comprendre son succès politique, quand bien même il ne déboucha sur aucune victoire véritable. En écho, le mouvement culturel italien proposé par la Casapound semble ressembler le plus, à sa vision politique et à ses initiatives … mais ceci est une autre histoire ! 

R/ D’Alexandre Douguine à Thierry Marignac, comment avez-vous rassemblé les contributeurs et les témoignages sur lui ? 

Livr’Arbitres au fil du temps est devenu une véritable machine de guerre ! Enfin, disons que parti d’un petit noyau étudiant il y a vingt ans, elle se retrouve entourée désormais d’une cinquantaine de contributeurs « potentiels ». En fonction du sujet, je peux solliciter tel ou tel. Par internet, par le biais d’éditeurs, je peux également rentrer en contact avec des gens qui me sont totalement inconnus. Par le fruit du hasard, de rencontre également (Pour Douguine, je suis passé par sa fille). Marignac me fut présenté voilà plusieurs années. C’est un homme entier qu’il faut apprendre à apprivoiser, mais avec le temps nous sommes devenus amis ! C’est aussi ça une revue littéraire, des rencontres en chair et en os ! Et quel plaisir de les partager avec nos lecteurs ! Marignac fut un proche de Limonov, une amitié de quarante ans datant de son séjour parisien, de ses années à l’Idiot International… Marignac est également traducteur, c’est-à-dire un passeur, ainsi entre-autre, il a traduit Guerre de Vladimir Kozlov, que l’on peut retrouver dans la collection Zapoï de la Manufacture de livres, mais également traduit des poètes russes, Des chansons pour les sirènes (Essenine, Tchoudakov, Medvedeva). Son dernier roman, L’icône, est également une porte d’entrée dans l’univers mental russe.  

R/ Edouard Limonov est une référence pour toute l’avant-garde russe contemporaine. Quels sont les auteurs contemporains qui attirent votre attention ?

J’ai peu lu jusqu’à présent Zakhar Prilépine. Pour d’aucuns, c’est un peu le Brutus de Limonov, celui qui aura trahi, pour d’autres, il aura désiré voler de ses propres ailes et dépasser le maître. Il faudra lui poser la question ! Dans un prochain entretien peut-être ?! Assurément, nous y reviendrons à l’occasion… Je pense, malgré ou à cause de ses engagements, qu’il a quelque chose à nous dire. Je ne sais si les écrivains se doivent d’être engagés, mais je sais que je préfère un homme debout, les armes à la main pour défendre son idéal qu’un « planqué »… Prilépine relève quelque peu de cette image consacrée d’un type d’homme remarquable définit par sa qualité de soldat, de poète ou de moine, mais je peux me tromper !

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Sergueï Chargounov.

Parmi les auteurs russes contemporains, on peut également citer, Sergueï Chargounov (proche de la ligne de Limonov et de Prilépine) ou, dans un autre domaine, moins politique, Mikhaïl Tarkovski. Il faut lire Le temps gelé, c’est vraiment l’image que je me fais de ce pays, immense et inconsolé ! C’est un écrivain enthousiasmant, à l’image d’un Sylvain Tesson, mais, lui, contrairement à Tesson, a choisi de vivre dans une cabane et pas simplement de s’en servir de décor temporaire ! Tesson est un citadin, épris de grands espaces. Il n’est pas de la « terre », sans doute le regrette-t-il, mais cela lui laisse une grande liberté en contrepartie ! Sur la Russie, un auteur que je pourrai aussi conseiller, ce serait Cédric Gras, son récit de voyage Le Nord, c’est l’Est : aux confins de la Fédération de Russie (Phébus, 2013) une formidable entrée en matière.

Pour découvrir et commander le dernier numéro : https://livrarbitres.com/

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dimanche, 06 septembre 2020

Stolypin vs. Bogrov: Themes of Ethnonationalism in Solzhenitsyn’s August 1914

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Stolypin vs. Bogrov:
Themes of Ethnonationalism in Solzhenitsyn’s August 1914

The white man stood tall and proud. He was handsome and confident, and was well-dressed in his white summer-weight frock coat. Regal, although not quite the Tsar. As Prime Minister, he was the next best thing. Despite this, Pyotr Stolypin had remarkable little security around him when he attended a play at the Kyiv Opera House on September 14th, 1911. His relationship with the Tsar had soured a bit recently due to his insistence that the local governments of the western provinces (called zemstvos) be dominated by the Russian people and not the influential Polish landowners. He had also alienated the Empress over his disapproval of her great friend Rasputin.

51VB0BQ6ZCL._SX308_BO1,204,203,200_.jpgStill, he was secure in his wildly successful record as prime minister. In the Russia he loved, the economy was strong, people were working, and the threat of revolution which had haunted the Romanovs for decades had finally subsided. War was also no longer on the horizon. Recently, he had convinced the Tsar not to mobilize against Austria-Hungary over a pesky affair in the Balkans. Foreign policy was so easy for Stolypin; he never understood why people struggled with it. As Aleksandr Solzhenitsyn tells us in the expanded version of August 1914:

He was in his prime and at the height of his powers and he infused the whole administration with his own youthful vigor. He hid nothing, stood where all Russia could see him, and left no dark patches where slander might flourish. He lived up to his name, the pillar (stolp) of the Russian state. He became the hub of Russian life as no Tsar had ever been.

Throughout his and the Tsar’s stay in Kyiv in mid-September, there had been whispered rumors of conspirators and assassination. But Stolypin had paid it little mind. Leftists and anarchists had tried to murder him several times before, and he had survived. And what good would a bulletproof vest be against a bomb, anyway?

The Jew Bogrov, on the other hand, had had his eye on Stolypin for a long time. He was well-dressed and pretentious in his pince-nez. He came from a well-off family, but had been steeped in revolution from an early age. He had a powerful, disciplined, and calculating mind, yet he was “weak and sickly in appearance,” Solzhenitsyn tells us. He had “puny arms, and a stoop, as though his growth had been stunted.” He knew the Tsar was inconsequential. He knew Stolypin was “the kingpin of the regime.” If anyone in the Russian government should be targeted for assassination in the name of all the non-Russian people in the Empire — especially the Jews! — it would be him.

Despite having done nothing directly against the Jews, Stolypin was the enemy of the Jews because he

. . .boosted Russian national interests too blatantly and too insistently — the Russianness of the Duma as a representative body, the Russianness of the state. He was trying to build, not a country in which all were free, but a nationalist monarchy. So that the future of the Jews in Russia was not effected by his goodwill toward them. The development of the country along Stolypin’s lines promised no golden age for the Jews.

Bogrov remarked to himself how easy it had all been. Several years as a double agent working for the blockheads at the Okhrana, feeding them lies, feeding them hopes, feeding them some of the more surly and self-destructive elements of the Revolution from time to time. They trusted him, the idiots. And so, when he invented rumors regarding Stolypin’s assassination during the Tsar’s upcoming visit to Kyiv in September, these complacent Okhrana fools had asked Bogrov to be in Kyiv as well — in case he can help locate the conspirators. Help locate the conspirators! He was the conspirator. They even gave him a ticket to the play that Stolypin was going to attend! It was almost as if they wanted to give their empire away.

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Dmitri Bogrov

And when that fateful moment arrived, Bogrov did not hesitate. It was the decisive historical moment for which he was born. He pumped two bullets in Stolypin with his Browning revolver — one in the hand, and one in the chest. The great man watched his assassin’s black back “wriggling away up the aisle” like a speedy insect. He died three days later. For Solzhenitsyn, this was nothing less than catastrophe, effectively the first eddies in a swirl of nihilism, war, and death that soon would consume Europe. With the death of Stolypin came the death of Russian nationalism, and the resulting rejuvenation of dangerous and destructive ideologies such as imperialism, globalism, and pan-Slavism, all of which could be said to have contributed to the disaster that was the First World War.

A fatal pistol shot was no new event in Russian history.

But there was never one so fraught with consequences — for the whole of the twentieth century.

Neither at that moment nor later did the Tsar go down to the wounded man.

Didn’t come to him. Didn’t come near him.

But what those bullets had slain was the dynasty.

They were the opening shots of the fusillade at Yekaterinburg.

*  *  *

Themes of nationalism appear often in the works of Aleksandr Solzhenitsyn, especially in his essays, speeches, and histories. It’s a subject the man clearly thought deeply about. But in his fiction, nationalist themes become a bit more obscure — as they should. Themes in fiction (especially political themes) should never be as explicit than the more immediate fictive elements such as character, plot, and conflict. These are what readers crave when they are being told a story. August 1914, the first work in Solzhenitsyn’s Red Wheel epic, however, makes themes of nationalism more explicit. . . more so than any other of his novels. Then again, August 1914 isn’t really a novel. It’s a novelization of history, the admixture of pure fiction and hard documentary. It almost requires that one have an advanced knowledge of the subject matter before embarking upon its story — and to have a concern about nationalism.

In chapter one, young Isaaki Lazhenitsyn, a farm boy from Sablinskaya, boards a train. He had lied to his family about having to return to university a few weeks early when in reality he was preparing to enlist. The war was hardly three weeks old, and already there were reports of Russian and Serbian victories. At the train station, Isaaki by chance meets Varya, an old high school friend who once harbored a crush on him. Thrilled to see him, Varya proposes they spend some time together and then asks where he’s headed. A little embarrassed, he admits that he’s on his way to Moscow to volunteer.

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Varya is horrified. This is not the progressive, pacifistic, idealistic youth she knew. They had studied all the literature and ideas of the intelligentsia together. “A fine thing!” she thinks, “Surrendering to vulgar patriotic feeling, betraying all his principles.” She hurls argument and argument at him against going to war, and Isaaki’s only response is, “I feel sorry for Russia.”

In chapter four, young Ksenia Tomchak can barely contain her embarrassment of Russia. Despite being raised on a prosperous Ukrainian farm, she pines for the stylish life in Petersburg. She longs to dance like Isadora Duncan, and one August morning tries scheming with her brother Roman to abandon her university classes for the dancing life. The very idea of staying home and being a farmer like her father and ultimately marrying a Ukrainian peasant simply appalls her.

Later that morning, she’s receives a gentle scolding from her stepmother Alina. “Russia’s roots are here,” the older woman says.

It saddens me, Ksenia my dear, that everything here inspires either shame or ridicule in you. There is, of course, a lot that is shameful and ridiculous, but still this is where you see how real Russian people live, where you can feel the bedrock under the soil. The grain for our daily bread is grown here, not in Petersburg. You even find the church fast days superfluous. But fasting helps people to grow spiritually.

In chapter twenty-one, two officers meet during a lull in battle. General Nechvolodov, a traditionalist and monarchist in his fifties, remarks to himself how he had taken command of the very regiment that had put down the 1905 uprising in Moscow. This regiment had been the “sole prop of the throne,” according to Solzhenitsyn, and here he was discussing the throne with the younger and quite thoughtful Colonel Smyslovsky. Where Smyslovsky questions the war in the vast cosmological scheme of things, Nechvolodov tells him that he “can’t look beyond Russia.”

“You know, a lot of us don’t understand even Russia,” Smyslovsky argues. “Nineteen out of twenty don’t understand what ‘fatherland’ means. Our soldiers fight only for their religion and for their Tsar — that’s what holds the army together.”

“It’s all the more important that the idea of the fatherland should be cherished in every heart,” the older man responds.

Smyslovsky is aware that Nechvolodov had written a book entitled Tales of the Russian, a popular work of middling quality meant to inspire patriotism in the Russian public. He was afraid that the general would start boring him by quoting from his own work. Despite this, and his sense of greater sophistication, Smyslovsky appreciated the old man. “Alexei Smyslovsky himself had outgrown both the Tsar and religion, but the fatherland was something he understood very well.”

Later, in chapter fifty-four, Solzhenitsyn reveals what a lonely figure Nechvolodov really is:

He did not feel that Russian history was something separate from his army service, but rather was a shared tradition outside of which his own present service as an officer would be meaningless. . . . If Nechvolodov’s devotion to the monarchy had seemed extravagant to the generals and alarmed them, it now incurred the ridicule of the educated, who held that Russian history could only arouse derision and disgust — if, of course, it could be said ever to have existed.

In a century, things have not changed for nationalists of all stripes, except that perhaps the globalist pressure for them to completely disavow their own history, inheritance, and identity has only gotten worse. Solzhenitsyn perceived this trend clearly and presented it in its own historical context within the pages of August 1914.

*  *  *

220px-StolypinCrop.JPGWhen Solzhenitsyn first published August 1914 in 1971, he hadn’t included the Stolypin and Bogrov chapters. When he did, slightly more than a decade later — after having gained access to Western libraries during his exile from the Soviet Union — he added ten chapters and nearly 200 pages, much of which was in small type and dealt with the minutiae of Stolypin’s interactions with the Duma. If Solzhenitsyn’s nationalism and his Judeo-skepticism had been in any doubt before he published the expanded version of August 1914, this was the work that began to remove it.

He had dared to use anti-Semitic stereotypes to depict Bogrov. Solzhenitsyn’s Bogrov was a scheming, two-faced, lying manipulator. He constantly thought one thing and said another. Bogrov was highly intelligent but soulless, egomaniacal, and neurotic. “He was racked by a feeling of spiritual unfulfillment, an indefinable anxiety,” Solzhenitsyn tells us. “He loved himself. And he despised himself.” He was physically weak and averse to all forms of labor. He was crooked and raspy, and slack and sickly. He was rootless and consumed by his own hatred of the Other — in his case, the Russians. There was nothing the Russians could do besides cede power to the Jews that would satisfy him. He lusted after revenge as if it were a whore. He was a Jew who wasn’t religiously Jewish but whose throbbing racial identity achieved primacy in his fevered mind. He could not bear the Russians being in control of Russia and in control of his people — and it did not matter how benign that control actually was. All slights in the past against Jews were remembered, and kept close, and sharpened like weapons. All slights by Jews against Russians never even entered his mind.

When the expanded August 1914 was published in 1983, many Jews took exception to Solzhenitsyn’s depiction of Bogrov, claiming it was highly stereotypical. (And to be fair, there were some Jews who defended Solzhenitsyn to varying lengths.) Lost in this, however, was that Mordecai Bogrov was a Jew, he did assassinate Pyotr Stolypin, and he did act as a double agent with the Okhrana. Solzhenitsyn used whatever documentary evidence he could find to build a believable psychological composite of the assassin. As he describes in Book 1 of Between Two Millstones, shortly after arriving in America:

That summer I had brought with me the first stack of personal accounts that elderly Russians had sent me by way of the San Francisco newspaper Russkaya Zhien (Russian Life). An even larger stack had come to me from New York’s Novoye Russkoye Slovo (New Russian Word), and more personal accounts were arriving — all I had to do now was read them! Not to mention that more packages were coming over the ocean from Paris’s Russkaya Mysl (Russian Thought).

It was as if all these elderly people, contemporaries of the Revolution, were handing Alya and me the baton of their struggle; and the personal account of every person impressed me as if I had met that person in those years.

Any less of the psychological intensity and fragility of Bogrov and we wouldn’t have a believable assassin. Solzhenitsyn puts us in the mind of an unstable yet competent killer. How else should he have portrayed him? Sane, law-abiding, and self-composed people do not assassinate world leaders. If Solzhenitsyn portrayed Bogrov as a villain, it’s because he was a villain, both in August 1914 and in history. Furthermore, Jews were highly overrepresented among Left-wing and anarchist radicals back then (as they continue to be). Here’s Solzhenitsyn describing Bogrov’s university milieu:

Choosing his party was the most important decision of a man’s life. Bogrov wobbled between the uncompromising Maximalists and the anarchists. Among the anarchists, some of them in their twenties, some not yet that old — Naum Tysh, the Grodetsky brothers, Saul Ashkenazy, Yankel Shteiner, Rosa No. 1 (Mikhelson), and Rosa No. 2. . .

Solzhenitsyn also drops names of other Jewish radicals Bogrov knew such as Yuda Grossman, Hanna Budyanskaya, and Ksenia Ternovets. So why is it outlandish for Solzhenitsyn to imply that it was no coincidence that a self-identifying Jewish radical murdered Stolypin when so many of the radicals of the time were self-identifying ethnic Jews? Should he have done something as dishonest as tacking negative Russian traits onto his “Bogrov” character in order to in order to ward off the philo-Semitic vengeance mob ahead of time?

51dMYSgZNNL._SX288_BO1,204,203,200_.jpgSolzhenitsyn’s critics also overlooked how Solzhenitsyn took a similar approach with his depiction of his near-psychotic Lenin in Lenin in Zurich [2]. Was that anti-Semitism as well? Yes, Lenin was a quarter Jewish, but Jewish complaints converged not around Solzhenitsyn’s positively revolting Lenin but around his treatment of the Jew Parvus (born Izrail Lazarevich Gelfand) as embodying every negative stereotype one can think of in a fat, sleazy, unscrupulous, Jewish financier. But with such a large proportion of radicals being Jewish, and with most racial and ethnic stereotypes being born from truth, one can respond to such complaints by quipping that if the shoe fits, then wear it.

Furthermore, did any Jewish critic of Solzhenitsyn complain when he penned the following paragraph about Kulyabko, the Russian Okhrana official whom Bogrov duped so easily?

Sleepy Kulyabko’s mind, however, was less active. The stupidity in Kulyabko’s face was not just an individual trait, it was characteristic of his type, perhaps of his race. He scratched and pulled his dressing gown around him. He had noticed nothing.

Bogrov refers to Kulyabko as a blockhead because he was a blockhead. Where Bogrov wriggles like an insect, Solzhenitsyn sees Kulyabko “waddling like a drake.” Does this make Solzhenitsyn anti-Russian? If anything, most of the Russian authority figures from the Tsar on down (excluding Stolypin) are either stupid, self-serving, weak, vain, or just plain lazy. Notably, the police chief Kurlov — the man in charge of security in Kyiv who once promoted Kulyabko well beyond his ability in the Okhrana — is portrayed as a detestably self-serving careerist. Solzhenitsyn spares nothing in exposing many of his fellow Russians for allowing the twin disasters of the First World War and the October Revolution to happen.

Did Solzhenitsyn’s Jewish critics even care? Perhaps they didn’t realize that in writing August 1914, Aleksandr Solzhenitsyn was holding up a mirror to his own people, just as he was doing to them.

*  *  *

In an ironic twist, Solzhenitsyn pursues themes of nationalism and ethnonationalism through his treatment of Jews and the Jewish Question in August 1914. Of course, Bogrov identifies as an ethnic Jew and believes that he is striking a righteous blow for his people in murdering Stolypin.

“Precisely because I am a Jew I can’t bear the knowledge that we are still living — if I may remind you — under the heavy hand of the Black Hundred leaders,” he tells a conspirator. He also knows that targeting Stolypin will not incite pogroms the way targeting the Tsar would — and ultimately he was right. Bogrov always acts as a member of a nation within a nation, who above all, wants no harm to befall Jews.

The Jews of Kyiv seemed to have shared this attitude:

Next day, Sunday, a rabbi was allowed in to see the condemned man. “Tell the Jews,” Bogrov said, “that I didn’t want to harm them. On the contrary, I was fighting for the benefit of the Jewish people.”

That was the one and only part of his testimony to remain unchanged.

The rabbi said reproachfully that Bogrov might have caused a pogrom. Bogrov replied, “A great people must not bow down to its oppressors!”

This statement also was widely reported in the press.

The obvious ethnocentrism of these Jews should not escape attention. After Stolypin was murdered, they did not mourn for Russia. They fretted only for themselves. Shortly after the assassination, the Kyiv rabbis appealed to the Russian authorities to protect them from impending pogroms. And this is exactly what the authorities did, posting thousands of soldiers in the Jewish quarter to make sure law and order was maintained. And it was. Meanwhile, “[m]any Jewish students in Kyiv went into mourning for Bogrov.”

aout-quatorze-241901-264-432.jpgAugust 1914 also contains one of the few wholly positive Jews in Solzhenitsyn’s fiction: Ilya Isakovich Arkhangorodsky. Based on a real-life benefactor of Solzhenitsyn’s mother, this character is a wealthy and well-respected engineer who embodies the conundrum of nationalism among racial minorities. To whom should the minority pledge its allegiance? To its nation or to its nation within a nation? The middle-aged Ilya Isakovich belongs in the former category. Late in the book, during the early days of the war, he entertains an engineer friend over lunch with his family. Included are his radical daughter Sonya and her friend Naum — both fervent believers in revolution.

The young people are ashamed of Ilya for having recently taken part in a demonstration of Jewish patriotism in the city of Rostov. The young Jews can barely contain their contempt for the old man. Here are the nauseating details:

The synagogue, which had a choir, was decorated with tricolors and a portrait of the Tsar; there were soldiers present and the service began with prayers for the victory of Russian arms. The rabbi’s speech was followed by one from the chief of police, “God Save the Tsar” was sung, then some twenty thousand Jews paraded through the streets with flags and placards bearing the words “Long live great Russia, one and undivided,” accompanied by a body of newly enlisted volunteers. They held a mass meeting by the statue of Alexander II, they sent greetings to the city police chief and a loyal telegram to the Tsar. . .

When asked to explain his obsequiousness towards the Russians, Arkhangorodsky explains that his interest is to build, not to tear down. He sees revolution as a “prolonged process of insane destruction” and wonders if the mills he has built will continue to grind under communist rule. He also sees the revolutionaries as privileged children who don’t know how to build anything and predicts that they will replace the Monarchy with something worse. But his reasons aren’t entirely practical.

The paths of history are more complicated than you would like them to be. The country you live in has fallen on evil times. So what is the right thing to do? Let it perish, and to hell with it? Or say: “I too want to help you. I belong to you?” Living in this country as you do, you must make up your mind and stick to your decision: do you, heart and soul, belong to it, or do you not?

Clearly, Arkhangorodsky is contemplating the issue of identity. He chooses a Russian identity because he allows his Jewish identity (which he never denies in August 1914) to carry little political weight. Beyond his family, his political loyalty is to the Tsar and the nation and people he represents. When Sonya takes him to task for the historic and ongoing oppression of Jews in the Russian Empire, he insists that Jews must “rise above it.” When Sonya accuses him of paying homage to the anti-Semitic Black Hundreds, he responds by referring to similar dangers presented by the Red Hundreds. In this sense, Arkhangorodsky is speaking not just like a true reactionary but also like a Russian patriot. He’s concerned for Russia and fears how both radical groups may one day tear it apart.

Neither Arkhangorodsky nor Solzhenitsyn offers any solution to the question of nationalism among minority peoples. But the implication is clear: nationalism is real, and ethnonationalism becomes extremely complicated when multiple ethnic or racial groups occupy the same country. A gentile nation with Jews such as Ilya Isakovich Arkhangorodsky can prosper greatly. Sadly, however, his daughter Sonya and her friend Naum — and perhaps even Bogrov himself — were closer to the norm among Russian Jewry at that time. In only three years, this imbalance would play a major part in causing the great cataclysm which Arkhangorodsky had feared all along.

*  *  *

Of course, the central historical figure of the expanded August 1914, more than General Samsonov, more than Lenin, even more than Tsar Nicholas II, is Pyotr Stolypin. Students of the Right should read these Stolypin chapters carefully because Solzhenitsyn illustrates what is, in effect, not merely a splendid statesman but the ideal ethnonationalist.

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It was not a question of knowledge, or conscious thought, or intent; it was just a persistent and poignant feeling that the Russian land and the Russian peasant were inseparable, that both were inseparable from Russia, and that away from the land there was no Russia. He had a constant anxious awareness of all Russia as though it were there in his breast. Unsleeping compassion, a love that nothing could alter.

As such, Stolypin believed that the monarchy’s prime goal was to “raise the prosperity of the peasantry.” This alone made him remarkable among the chattering fortune and power-seekers within the Russian government. This also won him many enemies on the Left and the occasional opponents on the Right. So hated was he that he survived multiple assassination attempts — one of which, a bomb attack, crippled his daughter for life. But in the Duma, he could think quickly on his feet and often skewered and embarrassed his Left-wing adversaries. He was always prepared and he savored debates. Once, after an egregious insult from a Leftist member of the Duma, Stolypin challenged him to duel. Being cowardly in nature, the Leftist was forced back to the rostrum to publicly apologize to Stolypin.

Stolypin’s reforms centered mostly around neutralizing the socialist communes which were impeding the productivity and welfare of the peasant. Prior to his becoming prime minister, Progressives had persuaded the Tsar to enact various socialist reforms dealing with peasant use of farmland. While not standing in direct opposition to his autocrat, Stolypin understood that “egalitarian land use lowers agricultural standards and the general cultural level of the country at large.” He worked to revive the zemstvos, he removed all restrictions on peasant rights, he encouraged democratic reform on the district level, and he increased the autonomy of local governments — all of which undermined the control the communes had over the peasantry. Stolypin also toured the provinces and met with the people. He’d often dive into hostile crowds unarmed and win them over with reason and charisma. The result was a staggering increase in economic prosperity.

Stolypin also knew not to give into to the radical Left. Its representatives in the Duma, he knew, could not call for an end to terror because that would be an end to their careers. He would deal with them when he could, but when it came to law and order, he was unbending:

Stolypin told himself that the tougher he was to begin with, the fewer lives would be lost in the end. Excessive leniency at the beginning could only increase the number of victims later. He would use conciliatory methods where persuasion was possible. But the mad dogs would not be converted by persuasion — swift and relentless punishment was the only thing for them. What sort of government would it be (and where in the world would you find another?) that refused to defend the state order and forgave murderers and bomb-throwers?

41+HjZ8CkrL._AC_UL600_SR390,600_.jpgStolypin saw Christianity as being historically bound with Russia, and saw that adhering to Russia’s historical principles would be the antidote to rootless socialism. He saw patriotism as a necessary virtue. He was also a great defender of the Autocracy and its divine mandate. Most of all, he was a Russian who believed that ethnic Russians should control Russia — just as many white nationalists in the West today believe that whites should remain in control of their ancient homelands.

The State Duma must be Russian in spirit. The other nationalities which form part of Our Domain must have deputies in the Duma to represent their needs but they must not, and shall not, appear in numbers which give them the possibility of determining matters of purely Russian concern.

When the newspapers reported on Stolypin’s assassination, few defended him. The Left-wing media did everything it could not to celebrate his passing, and his deteriorated relationship with the Emperor and Empress made defending him difficult for Right-wing outlets as well. But one paper, New Times, saw Stolypin’s assassination most clearly according to Solzhenitsyn: it was nothing less than an assault on Russia, and it made Pyotr Stolypin a martyr for Russian nationalism.

Given that the waves of Leftist tyranny that followed Stolypin’s death still crash menacingly against the shores of traditional white homelands today, Pyotr Stolypin can now be seen today as a martyr for white nationalism as well.

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samedi, 29 août 2020

Le « mystère russe » au chevet de l’Occident

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Le « mystère russe » au chevet de l’Occident

Après Eugène-Melchior de Vogüé ou comment la Russie pourrait sauver la France , la Guebwilleroise d’origine russe Anna Gichkina publie un nouvel essai sur son thème de prédilection : L’Europe face au mystère russe : transcendance, nation, littérature.
 
Propos recueillis par M. PF.
Ex: https://www.lalsace.fr
 
 

Historiquement, l’Occident est issu du rationalisme grec, du droit romain et de la tradition chrétienne. J’appelle « naturelles » les valeurs morales qui en découlent. En rejetant son héritage chrétien, l’Occident tourne le dos à ces valeurs. Le libéralisme, tel qu’on le connaît justifie toute action individuelle qui ne dérange pas d’autres individus. Poussé à l’excès et sans encadrement, comme c’est le cas aujourd’hui, il donne lieu à une société où le matérialisme triomphe. L’Occident a perdu la notion d’éternité au profit de l’hédonisme et de la vision à court terme.

31h3qOp1YqL._SY291_BO1,204,203,200_QL40_ML2_.jpgLe rejet de la religion est-il vraiment la source de tous les maux de l’Occident ?

« Si Dieu n’existe pas, tout est permis », écrivait Dostoïevski (c’est en fait la synthèse d’un passage des Frères Karamazov, N.D.L.R.). Quand il n’y a plus de points de repère, ou plutôt quand l’Homme fixe ses propres règles, il finit par les changer. Et sans toujours en imaginer les conséquences.

Si l’Occident va mal, que dire de la Russie où, pour ne prendre que l’exemple le plus récent, l’opposition est malmenée par le pouvoir en place ?

Y a-t-il vraiment plus de violences du pouvoir en Russie que contre les manifestants en France ? Plus sérieusement, je sais très bien que tout n’est pas parfait là-bas. La Russie, même si elle va mieux qu’il y a quelques années, est un pays qui est encore très mal organisé en comparaison de la France. Il y a encore des choses aberrantes, trop de corruption, trop de pauvreté, notamment dans les campagnes…

Malgré cela, vous estimez qu’elle a beaucoup à offrir à l’Europe…

Oui car, en dépit de tous ses défauts, elle ne tourne pas le dos à sa tradition et sa religion (majoritairement orthodoxe, N.D.L.R.). Malgré son histoire tourmentée, le pays revient toujours à ses fondamentaux. Il vit avec la conscience de son histoire et la volonté de la porter et de la transmettre. L’idée que la Russie est un « pays-messie » est partagée par de nombreux penseurs et écrivains russes.

Qu’est-ce que le « mystère russe » qui donne une partie de son titre à votre ouvrage ?

C’est cette façon de toujours se relever de ses malheurs et d’aller de l’avant sans jamais se couper de son passé ni s’enfermer dans un progressisme vide de sens. Le philosophe russe Nicolas Berdiaev (qui a d’ailleurs passé une partie de sa vie en France, N.D.L.R.) avait trouvé une formule pour expliquer cela : « La beauté des ruines appartient au présent ». Et puis il y a la littérature…

La littérature russe pour « sauver » l’Occident ?

Dans mon livre, je parle de « sainte littérature russe ». Le XIXe siècle est considéré à juste titre comme l’âge d’or avec Pouchkine, Dostoïevski, Tolstoï. C’est à la fois un manuel de morale et un remède au vide spirituel européen. Elle enseigne la pitié, la compassion et la charité.

L’Europe face au mystère russe : transcendance, nation, littérature (Anna Gichkina, éd. Nouvelle Marge, 91 p., 14 €).

«L'Europe face au mystère russe» par Anna Gichkina

 
Conférence du 11 Novembre 2019
Parloir Chrétien : 9 rue du Vieux Colombier 75006 PARIS
Les vidéos des conférences d'Octobre seront prochainement mises en ligne. Nous avons eu un sérieux souci technique, en voie de réparation, merci de votre compréhension.
 
 
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lundi, 17 août 2020

Zinoviev et le grand avènement de la démocratie totalitaire

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Zinoviev et le grand avènement de la démocratie totalitaire

par Nicolas Bonnal

Alexandre Zinoviev devint un dissident de la société mondiale après avoir été un dissident soviétique. A l’époque il y avait des dissidents, maintenant, comme dit Paul Virilio, il n’y a plus que des dissuadés.

En 1998 le maître répond à une interview et explique que tout allait bien à l’ouest quand nous étions sous la menace soviétique (le capital avait peur) :

« Pendant la guerre froide, la démocratie était une arme dirigée contre le communisme, mais elle avait l’avantage d’exister. On voit d’ailleurs aujourd’hui que l’époque de la guerre froide a été un point culminant de l’histoire de l’Occident. Un bien être sans pareil, un extraordinaire progrès social, d’énormes découverts scientifiques et techniques, tout y était!»

La fin du communisme fut le crépuscule de nos droits sociaux et politiques (fin de l’Histoire !) :

« Mais la fin du communisme a aussi marqué la fin de la démocratie, notre époque aujourd’hui n’est pas que post communiste, elle est aussi post démocratique. Nous assistons aujourd’hui à l’instauration du totalitarisme démocratique, ou si vous préférez à l’instauration de la démocratie totalitaire. »

30046266853.jpgZinoviev décrit très bien le redoutable mondialisme qui naît du défunt et redouté communisme :

« Aujourd’hui nous vivons dans un monde dominé par une idéologie unique, un fait unique, par un parti unique mondialiste. La constitution de ce dernier a commencé à  l’époque de la guerre froide, quand des structures transnationales se sont mises en œuvre sous les formes les plus diverses : médias, sociétés bancaires, sociétés commerciales…Malgré leurs différents secteurs d’activités, ces forces étaient unies par leur nature supranationale. Avec la chute du communisme, elles se sont retrouvées aux commandes du monde. »

Cette démarche est suicidaire, qui va à terme, avec la crise du Covid, nous priver de nos libertés, de nos économies et aussi (pourquoi pas ?) de nos vies :

 « Les pays occidentaux sont donc dominateurs, mais aussi dominés car perdent progressivement leur souveraineté au profit de ce que j’appelle la «supra société». Elle est constituée d’entreprises commerciales et non commerciales dont la zone d’influence dépasse les nations. Les pays occidentaux sont soumis comme les autres au contrôle de ces structures non nationales… Or la souveraineté des nations est elle aussi une part considérable et constituante du pluralisme, donc de la démocratie, à l’échelle de la planète. »

Zinoviev comprend l’horreur européenne :

« L’intégration Européenne qui se déroule sous nos yeux, provoque elle la disparition du pluralisme au sein de ce conglomérat, au profit d’un pouvoir supranational. »

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Il comprend que nous ne connaîtrons plus de démocratie politique ou économique comme à l’époque de la guerre froide :

« Les pays occidentaux ont connu une vraie démocratie à l’époque de la guerre froide. Les partis politiques avaient de vraies divergences idéologiques et des programmes politiques différents. Les organes de presse avaient des différences marquées, eux aussi. Tout cela influençait la vie des gens, contribuait à leur bien-être. C’est bien fini.

Parce le capitalisme démocratique et prospère, celui des lois sociales et des garanties d’emploi devait beaucoup à l’épouvantail communiste. L’attaque massive contre les droits sociaux à l’ouest a commencé avec la chute du communisme à l’ouest. »

les-hauteurs-beantes-141693-264-432.jpgA la fin des années 90  les socialistes sont de pures canailles (voyez aussi les excellents pamphlets de Guy Hocquenghem et de mon éditeur Thierry Pfister qui datent des années 80) :

« Aujourd’hui les socialistes au pouvoir dans la plupart des pays d’Europe mènent une politique de démantèlement social qui détruit tout ce qu’il y avait de plus socialiste justement dans les pays capitalistes. Il n’existe plus en occident de force politique capable de défendre les humbles. L’existence des partis politiques est purement formelle. Leurs différences s’estompent chaque jour d’avantage. »

C’est le totalitarisme financier jadis expliqué par Paddy Chayefsky dans Network (1976) :

« La démocratie tend aussi à disparaître de l’organisation sociale occidentale.

Cette super structure non démocratique donne des ordres, sanctionne, bombarde, affame. Même Clinton s’y conforme. Le totalitarisme financier a soumis les pouvoirs politiques. Le totalitarisme financier est froid. Il ne connaît ni la pitié, ni les sentiments. Les dictatures politiques sont pitoyables en comparaison de ce totalitarisme-là. Une certaine résistance était possible au sein des dictatures les plus dures, aucune révolte n’est possible contre une banque. »

L’andouille qui interroge Zinoviev l’accuse déjà de Théo rire du complot quand Zinoviev ne pratique que la théorie de la constatation. Zinoviev rappelle que nous sommes très abrutis :

« Nous sommes dans une époque post idéologique mais en réalité la supra idéologie du monde occidental diffusée au cours des 20 dernières années est bien plus forte que l’idéologie communiste ou nationale-socialiste. Le citoyen occidental est bien plus abruti que ne l’était le soviétique moyen par la propagande communiste. Dans le domaine idéologique, l’idée importe moins que les mécanismes de sa diffusion. Or la puissance de diffusion des médias occidentaux est énorme. (…) Il suffit que la décision soit prise de stigmatiser un Karadzic ou un Milosevic et ça y est, une machine de propagande planétaire se met en branle. Et alors qu’il faudrait juger les dirigeants occidentaux pour viol de toutes les règles de droit existants… La majorité des citoyens occidentaux sont persuadés que la guerre contre la Serbie était juste. »

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Puis Zinoviev fait une remarque intéressante sur un sujet que j’avais évoqué dans la presse russe (pravda.ru) :

« L’Occident se méfiait moins de la puissance militaire soviétique que de son potentiel intellectuel, artistique, sportif. Parce qu’il dénotait une extraordinaire vitalité. Or c’est la première chose à détruire chez son ennemi. Et c’est ce qui a été fait. La science Russe dépend aujourd’hui des financements Américains. Et est dans un état pitoyable, car ses derniers n’ont aucun intérêt à faire travailler leurs concurrents. Ils préfèrent faire travailler les avants Russes aux Etats-Unis. Le cinéma soviétique a lui aussi été détruit et remplacé par le cinéma Américain. »

Le destin de l’Amérique est d’abrutir et de « fabriquer de la merde » comme me disait un jour le grand et courageux cinéaste Richard Brooks :

51TneYRmBmL._AC_UL600_SR414,600_.jpg« En littérature, c’est la même chose. La domination mondiale s’exprime, avant tout, par le diktat intellectuel ou culturel si vous préférez. Voilà pourquoi les Américains s’acharnent depuis des décennies à faire baisser le niveau culturel et intellectuel du monde : ils veulent baisser au leur pour pouvoir exercer ce diktat. »

J’ai évoqué ces réalités dans mes textes sur la culture comme arme de destruction massive. Regardez ce qu’ils ont fait de l’Inde ou de l’Asie… Tous abonnés à Marvel comics ! Même Scorsese ou Ridley Scott s’en sont plaint…

Tout cela est irrésistible car c’est malheureusement un vieux processus. C’est l’uniformisation entamée depuis la Renaissance. Ici Zinoviev rejoint Spengler et René Guénon :

« Le processus d’uniformisation du monde ne peut être arrêté dans l’avenir prévisible. Car le totalitarisme démocratique est la dernière phase de l’évolution de la société occidentale. Evolution commencée à la Renaissance. »

Sources :

Extrait du livre d’Alexandre Zinoviev: «La grande rupture» Disponible à l’age d’homme. L’entretien à été réalisé par Victor Loupan à Munich en juin 1999 quelques jours avant le retour définitif de Zinoviev en Russie.

https://alexandrelatsa.ru/2008/01/la-grande-rupture-analy...

https://www.pravdareport.com/opinion/122042-western_cultu...

https://strategika.fr/2020/08/07/la-culture-moderne-comme...

https://www.amazon.fr/CULTURE-COMME-ARME-DESTRUCTION-MASS...

 

 

 

dimanche, 09 août 2020

The Prison Plays of Aleksandr Solzhenitsyn

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The Prison Plays of Aleksandr Solzhenitsyn

Ex: http://www.counter-currents.com

Known mostly as a novelist, memoirist, and historian, Aleksandr Solzhenitsyn had actually completed four plays before his first novel, One Day in the Life of Ivan Denisovich, was published in 1962. He composed his first two, Victory Celebrations and Prisoners, while a zek in the Soviet Gulag system in 1952. These Solzhenitsyn composed in verse and memorized before burning since prisoners were forbidden to own even scraps of paper. His third play, the title of which is most commonly translated into English as The Love-Girl and the Innocent, he composed outside of the gulag in 1954 while recovering from cancer. In writing Love-Girl, he rejoiced in his ability to actually type and hide his manuscript, rather than keep it all bottled up in his head. [1] [1] Solzhenitsyn composed his final play, Candle in the Wind, in 1960 in an earnest attempt to become a Soviet playwright. Where his earlier plays exposed the evil and corruption of the gulag system — and beyond that, impugned the Soviet Union for its unworkable Marxist-Leninist ideology, disastrous collectivization policies, totalitarian government, and ubiquitous cult of personality in Stalinism — Candle in the Wind avoided politics altogether. It takes place in an unspecified international setting and focuses on the dangerous effects of untrammeled technological progress on the human soul. Of all his plays, Candle in the Wind has the least relevance to the political Right. It also cannot be classified as a prison play, despite how its main character had recently been released from prison.

It would be fair to describe Solzhenitsyn’s first two prison plays as “apprentice works,” in the words of his biographer Michael Scammell. [2] [2] And this is not just in comparison to Solzhenitsyn’s most famous and successful volumes such as One Day and the sprawling Gulag Archipelago. Victory Celebrations and Prisoners do come across as uneven and amateurish. Excessive dialogue makes the reading tedious at times. Solzhenitsyn always had the historian’s impulse to explain and the prophet’s impulse to warn, and seemed to doggedly follow both impulses while writing these plays. As a result, purely narrative elements such as plot and character tend to suffer. Further, many of the themes appearing in his prison plays resurface in more complete form in both One Day and Gulag as well as in his other early novels Cancer Ward and In the First Circle.

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Regardless, it is in his three prison plays where Solzhenitsyn’s conservative, Christian, ethnonationalist, and anti-Leftist outlook appears as firm as it does in his later works. It’s as if the man never changed, other than spending the last forty-eight years of his life not writing plays. Even if he had stopped writing altogether by 1960, his prison plays still would have had value to the Right for their keen perception of human nature under the most trying circumstances as well as for their conveyance of the cruelties and absurdities brought about by an oppressive communist ideology that is wholly at odds with human nature. That Solzhenitsyn had produced works that were much greater than these three plays later in his career is no reason for any student of the Right to exclude them from study.

Victory Celebrations

Burdened with a loose plot, excessive dialogue, and an awkwardly large cast of characters, Victory Celebrations (also called Feast of the Conquerors) takes place during the last days of World War II in which a Soviet artillery battalion prepares a lavish victory banquet in the Prussian mansion they had just captured. The play switches back and forth from the minor characters opining their various frustrations with the Soviet regime to what could be a political — potentially deadly — love triangle. This relationship is the heart of the play and produces its only real suspense, brief and poignant as it is.

Galina, a Russian girl living in Vienna, had traveled to Prussia to be with her fiancé who is fighting with the doomed Russian Liberation Army (a force of disgruntled Red Army POWs and anti-Soviet, pro-White Russian émigrés whom had been conscripted by the Germans). Before the story begins, however, she is captured by the battalion and convinces them that she had been a prisoner of the Germans working as a slave girl. Believing her, they invite her to take part in the upcoming celebration.

Counter-intelligence officer Gridnev, however, sees through her and suspects that she is a spy. Any Russian person who has had exposure to the enemy must be held suspect, and Gridnev quickly threatens her with imprisonment if she does not confess all. But Galina is also beautiful, and Gridnev soon finds himself falling in love (or lust) with her. This causes him to append a promise to his threats — if she sleeps with him, he’ll protect her.

While agonizing over this dilemma, Galina meets Captain Nerzhin, a childhood friend of hers. To him, she tells the truth. Nerzhin, being an honest and honorable soldier, empathizes and sees the justice in her position. How could not when Galina delivers a speech such as this?

The U.S.S.R.! It’s impenetrable forest! A forest. It has no laws. All it has is power — power to arrest and torture, with or without laws. Denunciations, spies, filling in of forms, banquets and prizewinners, Magnitogorsk and birch-bark shoes. A land of miracles! A land of worn-out, frightened, bedraggled people, while all those leaders on their rostrums. . . each one’s a hog. The foreign tourists who see nothing but well organized collective farms, Potyemkin style. The school-children who denounce their parents, like that boy Morozov. Behind black leather doors there are traps rather than rooms. Along the rivers Vychegda and Kama there are camps five times the size of France. Wherever you look you see epaulettes with that poisonous blue strip; you see widows, whose husbands are still alive. . .

Now Nerzhin faces a dilemma of his own: shepherding this woman to her fiancé just as Soviet forces are about to crush the Russian Liberation Army will not only be physically dangerous but will make himself vulnerable to a charge of treason. Can he trust anyone in his battalion? Yes, his fellows may see through the corruption and hypocrisy of the Soviet authorities or find fault with Marxism. For example, one tells the harrowing story of how a series of unjust NKVD arrests nearly wiped out an entire town. Another relays the humorous story of how, as an art student, his instructors imagined they saw a swastika in his painting. Despite this, these men wish to survive in the current system, as absurd as it is. They just don’t want to think about it, and thus choose to bow to evil.

Major Vanin says it best:

Thinking is the last thing you want to do. There is authority. There are orders. No one grows fat from thinking. You’ll get your fingers burnt from thinking. The less you know, the better you sleep. When ordered to turn that steering wheel, you turn it.

But with Galina, there is clearly so much more. During her dialogue with Nerzhin, she keeps distinguishing “us” from “them,” and soon a leitmotiv evolves involving loyalty. Galina expresses loyalty to the Russian people and never doubts herself. Nerzhin professes loyalty to the Russian nation — or, at the very least, its military. Meanwhile, Gridnev expresses loyalty to the current Russian government and its inhuman machinations as laid down by the genocidal Stalin. Of course, Gridnev never strays far from his own selfish designs.

Contemporary Soviet audiences, likely still bruising from the Second World War, would most likely have reacted negatively to the Galina character simply for her traitorous support of the RLA. Nevertheless, later audiences, even Russian ones, carry less baggage and will likely see her as the most sympathetic character in the play. At one point, she rejects the terms “Comrade” and “Citizen” and avers that the more traditional courtesy titles of “Sir” and “Madam” are more civilized. She had studied music in Vienna and remains in thrall of great Germanic classical composers such as Mozart and Haydn despite her love of Russia. Clearly, she represents the world that preceded the Soviets. She is the only tragic character in the story, since she symbolizes Solzhenitsyn’s own ethnonationalism, but only under a cloud of death or unspeakable oppression. She’s also the only character moved enough by romantic love to put herself at great risk — even if all it will amount to is her dying by her lover’s side in a hail of artillery fire.

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Solzhenitsyn could express his sympathy for this heartbreaking character (and presage the stirring ending of his story Matryona’s House) no better than in the admiring words of Nerzhin:

“I’ve no fears for the fate of Russia while there are women like you.”

Prisoners

Originally titled Decembrists Without December, Prisoners suffers to a greater extent than Victory Celebrations from a thin, meandering plot, a bloated dramatis personae, and excessive dialogue. It lacks even the scraps of narrative formalism found in the earlier play, and instead resembles the dialogues of Plato for of its reliance upon dialectic. The events take place in a gulag wherein the mostly-male cast discuss the absurdities of Soviet oppression, argue the merits and demerits of communism, and endure ludicrous interrogations from counter-intelligence officers. Most of the characters were based on people Solzhenitsyn himself knew. Further, several of the characters appear in later, more famous works, such as Vorotyntsev (The Red Wheel), Rubin (In the First Circle), and Pavel Gai (The Love-Girl and the Innocent).

While much weaker than Victory Celebrations in terms of plot, character, and resolution, Prisoners far surpasses it in astute political commentary as well as in philosophical and historical discourse. In its many debates, Solzhenitsyn does not always demonize the representatives of the Soviet system and sometimes puts wise, thoughtful, or otherwise honest words in their mouths. This leads to some fascinating reading (as opposed to what would seem like tedious chatting onstage). On the whole, however, Prisoners devastates the Soviet Union in a way that would have invited much more than mere censure in that repressive regime. Solzhenitsyn had to keep the play close to his chest for many years, and revealed its existence only after his exile in the West during the 1970s. Had the KGB ever acquired the play, it is likely there would not have been an exile for Solzhenitsyn at all.

Due to the narrative’s unmoored rambling, examples of Solzhenitsyn’s incisive observations can appear with little context and in list form. The relevance to the broader struggle of the Right in all cases should become clear.

We clutch at life with convulsive intensity — that’s how we get caught. We want to go on living at any, any price. We accept all the degrading conditions, and this way we save — not ourselves — we save the persecutor. But he who doesn’t value his life is unconquerable, untouchable. There are such people! And if you become one of them, then it’s not you but your persecutor who’ll tremble!

Far too many on the Right today meekly accept the degrading, second-class citizenship imposed upon us by the racial egalitarian Left. If more of us could value our lives a little less and the Truth a little more, perhaps this unnatural state of affairs could be overturned.

Here, now, we’re all traitors to our country. Cut down the raspberries — mow down the blackcurrants. But that’s not what I got arrested for. I got arrested for infringing on the regulations. I issued extra bread to the collective farm women. Without it, they would have died before the spring. I wasn’t doing it for my own good — I had enough food at home.

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Aside from revealing the murderous lack of concern that the Soviet authorities had for their own people, this passage reveals how the Left does not merely value some lives over others but becomes by policy quite hostile to those lives it values least. In today’s struggles, whites in the West who act in their racial interests are meeting with increasing hostility from our Leftist elites, while these same elites actively encourage non-whites to act in their racial interests.

Of course, Solzhenitsyn’s proud ethnonationalism (as expressed by his angst-filled love for Russia) shines through the text as well.

They are ringing the bell. They are ringing for Vespers. . . O Russia, can this ever come back again? Will you ever be yourself? I have lived on your soil for twenty-six years, I spoke Russian, listened to Russian, but never knew what you were, my country! . . .

In some cases, the dialogue becomes downright witty. Take, for example, the absurd interrogation scene between intelligence officer Mymra and Sergeant Klimov, who had been captured in battle by the Germans:

Mymra: Prisoner Klimov. You are here to answer questions, not to ask them. You could be locked up in a cell for refusing to answer questions. Personally, we are ready to die for our leader. Question three: what was your aim when you gave yourself up? Why didn’t you shoot yourself?

Klimov: I was waiting to see if the Divisional Commander would shoot himself first. However, he managed to escape to Moscow by ‘plane out of the encirclement and then got promoted.

Mymra (writing down): Answer. I gave myself up, my aim being to betray my socialist country. . .

Klimov: We-ell, well. You can put it like that…

The Rubin character in Prisoners is no different than his namesake in In the First Circle — a friendly, erudite apologist for communism, and clearly Jewish. Just as in the novel, Prisoner’s Rubin insists that he’d been incarcerated by mistake and that, regardless of his personal circumstances, he remains a true believer in the Soviet system. At one point, in the middle of the play, he is beset upon by his angry co-inmates who challenge him to defend Soviet atrocities such as blockading Ukraine and starving millions into submission. Rubin explains that the great socialist revolutions and slave rebellions of the past had failed because they showed too much leniency towards their former oppressors. They doubted the justice of their cause. He then praises the Soviet Revolution as the product of “unconquerable” science and laments that it has had only twenty-five years to produce results.

. . . you unhappy, miserable little people, whose petty lives have been squeezed by the Revolution, all you can do is distort its very essence, you slander its grand, bright march forward, you pour slops over the purple vestments of humanity’s highest dreams!

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Rubin fixates upon the same wide, historical vista that all Leftists do when they wish to explain away failure or atrocity. Conservative debunking of this arrogant folly is as old as Edmund Burke. In Solzhenitsyn’s case, however, he depicts it with almost cringe-worthy realism when he humanizes Rubin as a reasonable and enthusiastic, if misguided, adherent of the Left. We actually grow to like Rubin, especially at the end of the play when he leads a choir of zeks in song as Vorotyntsev contemplates his fate with the others.

The most memorable scene in Prisoners occurs towards the end when Vorotyntsev debates a dying counter-intelligence officer named Rublyov. In this debate we have perhaps Solzhenitsyn’s most eloquent affirmation of the Right as a way of life, and not just as a reaction to the totalitarian Left. Vorotyntsev claims to have fought in five wars on the side of Monarchy or Reaction — all of which were ultimately lost: the Russian-Japanese War, World War I, the Russian Civil War, the Spanish Civil War, World War II (on the side of the Russian Liberation Army). When Rublyov taunts him for this colossal losing streak, Vorotyntsev speaks of “some divine and limitless plan for Russia which unfolds itself slowly while our lives are so brief” and then responds that he never wavered in his fight against the Left because he felt the truth was always on his side. All that Rublyov ever had on his side was ideology. He explains:

You persecuted our monarchy, and look at the filth you established instead. You promised paradise on earth, and gave us Counter-Intelligence. What is especially cheering is that the more your ideas degenerate, the more obviously all your ideology collapses, the more hysterically you cling to it.

When Rublyov accuses the Right of having its own executioners, Vorotyntsev responds, “not the same quantity. Not the same quality,” and proceeds to compare the twenty thousand political prisoners of the Tsar to the twenty million political prisoners of the Soviets.

The horror is that you grieve over the fate of a few hundred Party dogmatists, but you care nothing about twelve million hapless peasants, ruined and exiled in the Tundra. The flower, the spirit of an annihilated nation do not exude curses on your conscience.

In this, Vorotyntsev makes the crucial point of the Right’s moral superiority to the Left. Note his similarity to Rubin in positing a plan as broad as history. For Rubin, however, it is Man’s plan, an atheist’s plan. It is hubris in action, a contrivance of pride. For Vorotyntsev, on the other hand, it is God’s plan — not something he can begin to understand. All he can do is to live according to Truth as he sees it and according to his nature as a human being.

It’s hard to find a more stark distinction between Left and Right than this.

The Love-Girl and the Innocent

Of Solzhenitsyn’s prison plays, The Love-Girl and the Innocent works best. This perhaps explains why it has been staged most often and continues to be put on today. Notably, the BBC produced a television adaptation of Love-Girl in 1973. Love-Girl resembles most closely what most people expect when they read or see a play: Four acts; a beginning, middle, and end; three-dimensional, evolving characters; and a plot filled with conflict, action, and suspense. We could quibble with some of Solzhenitsyn’s authorial choices, such as making the lead character Nerzhin too passive towards the end, employing too many characters (again), or his general lack of focus regarding some of the plot. Nevertheless, that Solzhenitsyn manages to pursue many of the profound themes from Victory Celebrations and Prisoners to their poignant conclusions in Love-Girl as well as explore new ones that would reach their apotheosis in later works such as Gulag Archipelago makes Love-Girl and the Innocent, in this reviewer’s opinion, the first of Solzhenitsyn’s great narrative works.

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As in Victory Celebrations, we have a potentially deadly love triangle — but one that achieves greater meaning since the audience can now experience the love and all its wide-ranging consequences. In Victory Celebrations, the story takes place during a lull in the action, with all the real action having already happened or will happen in the near future. The battalion had just captured a mansion and plans to advance on the RLA’s position the next day. By the play’s end, Galina’s fate swings between Gridnev’s protection and Nerzhin’s. Will she become Gridnev’s mistress? Will she be shot or be incarcerated in a gulag? Will Nerzhin take her to her fiancé before the Soviet forces attack? Will she even survive? Note also how this love triangle is not entirely real since Nerzhin, despite his demonstrable affection for Galina, can only serve as a stand-in for her fiancé.

In Love-Girl, all the appropriate action happens on stage and in the here and now. There are no stand-ins. It takes place in a gulag in 1945 where the love is real, agonizing, and immediate. It is also multifaceted, since there are technically two love triangles occurring simultaneously. The “love-girl” of the title is a beautiful and compassionate female inmate named Lyuba, while the “innocent” is Rodion Nemov, an officer recently taken in from the front who is committed to behaving as honorably as possible while in the gulag. The third point in the triangle is Timofey Mereshchun, the prison’s fat, repulsive doctor who promises Lyuba privileges and protection in return for sex. He also has the power to send her off to camps in much harsher climates where her chances of survival would become drastically reduced.

The other love triangle involves another beautiful female inmate named Granya. She is a former Red Army sniper incarcerated not for political reasons, like many of the others, but because she murdered her husband while on furlough after finding him in flagrante delicto with another woman. It’s as if Solzhenitsyn could not decide which woman he was in love with more while writing the play. The men vying for Granya’s affections are an honest and feisty bricklaying foreman named Pavel Gai (first seen in Prisoners) and the corrupt and cruel camp commandant Boris Khomich.

Aside from Solzhenitsyn’s now-familiar themes of ethnonationalism, ethno-loyalty, exposing Soviet atrocities, and impugning communist ideology, Love-Girl also introduces the theme of honor vs. corruption. When the play begins, Nemov is responsible for increasing efficiency in prison work. And he does a fine job, noting how the camp authorities could increase productivity by easing up on the harsh exploitation of the prisoners and cutting much of the self-serving and politically-appointed administrative personnel. He quickly runs afoul of the shady and perfidious ruling class of the camp, however, when he demands that the bookkeeper Solomon turn over a recent shipment of boots to the workers rather than divvy them up among his cronies.

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Solomon, along with Mereshchun and Khomich, take their revenge soon after when they manipulate the drunken and irresponsible camp commandant Ovchukhov into transferring Nemov to general work duties while replacing him with the depraved Khomich. In the battle between honor and corruption, honor never has a chance. And, as if to infuriate the audience even further, Solzhenitsyn reveals how Khomich has a few ideas for the commandant, all of which involve increasing the corruption in the camp and turning the screws harder on the prisoners. These ideas include:

  • Issuing the minimum bread guarantee after 101 percent work fulfillment, instead of 100 percent.
  • Forcing the workers to over-fulfill their work requirements to have an extra bowl of porridge.
  • Not allowing prisoners to receive parcels from the post office unless they have fulfilled 120 percent of their work norms.
  • Not allowing men and women to meet unless they have fulfilled 150 percent of their work norms.
  • Building a grand house for Commandant Ovchukhov in time for the anniversary of the October Revolution.

Khomich puts it succinctly and smugly: “They’ll realize: either work like an ox or drop dead.”

The Love-Girl and the Innocent is also notable because of how Solzhenitsyn employs its Jewish characters. Prisoners’ Rubin certainly defends the Soviet orthodoxy and the atrocities it entailed. But at least he’s honest, thoughtful, and friendly about it — which certainly counterbalances some of the audience’s negative feelings for him. Love-Girl’s Jews, however, are not only ugly, corrupt, and cruel, they’re stereotypical as well.

Scammell, in summarizing Jewish-Soviet émigré Mark Perakh’s analysis [3] [5] of Solzhenitsyn’s supposed anti-Semitism, writes:

It was in certain of Solzhenitsyn’s other works, however, the Perhakh found the most to criticize, notably in Solzhenitsyn’s early play The Tenderfoot and the Tart. [4] [6] Again, the three Jews in the play — Arnold Gurvich, Boris Khomich, and the bookkeeper named Solomon — were all representatives of evil, but this time grossly and disgustingly so, and Solomon was the very incarnation of the greedy, crafty, influential “court Jew,” manipulating the “simple” Russian camp commandant and oozing guile and corruption. As it happened, Solomon was modeled on the real-life prototype of Isaak Bershader, [5] [7] whom Solzhenitsyn had met at Kaluga Gate and later described at length in volume 3 of The Gulag Archipelago. . . [6] [8]

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Solzhenitsyn’s habit during his early period was to include characters based on people he personally knew. In this reviewer’s opinion, he often did so to the detriment of the work itself. Why include such a bewildering array of characters in his already wordy volumes when he could have condensed them into fewer characters for more pithy and forceful results? In some cases, Solzhenitsyn didn’t even bother to change his characters’ names: for example, the fervent Christian Evgeny Divnich (Prisoners) and the Belgian theater director Camille Gontoir (Love-Girl).

Thus, when Solzhenitsyn portrays gulag Jews doing evil things in recognizably Jewish ways, it’s probably because he was being true to what he witnessed in the gulag. It was not Solzhenitsyn’s style to invent a Shylock or Fagin out of thin air just to annoy Jewish people, just as he did not employ anti-Russian stereotypes for the sake of stereotyping. He portrays the Russian thieves in Love-Girl as particularly vile. And the simple-minded, corrupt, and drunken commandant Ovchukhov is no better. There should be no doubt that prisoner Solzhenitsyn had known and dealt with the flesh-and-blood prototypes of many of the characters appearing in his plays.

Regardless, that Solzhenitsyn refused to self-censor his negative Jewish characters while also refusing to include positive ones for the sake of political correctness should tell us something about the ethnocentric line he drew between Russians and Jews. He did not consider Jews as Russians, and he did not care if certain Jews got upset over this. If being labeled an anti-Semite by some is the price to pay for his honesty, his rejection of civic nationalism, and his profound love for his nation and his people, then so be it. [7] [9]

There is quite a bit in The Love-Girl and the Innocent that will resonate with the Right. It was probably unintended by Solzhenitsyn that such a meta-analysis of the Jewish Question would do so as well.

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Notes

[1] [12] Aleksandr Solzhenitsyn, The Oak and the Calf. New York: Harper & Row, 1975, p. 4.

[2] [13] Michael Scammell, Solzhenitsyn: A Biography. New York: W. W. Norton and Company, 1984, p. 330.

[3] [14] Scammell writes of Perakh’s analysis (page 960):

Perakh’s article, a kind of summa of those that had gone before, had appeared in Russian in the émigré magazine Vrennia i My (Time and We) in February 1976 before being published in English in Midstream.

[4] [15] The Love-Girl and the Innocent appears under several titles in English. These include The Tenderfoot and the Tart (as preferred by Scammell), The Greenhorn and the Camp-Whore, and The Paragon and the Paramour. Scammell (on page 217) has this to say about it:

The question of what to call this play in English is problematical. Solzhenitsyn’s Russian title Olen’ I shalashovka is based on camp slang. Olen’ (literally “deer”) means a camp novice, and shalashovka (derived from shalash, meaning a rough hunter’s cabin or bivouac) means a woman prisoner who agrees to sleep with a trusty or with trusties in exchange for food and privileges—not quite a whore, more a tart or tramp. The published English title The Love-Girl and the Innocent seems to me to catch none of this raciness.

[5] [16] I believe that both Scammell and Solzhenitsyn biographer D.M. Thomas overlooked something regarding Solzhenitsyn’s basing of Solomon on Bershader in Love-Girl. It seems to me that Solzhenitsyn based both the bookkeeper Solomon and the doctor Mereshchun on Bershader. The connection with Solomon is based on their shared profession (bookkeeping) and the fact that they were both corrupt, cunning, manipulative trusties in the gulag. But Solomon only appears in two scenes in Love-Girl and has nothing to do with any of the female inmates (Thomas falsely claims that Solomon was “adept at corrupting women prisoners”). The episode with Bershader in The Gulag Archipelago depicts him laying siege to and ultimately corrupting a beautiful and virtuous Russian woman prisoner, which Solomon does not do. Bershader is also described by Solzhenitsyn as “a fat, dirty old stock clerk” who is “nauseating in appearance.” Solzhenitsyn first describes Solomon, on the other hand, as carrying himself “with great dignity” and looking “sharp by camp standards.” Later, he describes Solomon as “very neatly dressed.”

On the other hand, Mereshchun is described as a “fat, thick-set fellow,” which is more in keeping with Bershader’s appearance. Further, Mereshchun enthusiastically corrupts the female inmates. In fact, in his first line of dialogue, he announces: “I cannot sleep without a woman.” After being reminded that he had kicked his last woman out of bed, he responds, “I’d had enough of her, the shit bag.” Clearly, Mereshchun is as revolting as Bershader. He also engages in the same exploitive behavior with women. Could Mereshchun also have been based on Bershader?

In a curious moment in Love-Girl, Solzhenitsyn describes how Mereshchun immediately strikes up a friendship with Khomich the moment he meets him. It was as if they recognized and understood each other without the need of a formal introduction. Could it be that in Solzhenitsyn’s mind they were both Jewish? It’s hard to say. Mereshchun is an odd name, but it could be a Russianized Jewish one, and in the Soviet Union during that time, doctors were disproportionately Jewish. On the other hand, few Russian Jews would be named Timofey. Perhaps Solzhenitsyn meant for this character to have enigmatic origins.

M. Thomas, Alexander Solzhenitsyn: A Century in his Life. New York: St. Martin’s Press, 1998, p. 492.

[6] [17] Scammell, pp. 960-961.

[7] [18] Thomas (page 490) conveys an astonishingly hysterical example of gentile-bashing from Jewish writer Lev Navrozov who really did not like Solzhenitsyn:

An émigré from 1972, Navrozov denounced Solzhenitsyn’s “xenophobic trash.” He is “a Soviet small-town provincial who doesn’t know any language except his semiliterate Russian and fantasizes in his xenophobic insulation”; August 1914 was as intellectually shabby as The Protocols of the Elders of Zion — but that turn-of-the-century forgery, purporting to show that the Jews were plotting world domination, was actually “superior” in its language to the Solzhenitsyn. . . . His style shows a “comical ineptness”; Navrozov writes that when Ivan Denisovich appeared, he thought its author might develop into a minor novelist, but Khrushchev’s use of him to strike the Stalinists, and his subsequent persecution, made him strut like a bearded Tolstoy, so “this semiliterate provincial, who has finally found his vocation — anti-Semitic hackwork — has been sensationalized into an intellectual colossus. . .

 

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samedi, 08 août 2020

Vladimir Nabokov's Gift

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Vladimir Nabokov's Gift

Pavel Tulaev

Ex: https://www.ateney.ru

Vladimir Vladimirovich Nabokov (1899-1987), the best English speaking Russian writer of the 20th century, a brilliant novelist, poet and translator, stands fully apart from the national literary school. His modern language went so far from the traditional Slavic mentality that some critics even don’t want to consider him a great Russian thinker. Nabokov’s biography gives certain reasons for it.

He was born into a noble family with aristocratic European roots. His grandfather was Minister of Justice under Alexander II who married a young baroness Marie von Korff. His father, Vladimir Dmitrievich Nabokov, was a well-known liberal statesman, a member of the first Russian Parliament and one of the leaders of anti-Bolshevik opposition. Being an undisguised “westerner” and Anglofile (his favourite author was Alexander Herzen) Vladimir Dmitrievich invited an English nurse for his son.

Thus Vladimir Nabokov became a bilingual from the baby age. At the age of five he began learning French. And when the family moved from St. Petersburgh to Berlin, in 1919, because of the Red Terror and the Civil War. Vladimir applied for Trinity college at Cambridge University and chose foreign languages as his specialty. The two foreign languages were French (medieval and modern) and Russian.

Another passion of his life from the very childhood was Lepidopterology. Nabokov collected, hunted and described butterflies. His first serious study on the Crimean butterflies, written in English, was published in “The Etimologist” magazine on 1920.

Later on Nabokov liked to give himself out for lepidopterologist whose hobby was literature, but it was just one of his typical tricks and mystifications. He spent most of his enthusiasm on fiction.

mary.jpgHis first Russian literary publications, signed with pseudonym Syrin (the name of the mythological paradise bird), were printed by emigrant press (“Mashenka”, “The Defence”). Some short stories and lyrical poems where he depicted the drama and tragedy of the Russian refugees, the downfall of their first hopes and their despair (an emigrant chess-player Luzhin in “The Defence” committed a suicide by jumping out of the window) were accepted with understanding by readers. One of them was Ivan Bunin, the Noble Prize winner for literature and one of Nabokov’s authorities of that time.

However, the young writer was far from following standards of the old realistic school. He was too complicated and ambitious for such a primitive task. Being a contemporary of the proletariat revolution and the bloody communist dictatorship, he hated any kind of primitivism and philistinism.

The next novels – “The Despair”, “The Lantern in the Dark” and “The Invitation to Beheading”, written in an anti-realistic, hard-modernist language,  sometimes close to Kafkian absurdity, expressed not only his own existential cry but also a programmatic challenge to the cruelty of the communist dictatorship.

Dostoevsky noticed once that all Russian Literature went out of Gogol’s “Overcoat”. I should say that Nabokov came out of Gogol’s “Nose”. And when he stood up, everybody could see “The Diaries of a Madman” in his hands, opened on the last page.

During that time the best of Nabokov’s novels was born. It was “The Gift”. It is very specific. There is no ordinary plot in the book. Formally, it is a life and carrier story of a Russian writer Godunov-Cherdyntsev and his love Zina Mortz. But the real heroine of the novel is not Zina. It is the Russian Literature. Modernist Language and the structure of “The Gift” which let Nabokov show the lustre and the darkness of our cultural heritage: from Pushkin to “the five poets” with names, beginning with “B”: Balmont, Bunin, Beliy, Blok and Bulgakov – the five senses of the new Russian poetry.

indexgift.jpg“The Gift” ’s author doesn’t say many words about his favorite writers in a direct way. You just see their reflections or allusions to their aesthetics, feel their invisible breathing. At the same time he dedicates the whole chapter 4 to the biography of Nikolai Chernyshevskiy, a famous revolutionary-populist (narodnik) and a spiritual father in the person of Lenin that becomes the negative center of the novel. Nabokov follows the example of Dostoevskiy’s “Demons” and gives a caricature portrait of the revolutionary, but he makes it in a different manner. Not to be boring, Nabokov retells the Cherdyntsev’s utilitarian and socially limited ideas in the black ironic verse.

“…No great intelligence is needed to distinguish a connection between the teaching materialism, regarding inborn tendency to good; equality of man’s capacities – capacities that generally are termed mental; the great influence exterior  circumstances have on a man; omnipotent of experience; sway of habit and upbringing; the extreme importance of industry; the moral right to pleasure and communism”.

In opposition to this blind social reductionism,  Nabokov puts a pure aesthetic contemplation of the life mystery which we find in Godunov-Cherdyntsev’s poems:

One night between sunset and river

On the old bridge we stood, you and I,

“Will you ever forget it”, I queried,

“That particular swift that went by?”

And you answered so earnestly: “Never!”

And what sobs made us suddenly shiver

What story life emitted in flight

Till we die, till tomorrow, for ever,

You and I on the old bridge one night.

To any kind of negativism and foolish optimism, especially political demagogy with its promising “social progress”, “happy future”, he sets off his clear anti-equalizing  pessimistic credo: “An oak is a tree, a rose is a flower, a deer is an animal, a sparrow is a bird. Russia is our Fatherland, death is inevitable”.

“The Gift” was received with cold indifference by the immigrant community. The Orthodox people couldn’t  accept Nabokov’s antichristian philosophy, the left wing – his anti-socialist and anti-populist views, the bourgeois (in the Flaubertian sense) couldn’t  accept his unusual Avant-Guard language. And, of course, it was impossible even to dream about some Russian readers in his Fatherland. All Nabokov’s works were absolutely banned by the Soviet regime.

This kind of reaction was not unexpected by the author. He was proud of his forced solitude:

Thank you, my land for your remotest,

Most cruel mist my thanks are due.

By you possessed, by you unnoticed

Unto myself I speak of you.

“The Gift” was the best Vladimir Nabokov’s novel, written by him in the native language. It was the top of the whole Russian period of his creative work. When the conclusive chapter of the book was completed in 1937 in France, he and his family – his wife Vera and his son Dmitry – moved from Europe to USA. There Nabokov had to find a job to earn his living. In Germany he taught many language classes. He taught Russian literature at Weleshy College and then from 1948 till 1959 he lectured on Russian and European Literature at Cornell University. And all that time he never stopped writing fiction.

unnamedVNcev.jpgHe finished the book of memories – its first title “Conclusive Evidence” (1951) – later changed into “Speak, Memory” by the author -, where he described in a pure classic manner his happy childhood in a family village Rozhdestveno near St. Petersburgh, portrayed with infinite tender his parents and represented the general life atmosphere of a good old pre-revolutionary Russia.

Very few people in America could appreciate that elegant nostalgic book. The next novels “The Real Life of Sebastian Knight» and «Bend Sinister” were easier and more understandable for a western reader but they were not noticed either. And Nabokov decided to create something totally different.

“Lolita, light of my life, fin of my loins. My sin, my soul, Lo-lee-ta: the tip of the tongue, taking a trip of three steps down the palate to tap, at thee, on the teeth. Lo-lee-ta!

She was Lo, plain Lo in the morning, standing from feet ten in one sock. She was Lola in slacks. She was Dolly at school. She was Dollores on the dotted line. But in my arms she was always Lolita”.

About 1955 he was writing the world famous, magic and sensational Lolita. It was a thrilling, intensely lyrical, sentimental story about the aging Humbert, Humbert’s doomed passion for a twelve-year-old nymphet, a sexually attractive young girl Dolores Haze.

“Wanted, wanted: Dolores Haze.

Hair: brown. Lips: scarlet.

Age: five thousand three hundred days.

Profession: None, or starlet”.

(…)

My car is limping, Dolores Haze,

And the last long lap is the hardest.

And I shall be dumped where the weed decays

And the rest of rust and stardust.

From the very beginning the book brought surprises to its author. Firstly, Nabokov could not find an editor in USA. When the novel was published by the “Olympic Press” in Paris, American critics fired a common volley at “Lolita”. One of them said that the author of the novel was “hypercivilized European debanching young American”, another classified the story as “pornographical”, the third called the book “anti-American” and the forth called it “anti-semitic”.

Humbert was at least three times mistaken for a Jew, and the pistol of his rival Guilty was a German one.

1957-Stockholm..jpgNabokov tried to defend himself. He said that “Lolita” couldn’t be considered as anti-American. While composing the story, he tried to be an American writer. What one should bear in mind he was not a realistic author, he wrote fiction. It had taken Nabokov some forty years to invent Russia and Western Europe. And at that moment  he faced the task of inventing America. He didn’t like Humbert Humbert. Indeed that character was not an American citizen, he was a foreigner and an anarchist. Nabokov disagreed with him in many ways, besides, nymphets like his, disagreed, for example, with Freid or Marx.

He was not understood and pled guilty. After an enormous scandal round “Lolita” Nabokov lost his job at Cornell University. After that final knock-out which in fact became the beginning of Nabokov’s world glory, the writer could devote all his time to the literary work. He published a poem “Pale Fire” of nine hundred ninety-nine lines, divided into four cantos with a long fantastic commentary, a novel “Pnin” about an emigrant university lecturer like him. Among other fiction, there was a novel “Ada or Azdor: a Family Chronicle”, some books and short stories, plays and a screen-play for his “Lolita”, ordered by Stanly Kubrik.

And let’s remember that Vladimir Nabokov was a brilliant translator and an expert in the world literature. The most important creation in this field was Pushkin’s “Eugen Onegyn”, published by Bollinger Foundation in four volumes with huge commentary in every one. He also made the English translation of “The Song of Igor’s Campaign”, a famous Medieval tale, Lermontov’s “Hero of our time” and some poems of the Russian classics. From English into Russian he retold “Alice’s Adventures in the Wonderland” by Luis Carrol (“Alisa v strane chudes”) and his memories (“Drugie Berega”).

51doGKP4FoL._SY291_BO1,204,203,200_QL40_ML2_.jpgNabokov’s critical biography by Nikolai Gogol (a non-Christian interpretation of a Christian author were the first books, published in the Soviet Union. But his “Lectures on Russian Literature”, “Lecture on Literature” (on Western Europe), “Strong Opinions” where he collected some interviews, letters and articles were unknown until post-soviet times.

“Why?” – you can ask. May be, because of his not very Russian American novels? I don’t think so. Many American writers have been translated and published in the USSR. By the way, Nabokov himself was quite clear about his country orientations, especially after he came back to Europe (Swirzerland) in 1961. Many time Nabokov said that he loved many things in America, where he had found good friends and readers, but he was not going to become a citizen of USA. He and his wife Vera were travelling from motel to motel, hunting butterflies. He had never had a house of his own. In one of his interviews, he said that he felt Russian and thought that his Russian works were a kind of a tribute to his Fatherland, as well as the English books on the Russian Literature.

Of course he realized that after living for so many years abroad he couldn’t remain unchangeable. He had to change. And it was a difficult kind of switch. Sometimes he said that his private tragedy should not be anybody’s concern, and he had to abandon his national idiom, his untrammeled rich and infinitely docile Russian tongue for a second-rate brand of English.

Nabokov was banned in the Soviet Union exactly for this nostalgia, because it was an invincible, indocile, unconquered love for the old, noble White Russia. He hated Lenin’s terrorist regime and any kind of communism. He despised the clumsy, trivial and melodramatic Soviet literature. And the Soviet writers couldn’t forgive it to him. Those literary bureaucrats couldn’t excuse neither his genius, nor his devine language which was dangerous like sunshine for the night shadows.

Vladimir Nabokov is coming back home. His dreams became true. Hundreds of underground copies of his best Russian novels. Nabokov’s books are on sale in St. Petersburgh and Moscow. Luzhin, Godunov-Cherdyntsev, Pnin and others live souls moor to “Drugie Berega”

Speaking on his memories, I would like to cite the concluding lines:

“To my love I will not say “Good-bye”.

I will carry it with me for ever.

And remember, please, “Never say never”

Till we live, till we honestly die”.

Pavel Toulaev, Utica College, N.Y., 1994

mardi, 04 août 2020

L’âge d’argent de la littérature russe : Rozanov, penseur vitaliste

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L’âge d’argent de la littérature russe : Rozanov, penseur vitaliste

Par Robert Steuckers

L’ « âge d’argent » de la littérature russe correspond à ce que nous appelons la « Belle Epoque ». Elle est une période de contestation de l’autocratie tsariste et des figements de l’orthodoxie mais les exposants de cette contestation dont nous retenons le nom, ici, ne sont pas des révolutionnaires au sens marxiste du terme. Le premier personnage que nous choisissons dans cette nébuleuse est Vassili Vassilévitch Rozanov (1856-1919). Cet auteur représente un itinéraire très particulier, une vita exceptionnelle, dirait Hannah Arendt, qui ne peut être aisément campée dans un camp conservateur ou « progressiste » : Rozanov pense en dehors de tout parti, de toute conviction. « Je suis venu au monde, écrira-t-il, pour le regarder et non pour y accomplir quelque chose ». Les vagabondages de ce regard seront dûment consignés dans un volume en trois volets temporels (1913, 1915 et 1918) : Feuilles tombées, recueil hétéroclite de notes diverses, écrites non pour durer dans la postérité mais pour exprimer spontanément une sensation, une humeur. Rozanov veut renouer là avec l’espièglerie du copiste médiéval qui gribouille une plaisanterie ou un dessin grivois en marge de son vénérable manuscrit. Il voit en cela une véritable littérature, une expression d’avant l’imprimerie donc d’avant la modernité. Pour lui, « ce dont nous avons besoin, ce n’est point d’une ‘grande littérature’ mais d’une grande et belle vie, bien remplie ». La littérature véritable est une petite arrière-cour de ma maison, rien de plus, et ne doit certes pas servir à des quidams prétentieux qui veulent plastronner devant leurs contemporains.

De là, Rozanov inaugure l’un des fondements de la « révolution conservatrice », dont l’apport russe est essentiel, par le filon qui court de Rozanov au couple Merejkovski/Hippius et de ce couple à Moeller van den Bruck. Quel est ce fondement ? Celui qui entend aller aux petites choses du quotidien, aux particularismes les plus particuliers, car ces particularismes sont mon divin, les divins de mes semblables. Rozanov est un « physionomiste » : il valorise les regards, les corps, l’immersion dans le soi le plus profond. Il se déclare ainsi indépendant de tout public, se dégage, à la façon de Schopenhauer, de toute volonté militante et frénétique, fébrile et acquisitive, de toute participation à de mauvais cirques idéologiques. Rozanov, sans prétention, se veut le plus normal des hommes : celui qui voit ce que ne voient pas ces partisans de toutes moutures schématisantes qui jugent toutes choses en noir et blanc. Il voit ce que les idéologues ne voient pas. Et les choses essentielles résident dans le foyer intime : la vraie vie s’épanouit dans un foyer privé, chaleureux et confortable, il est « rond » comme un nid d’oiseau. Il faut œuvrer à se créer un « foyer tout en rondeur », alors Dieu ne nous abandonnera pas. Ce nid familial est l’ordre ménager qu’il appelle de ses vœux, le domostroï slave ou le kahal juif qui, s’il est détruit, engendrera un socialisme inorganique, où la fraternité ne sera qu’un leurre.

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Cette immersion dans le soi induit, chez Rozanov, une haine du positivisme libéral (occidental) : « Le positivisme est le mausolée philosophique de l’humanité en déclin. Je ne veux rien avoir à faire avec lui. Je le méprise. Je le hais. Je le crains ». La nature tout entière est préstabilisée, car elle est là, tout simplement, et c’est là uniquement que pourront s’exprimer les potentialités qui deviendront réalités. On pense au réel sans double de Clément Rosset. La raison raisonnante des positivistes est inférieure à ce réel sans double. Quant à la vérité, elle n’a pas d’importance en soi ; elle n’a d’importance que si (et seulement si) elle est constitutive de la réalité réelle. On croit entendre Armin Mohler, admirateur de Rosset.

Rozanov fréquentait la « société religieuse/philosophique » de Saint-Pétersbourg qui entendait moderniser la religion non dans un sens positiviste, bien sûr, mais en lui donnant une vigueur nouvelle. Dans ces débats, parfois houleux, Rozanov n’a eu de cesse de dénoncer le rejet par l’église orthodoxe des facteurs vitaux, posture qui lui a donné une réputation de révolutionnaire antireligieux, alors qu’au même moment il prenait fait et cause pour la « Centurie noire » pogromiste, qui accusait les juifs de « meurtre rituel », et il brocardait la pusillanimité des progressistes dans cette affaire. Cette ambivalence le discrédite aux yeux des libéraux, pourtant réceptifs à sa critique de l’orthodoxie. La pétrification de l’orthodoxie a généré un gouffre profond de l’âme qui provoquera à terme une catastrophe de colossale dimension : elle engloutira tout, trône, classe, travailleurs, …

51HG0ihqOoL._SX195_.jpgRozanov développe sa pensée religieuse : elle n’est pas directement centrée sur l’Eglise orthodoxe, qu’il n’abandonnera toutefois jamais, car, malgré ses lacunes et ses travers, elle réserve pour ses fidèles un espace de chaleur inégalée : on y enterre ses parents, ses proches, on y marie ses enfants. Le corps de l’Eglise, ce sont ses rites qui rythment la vie, celle du foyer, du nid.  D’emblée, on le voit, la critique antireligieuse de Rozanov n’est pas celle des positivistes et des libéraux, dont il perçoit les idées comme également pétrifiées ou en voie de pétrification. Le noyau central de sa critique de l’orthodoxie russe est vitaliste. La doctrine chrétienne est hostile à la vie, au désir. Elle s’est détachée de l’« arbre de la vie », alors que l’Ancien Testament, qu’il revalorise, y était étroitement attaché. L’Evangile, qui, pour lui est un poison mais non au sens où l’entendait Maurras, véhicule une profonde tristesse, un deuil permanent. Il n’est pas tellurique, encore moins phallique. Il méconnait le rire et l’amour charnel, seul amour véritable. Mais fidèle à sa manière de dire aussi, et dans la foulée même de ses écrits provocateurs, le contraire de ce qu’il vient d’affirmer, Rozanov chante les vertus du monachisme européen, générateur d’un être hermaphrodite et monacal, qui est parvenu à sublimer à l’extrême les instincts vitaux et, par là même, à générer la civilisation en Europe. Ce monachisme créateur a toutefois cédé le pas à l’infertilité évangélique en Europe, si bien qu’à terme tout deviendra « ombre ». Ce n’eut pas été possible si la religion avait été plus charnelle, plus solaire, plus fidèle aux cultes antiques de la fertilité, dixit Rozanov, l’inclassable, car le soleil est là, est l’élément le plus patent du réel (sans double), sans lequel aucune vie, ni élémentaire ni monacale n’est possible, sans lequel les liturgies cycliques n’ont aucun sens. Comme David Herbert Lawrence, Rozanov réclame un retour de la religion au cosmos pour que la théologie ne soit plus un grouillement sec de radotages syllogistiques mais la voix du peuple paysan qui chante le retour du printemps.

C_ROZANOV_Feuilles-360x600.jpgLa disparition du cadre doux du domostroï et l’a-cosmicité, l’anti-vitalisme, de la religion officielle sont les vecteurs du déclin final de la civilisation européenne. Sans vitalité naturelle, une civilisation n’a plus l’énergie d’agir ni la force de résister. Elle a perdu toute étincelle divine. Lev Gumilev, qui déplore la disparition des passions, Edouard Limonov, récemment décédé, qui parle d’un Occident devenu un « grand hospice », Alexandre Douguine, qui développe sa critique particulière de l’Occident, sont des échos lointains de ce vitalisme de Rozanov. Préfigurant également Heidegger, Rozanov déplore l’envahissement de nos foyers par l’opinion publique/médiatique, qui décentre nos attentions et disloque la cohérence de nos nids. Nous sommes dans un processus de « sociétarisation » qui détruit les communautés archaïques, dissout les ciments irrationnels et les remplace par un bla-bla intellectuel pseudo-rationnel. La politique est dès lors dominée par cet intellectualisme infécond et tout ce qu’elle produit comme idéologies ou comme programmes mérite le mépris. Rozanov formule donc un credo apolitique. Si la révolution bolchevique, survenue pendant la rédaction des Feuilles tombées, réussit à bouleverser de fond en comble l’édifice impérial tsariste, c’est parce qu’elle est portée par la vitalité des moujiks qui se sont engagés dans l’Armée Rouge. La révolution est une manifestation de la jeunesse, écrit-il, qui veut autre chose qu’un empire sclérosé.

Rozanov avait fréquenté à Saint-Pétersbourg, ce couple extraordinaire que formaient Dimitri Merejkovski et Zinaïda Hippius qui, à leur tour, avaient fréquenté à Paris cet autre couple hors du commun, Arthur Moeller van den Bruck et Lucie Kaerrick (traducteurs de Dostoïevski). Par l’intermédiaire de ces deux couples, très actifs dans les milieux culturels russes et allemands, les idées vitalistes de Rozanov, avec son antipositivisme viscéral, sa critique de l’assèchement des religions, sa vision de la mort civilisationnelle par la disparition des communautés archaïques et, enfin, sa valorisation, au début de la révolution russe, du facteur jeunesse, sont passées, mutatis mutandis, dans le corpus de la révolution conservatrice. Et s’y sont ancrées. Définitivement.

Robert Steuckers.

Forest-Flotzenberg, avril-mai 2020.

Bibliographie :

  • - Helmut Dahm, Grundzüge russischen Denkens – Persönlichkeiten und Zeugnisse des 19. Und 20. Jahrhunderts, Johannes Berchmans Verlag, München, 1990.
  •  
  • - Peter Krug, Dichters, Denkers en Rebellen – De Russische cultuur tussen traditie en revolutie, Kok Agora/Pelckmans, Kampen, 1990.
  •  
  • - Pierre Pascal, Strömungen russischen Denkens 1850-1950, Karolinger Verlag, Wien, 1981.
  • - Vasili Rozanov, Foglie cadute, Adelphi, Milano, 1976.
  •  
  • - Karl Schlögel, Petersburg – Das Laboratorium der Moderne 1909-1921, Fischer, Frankfurt a. M., 2009.
  •  
  • - Robert Steuckers, La révolution conservatrice allemande – Biographies de ses principaux acteurs et textes choisis, tome 1, Ed. du Lore, s. l., 2014 (voir le chapitre : « Sur l’entourage et l’impact d’Arthur Moeller van den Bruck »).
  •  
  • - Emmanuel Waegemans, Geschichte der russischen Literatur von Peter dem Grossen bis zur Gegenwart, UVK, Konstanz, 1998.

mardi, 19 mai 2020

Aleksandr Solzhenitsyn’s Lenin in Zürich

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Aleksandr Solzhenitsyn’s Lenin in Zürich

51tMhCAkhzL._SX303_BO1,204,203,200_.jpgIn 1975, Aleksandr Solzhenitsyn excised the several Lenin chapters from his massive and unfinished Red Wheel epic and compiled them into one volume entitled Lenin in Zürich. At the time, only one of these chapters had been published — in Knot I of the Red Wheel, known as August 1914 — while the remaining chapters would still have to languish in the author’s desk drawer for decades before appearing as part of The Red Wheel proper (November 1916 and March 1917, specifically). In order to save time and make an impression on his contemporaries, many of whom in the West still harbored misplaced sympathies for Lenin, Solzhenitsyn decided to share with the world his eye-opening and unforgettable treatment of the Soviet Revolutionary.

Solzhenitsyn’s approach, which was based on close study of Lenin’s speeches and letters as well as few accounts of his exile in Switzerland, combines third-person narration and first-person intimacy to deliver a nearly-Satanic depiction of Lenin at that time. Lenin is peevish, intolerant, tyrannical, ideologically murderous, and astoundingly petty. He’s also brilliant, dedicated, focused, and consumed by inhuman energy. It’s both fiction and not, and, as with the entire Red Wheel saga, demonstrates how Solzhenitsyn used the narrative arts to reconstruct and decipher historical events.

Lenin in Zürich’s enduring meaning for the Right lies not so much in Solzhenitsyn’s negative portrayal of Lenin, the memory of whom most Rightists would rather smash with a pedestal than hold up with one. Lenin’s ruthlessness and cruelty as a world leader is well documented. Rather, Solzhenitsyn cuts open, as only a novelist could, the repulsive psychological innards of the nation-killing Left, thereby defining the Right as its opposite in comparison.

We feel the strain, first off. Through his Nietzschean use of exclamation points and the constant stream of insults he hurls, unspoken, at his fellow socialists, Lenin never seems to enjoy being Lenin. He resembles Milton’s Lucifer cast down to Hell in Paradise Lost, only he’s stuck in Zurich, a place so peaceful, so prosperous, so bourgeois, so pleased with itself — in the middle of a world war, no less — that Lenin could just spit. Even the socialists there are incompetent, blockheaded vacillators. All Lenin can do is study the newspapers, plot unlikely ways in which the war could instigate communist revolutions, and fulminate. But mostly, he fulminates.

But worst of all, obscenest of all, Kautsky, with his false, hypocritical, sneaking devotion to principle, had started squawking like an old hen. What a vile trick: setting up a “socialist court” to try the Russian Bolsheviks, and ordering them to burn the all-powerful five-hundred-ruble notes! (Lenin had only to see a picture of that hoary-headed holy man in his goggling glasses, and he retched as though he had found himself swallowing a frog.)

August 1914 was a low point for the Bolsheviks abroad, apparently. They had few prospects and constantly bickered among themselves. That many on the Swiss Left were hampered by quaint notions of nationalism infuriated Lenin, but there was little he could do about it. After the failed Russian revolution in 1905, expectations were low — that is, until world war is declared. Solzhenitsyn’s first indication of how the Left operates against humanity, almost like a cancer, appears when Lenin reveals how overjoyed he is with the war. Death and destruction mean nothing to him unless it helps the Cause. He sees the struggle on the Left as patriots vs. anti-patriots — but on a larger scale, his revolutionary framework pits nationalists against anti- (or super-) nationalists. And nothing can weaken nationalism more than a senseless and protracted war. At one point, he ghoulishly admits that the greater the number killed in battle, the happier he gets. He worries only that the European leaders would do something stupid and ghastly like sue for peace before he and his fellows could instigate revolution in teetering-on-the-brink nations such as Switzerland and Sweden.

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The little things that Lenin does, and many of his offhand remarks and observations, also reveal his enmity towards everything traditional, natural, and morally wholesome. He complains bitterly against the principle of property rights. He recoils when approached by nuns on a train platform. He endeavors to keep his colleagues quarreling when it is useful to him. He opposes the Bolshevik employment of individual terror only because he believes terror should be a “mass activity.” He passes shops and delicatessens on the street and imagines them being smashed by an axe-wielding mob. He even foreshadows the Soviet Dekulakization of the next decade by claiming that

The Soviet must try to ally itself not with the peasantry at large but first and foremost with the agricultural labourers and the poorest peasants, separating them from the more prosperous. It is important to split the peasantry right now and set the poor against the rich. That is the crux of the matter.

Lenin not only pits himself against mankind, he pits himself irrevocably against his own colleagues. When he meets with the Swiss Social Democrats (dubbed “the Skittles Club”) at a restaurant, Solzhenitsyn offers this diabolic nugget:

Lenin’s gaze slides rapidly, restlessly over all those heads, so different, yet all so nearly his for the taking.

They all dread his lethal sarcasm.

And don’t get him started on the Mensheviks. He hates the Mensheviks. At one point, Lenin rather hilariously avers that he “would sooner see Tsarism survive another thousand years than give a millimetre to the Mensheviks!”

He also lies. He announces that Switzerland is an imperialist country when he knows it isn’t. He also claims, to the bafflement of the Swiss socialists, that Switzerland is the most revolutionary country in the world. He makes false promises to the more moderate socialists regarding their post-revolutionary roles. Double standards are nothing to him as well. He advocates opposing the war in public but egging it on in private. He professes to support democracy, but only before the revolution. Afterward, it should be abolished with all other hindrances to his planned totalitarian rule.

If any of this sounds familiar, it should. The Left has not changed much since Lenin’s day, merely exchanging class for race in the twenty-first century. The same bunch that clamored for civil rights for non-whites in the 1960s are now calling for the open oppression of whites. Just as with Lenin, what the Left says it wants and what it truly wants are two different things — the only determining factor here being who wields the power. Furthermore, a stroll through anti-white Twitter or anti-white Hollywood will show quite clearly that Left’s violent fantasies against their perceived enemies aren’t going anywhere.

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Another aspect of the Left that Solzhenitsyn reveals is its Jewishness. True, he does not name the Jew in Lenin in Zürich like he does in 200 Years Together. However, since all the characters in these chapters are historical figures, it’s easy enough to gauge exactly how Jewish Lenin’s circle was and how important some of these Jews were to his — and the Bolsheviks’ — ultimate success. And the answer is considerable on both counts.

Parvus_Alexander.jpgA man known as Parvus appears foremost among the Jews in Lenin in Zürich. Born Izrail Lazarevich Gelfand, he comes across, at least to Lenin, as an enigmatic and somewhat unscrupulous capitalist and millionaire who, for some reason, dedicates his life to socialist causes. Either this, or he wishes to destroy Russia while exhibiting a suspicious allegiance to Germany. Parvus, along with his protégé Leon Trotsky, had tried and failed to overthrow the Tsar in 1905, and now offers a new plan: With his deep contacts in the German government, he will arrange for the Bolsheviks’ to travel through Germany in order to re-enter Russia where they can foment revolution against a weakened Tsar. This would serve not only Lenin but Parvus’ German friends as well by knocking Russia out of the war. Suspicious of Parvus’ outsider status, and especially of his tolerance of Lenin’s detested Mensheviks, Lenin at first refuses. However, he cannot shake his respect and fascination for this mysterious benefactor.

Fat, ostentatious, and lacking tact, Parvus appears just as repulsive to the reader as he does to Lenin. However, his great wealth and his acumen for political scheming tames Lenin’s rapacious attitude and manages to shut him up for a while (which perhaps exonerates him somewhat as a character in the reader’s mind). He’s also quite prescient, having predicted World War I at an earlier point and impressing upon an incredulous Lenin that “the destruction of Russia now held the key to the future history of the world!”

And, of course, he’s a financial genius:

It was a matter of instinct with him, the emergence of disproportions, imbalances, gaps which begged him, cried out to him to insert his hand and extract a profit. This was so much part of his innermost nature that he conducted his multifarious business transactions, which by now were scattered over ten European countries, without a single ledger, keeping all the figures in his head.

d595b497ad4d0145202370e65cddfeb5.jpgAnother Jew who figures prominently in Lenin in Zürich is Radek (born Karl Berngardovich Sobelsohn). Lenin has tremendous respect for Radek as a writer and propagandist — that Radek had become one of the Soviet Union’s most prominent journalists years after Lenin’s death certainly justifies Lenin’s esteem. In all, he is clever and resourceful and the only person to whom Lenin would voluntarily surrender his pen. After the February Revolution in Russia, as Lenin prepares for travel back to his home country according to Parvus’ plan, Radek contrives ingenious solutions to formidable logistical problems that threaten to sink the enterprise. This makes Lenin, for one of the few times in the book, truly happy.

Not included in the later editions of The Red Wheel, which contain all of the Lenin in Zürich chapters, is an extremely useful “Author’s Index of Names” in the back of the book. Forty-nine names are mentioned, fifteen of which are Jews — sixteen if we include the half-Jewish Ryazanov (David Borisovich Goldendakh). This is over thirty percent, with a couple of names that I could not verify one way or the other. The ones I could are: Aleksandr Abramovich, Moisei Bronski, Grigory Chudnovsky, Lev Kamenev, Moisei Kharitonov, Paul Levi, Maksim Litvinov, Yuly Martov, Parvus, Radek, Georgy Shklovsky, Georg Sklarz, Grigory Sokolnikov, Moisei Uritsky, and Grigory Zinoviev.

Further, not all of the gentiles mentioned were part of Lenin’s inner circle. Some, such as the much-despised Robert Grimm and Fritz Platten, were Swiss socialists who contended with Lenin and did not accompany him to Russia. Others, such as Aleksandr Shlyapnikov and Nikolai Bukharin, were important and were mentioned frequently in the text but were not in Switzerland during the timeframe of the chapters. And two, Nadezhda Krupskaya (his neglected wife) and Inessa Armand (his beloved mistress) made few substantive contributions to his revolutionary work in the pages of Lenin in Zürich. According to Solzhenitsyn, many of Lenin’s closest associates in Zurich were Jews. Certainly, the two most important ones were.

From the perspective of the Right, Solzhenitsyn offers tantalizing evidence that the October Revolution would not have occurred (or would not have been as successful) without crucial actions from Jews at the most important moments. Without Parvus and Radek, Lenin likely would have stayed in Zurich in March 1917. Would he have gotten out in April or May or at all? Would he have even made it to Russia in time to make a difference? Would the Bolsheviks have been as successful without him? Impossible to say, but a reasonable conclusion would be that the fate of the Soviet Union would have hung much more in the balance without Lenin running things during its formative years. And without a successful October Revolution, we likely wouldn’t have the tens of millions of people senselessly killed by the Soviets during the 1920s and 1930s.

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Lenin in Zürich offers positive value to the Right as well, almost to the point of irony. Despite being an unhinged, foul-tempered, miserable villain, Solzhenitsyn’s Lenin exhibits some admirable characteristics that dissidents of any stripe would do well to emulate — provided they sift out the destructive elements. His gargantuan faith in himself makes him utterly impervious to ridicule and embarrassment. He thinks in slogans — always striving for a way to control and motivate the masses. (“The struggle against war is impossible without socialist revolution!”) He’s obsessed with time and gets annoyed almost to the point of rage whenever he wastes any. Everything is urgent for him. The man also demonstrates inhuman energy, always working, always reading, always striving. Solzhenitsyn, to his great credit as an author, makes Lenin’s intensity vibrate on nearly every page. Here’s a sample:

By analogy, by association, by contradiction, sparks of thought were continually struck off, flying at a tangent to left or right, on to loose scraps of paper, on to the lined pages of exercise books, into blank margins, and every thought must be stitched to paper with a fiery thread before it could fade, to smoulder there until it was wanted, in a draft summary or else in a letter begun there and then so that he could forge his sentences red-hot.

In essence, Lenin’s bulletproof spiritual constitution makes him the perfect radical machine. Who wouldn’t want to follow such a man during a crisis?

But to afford this, Lenin must live a Spartan life. He dedicates his entire life for his cause, and so does little for himself in terms of pleasure. Sadly for him, and for humanity, his dear Inessa could not requite his infatuation with her. In a candid moment, Lenin admits that only in her presence could he slow down and relax and do things for himself — day after gloriously languid day. Perhaps if he had found a little more solace with her, the world could have been spared his Mephistophelean wrath. Perhaps with her, he could have been more human and less Lenin.

Here is where I believe Solzhenitsyn fibs in the way all great authors should fib. This is all too good, too perfect a story to tell. I sense an all-encompassing tragic architecture rather than the ramshackle formation of truth. I can’t prove it, but I would guess that Vladimir Lenin would have remained a devourer of worlds even if he had had his way with Inessa every night while in Zurich. He would have eventually grown bored and contemptuous of her, like he did with most everyone else. Nothing would have changed.

But Solzhenitsyn makes us wish it had. And he makes us believe, even if only for a moment, that through romantic love it could have. When Lenin has an introspective moment alone, shortly after learning of the first revolution in Russia, he contemplates how his life is going to change forever. He then sits on a park bench before an obelisk commemorating a 1799 Zurich battle between the Russians and Austrians and the French. Yes, Russians of the past had fought even here, he thinks.

The clip-clop of hooves startles him. Inessa! Here she comes! What a surprise! She’s sitting upright in the saddle of a chestnut horse. She’ll be with him at any moment!

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Of course, it isn’t her, but a beautiful woman nonetheless. And this gets our Lenin to thinking. . .

He sat very still studying her face and the hair like a black wing peeping under her hat.

If he could suddenly liberate his mind from all the work that needed to be and must be done — how beautiful this would seem! A beautiful woman!

Her only movement was the swaying of shoulders and hips as the sway of the horse lifted her toe-caps in the stirrups.

She rode on downhill to a turn in the road — and there was nothing but the rhythm of hooves for a little while longer.

She rode on, carrying a little part of him away with her.

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jeudi, 09 avril 2020

Dostoïevski et le virus de la servitude mondialiste (1870-2020)

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Dostoïevski et le virus de la servitude mondialiste (1870-2020)

par Nicolas Bonnal

Ex: https://nicolasbonnal.wordpress.com

« Un dixième seulement de l’humanité possédera les droits de la personnalité et exercera une autorité illimitée sur les neuf autres dixièmes. Ceux-ci perdront leur personnalité, deviendront comme un troupeau ».

Pendant que certains antisystèmes vous recommandent de porter des masques, d’applaudir Cuba, la Chine ou la Russie où les populations sous smartphone sont si libres, heureuses, je ne dirai pas mon idée sur ce virus qui sert à propos la pauvreté et la servitude volontaire, la confiscation des comptes, l’interdiction du mouvement (voyez ce que dit le MIT dessus), la digitalisation des individus, la dépopulation, le gouvernement mondial, les vaccins obligatoires et le tatouage numérique du troupeau. On me considérerait comme complotiste. Tout est excellemment et quotidiennement référencé et dénoncé sur le site libertarien Lewrockwell.com héritier de mon vieux maître Rothbard. Profitez du peu de liberté qui vous reste, et qui sera bouffé comme le reste. La vérité c’est que cette histoire monstrueuse permettra à nos grenouilles modernes  d’avoir le tyran qui leur manquait depuis un bon siècle déjà. Et d’en mourir.

J’en reviendrais donc à Dostoïevski et à son inquisiteur qui avait tout dit avec son catholicisme impérial et viral, basé sur la peur et le contrôle (relisez mon texte sur Foucault) :

« Sans nous, ils seront toujours affamés. Aucune science ne leur donnera du pain, tant qu’ils demeureront libres, mais ils finiront par la déposer à nos pieds, cette liberté, en disant : « Réduisez-nous plutôt en servitude, mais nourrissez-nous. » Ils comprendront enfin que la liberté est inconciliable avec le pain de la terre à discrétion, parce que jamais ils ne sauront le répartir entre eux ! Ils se convaincront aussi de leur impuissance à se faire libres, étant faibles, dépravés, nuls et révoltés. »

Le tortionnaire sévillan (visitez leurs sémillants musées de la torture) rappelle :

«Tu leur promettais le pain du ciel ; encore un coup, est-il comparable à celui de la terre aux yeux de la faible race humaine, éternellement ingrate et dépravée ? Des milliers et des dizaines de milliers d’âmes te suivront à cause de ce pain, mais que deviendront les millions et les milliards qui n’auront pas le courage de préférer le pain du ciel à celui de la terre ? Ne chérirais-tu que les grands et les forts, à qui les autres, la multitude innombrable, qui est faible mais qui t’aime, ne servirait que de matière exploitable ? Ils nous sont chers aussi, les êtres faibles. Quoique dépravés et révoltés, ils deviendront finalement dociles. »

Le besoin de la communauté et du troupeau. Dostoïevski annonce ici le dernier homme de Zarathoustra et le croyant en papier mâché.

« Mais il ne veut s’incliner que devant une force incontestée, que tous les humains respectent par un consentement universel. Ces pauvres créatures se tourmentent à chercher un culte qui réunisse non seulement quelques fidèles, mais dans lequel tous ensemble communient, unis par la même foi. Ce besoin de la communauté dans l’adoration est le principal tourment de chaque individu et de l’humanité tout entière, depuis le commencement des siècles. C’est pour réaliser ce rêve qu’on s’est exterminé par le glaive. »

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Surtout, pas de liberté :

« Vois ce que tu fis ensuite, toujours au nom de la liberté ! Il n’y a pas, je te le répète, de souci plus cuisant pour l’homme que de trouver au plus tôt un être à qui déléguer ce don de la liberté que le malheureux apporte en naissant. Mais pour disposer de la liberté des hommes, il faut leur donner la paix de la conscience. »

Le christ a perdu car il a refusé l’antique dosage de la religion traditionnelle, basée sur le miracle, le mystère, l’autorité :

« Tu as ainsi préparé la ruine de ton royaume ; n’accuse donc personne de cette ruine. Cependant, était-ce là ce qu’on te proposait ? Il y a trois forces, les seules qui puissent subjuguer à jamais la conscience de ces faibles révoltés, ce sont : le miracle, le mystère, l’autorité ! Tu les as repoussées toutes trois, donnant ainsi un exemple. »

C’est que Jésus rêvait à tort de liberté, de rebelles :

« Tu ne l’as pas fait, car de nouveau tu n’as pas voulu asservir l’homme par un miracle ; tu désirais une foi qui fût libre et non point inspirée par le merveilleux.

Il te fallait un libre amour, et non les serviles transports d’un esclave terrifié. Là encore, tu te faisais une trop haute idée des hommes, car ce sont des esclaves, bien qu’ils aient été créés rebelles. »

Et le bilan est là…

« Vois et juge, après quinze siècles révolus ; qui as-tu élevé jusqu’à toi ? Je le jure, l’homme est plus faible et plus vil que tu ne pensais. »

La suite nous concerne.

On aura donc à la place le césarisme universel et la mondialisation de l’esclavage démocratique :

« … nous avons accepté Rome et le glaive de César, et nous nous sommes déclarés les seuls rois de la terre, bien que jusqu’à présent nous n’ayons pas encore eu le temps de parachever notre œuvre. Mais à qui la faute ? Oh ! L’affaire n’est qu’au début, elle est loin d’être terminée, et la terre aura encore beaucoup à souffrir, mais nous atteindrons notre but, nous serons César, alors nous songerons au bonheur universel. »

Car le rêve du grand inquisiteur, c’est bien le nouvel ordre mondial :

« L’humanité a toujours tendu dans son ensemble à s’organiser sur une base universelle. Il y a eu de grands peuples à l’histoire glorieuse, mais à mesure qu’ils se sont élevés, ils ont souffert davantage, éprouvant plus fortement que les autres le besoin de l’union universelle. Les grands conquérants, les Tamerlan et les Gengis-Khan, qui ont parcouru la terre comme un ouragan, incarnaient, eux aussi, sans en avoir conscience, cette aspiration des peuples vers l’unité. En acceptant la pourpre de César, tu aurais fondé l’empire universel et donné la paix au monde. »

dostoc3afevski_moi.jpgComme Tocqueville, on prévoit un troupeau bien doux et obéissant :

« Qui a le plus contribué à cette incompréhension, dis-moi ? Qui a divisé le troupeau et l’a dispersé sur des routes inconnues ? Mais le troupeau se reformera, il rentrera dans l’obéissance et ce sera pour toujours. Alors nous leur donnerons un bonheur doux et humble, un bonheur adapté à de faibles créatures comme eux. 

Nous les persuaderons, enfin, de ne pas s’enorgueillir, car c’est toi, en les élevant, qui le leur as enseigné ; nous leur prouverons qu’ils sont débiles, qu’ils sont de pitoyables enfants, mais que le bonheur puéril est le plus délectable. »

Une élite torturée (unhappy lords, dixit Chesterton) dominera ces légions de bobos :

« Ils nous soumettront les secrets les plus pénibles de leur conscience, nous résoudrons tous les cas et ils accepteront notre décision avec allégresse, car elle leur épargnera le grave souci de choisir eux-mêmes librement. Et tous seront heureux, des millions de créatures, sauf une centaine de mille, leurs directeurs, sauf nous, les dépositaires du secret. Les heureux se compteront par milliards et il y aura cent mille martyrs chargés de la connaissance maudite du bien et du mal. »

Le bilan pour leur âme :

« Ils mourront paisiblement, ils s’éteindront doucement en ton nom, et dans l’au-delà ils ne trouveront que la mort. Mais nous garderons le secret ; nous les bercerons, pour leur bonheur, d’une récompense éternelle dans le ciel. »

Et le troupeau aidera la hiérarchie cléricale à renverser Dieu définitivement ! Vive ce pape jésuite :

« Je suis revenu me joindre à ceux qui ont corrigé ton œuvre. J’ai quitté les fiers, je suis revenu aux humbles, pour faire leur bonheur. Ce que je te dis s’accomplira et notre empire s’édifiera. Je te le répète, demain, sur un signe de moi, tu verras ce troupeau docile apporter des charbons ardents au bûcher où tu monteras, pour être venu entraver notre œuvre. Car si quelqu’un a mérité plus que tous le bûcher, c’est toi. Demain, je te brûlerai. Dixi. »

On cite souvent Schiller à propos de ce prodigieux discours – mais on oublie Alexis de Tocqueville qui a mieux que quiconque décrit ce pouvoir mondialisé et anesthésiant (sauf pour les victimes de ses bombes et de ses sanctions) :

« Au-dessus de ceux-là s’élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d’assurer leur jouissance et de veiller sut leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l’âge viril ; mais il ne cherche, au contraire, qu’à les fixer irrévocablement dans l’enfance ; il aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu’ils ne songent qu’à se réjouir… » 

Grand lecteur de Dostoïevski (« le seul qui m’ait appris quelque chose en psychologie… »), Nietzsche écrit dans son Zarathoustra :

« Un peu de poison de-ci de-là, pour se procurer des rêves agréables. Et beaucoup de poisons enfin, pour mourir agréablement. On travaille encore, car le travail est une distraction. Mais l’on veille à ce que la distraction ne débilite point. On ne devient plus ni pauvre ni riche : ce sont deux choses trop pénibles. Qui voudrait encore gouverner ? Qui voudrait obéir encore ? Ce sont deux choses trop pénibles. »

Car même les maîtres sont fatigués…

Citons pour terminer ce bel élan des « possédés » toujours du même Dostoïevski :

« Un dixième seulement de l’humanité possèdera les droits de la personnalité et exercera une autorité illimitée sur les neuf autres dixièmes. Ceux-ci perdront leur personnalité, deviendront comme un troupeau ; astreints à l’obéissance passive, ils seront ramenés à l’innocence première, et, pour ainsi dire, au paradis primitif, où, du reste, ils devront travailler. Les mesures proposées par l’auteur pour supprimer le libre arbitre chez les neuf dixièmes de l’humanité et transformer cette dernière en troupeau par de nouvelles méthodes d’éducation, – ces mesures sont très remarquables, fondées sur les données des sciences naturelles, et parfaitement logiques. »

Un millième fera l’affaire, la télé contrôlant le reste. Je sais, le pire n’est jamais sûr…

Mais le meilleur ?

N.B.

Sources

Nicolas Bonnal – Dostoïevski et la modernité occidentale (Amazon.fr).

Fiodor Dostoïevski – L’Idiot (1869) – Les Possédés (1872) – ebooksgratuits.com

Dostoïevski – Les frères Karamazov, le grand inquisiteur, pp.376-393 (ebookgratuits.com).

Nietzsche – Prologue de Zarathoustra, §5.

Tocqueville – De la démocratie en Amérique, II, quatrième partie, chapitre VI.

http://www.revuemethode.org/m121727.html

https://www.dedefensa.org/article/dostoievski-et-la-proph...

lundi, 23 mars 2020

Salut à l’ultime sorélien de Russie !

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Salut à l’ultime sorélien de Russie !

par Georges FELTIN-TRACOL

Soudaine et abrupte, la nouvelle s’est vite répandue : le décès d’Édouard Limonov à Moscou le 17 mars dernier à l’âge de 77 ans, victime du crabe. La provocation politique, militante et littéraire perd l’un de ses maîtres incontestés.

De son vrai nom Édouard Veniaminovitch Savenko, Édouard Limonov naquit le 22 février 1943 dans une ville russe qui lui était quelque peu prédestinée, Dzerjinsk, en l’honneur de Félix Dzerjinski, le chef de la Tchéka, l’ancêtre de la Guépéou et du KGB. Savenko père appartenait d’ailleurs au NKVD en tant qu’officier commissaire politique.

limonov.jpgSuite à une affectation paternelle, le garçon grandit dans la ville industrielle de Kharkov aujourd’hui en Ukraine. Ce surdoué fut d’abord « un lecteur assidu, dévorant tout ce qui [lui] tombait sous la main (1) ». Au collège, il joue au garnement insupportable avec des résultats scolaires décevants. À la fin de l’adolescence, il commet des larcins mineurs. Mortifié d’être exempté du service militaire, ce myope ne supporte plus la pesante ambiance sous Khrouchtchev et Brejnev. Incontrôlable et provocateur, il quitte l’Union soviétique en 1974. Quelques plumitifs y ont vu l’indice que derrière une apparente attitude dissidente culturelle et artistique, Limonov aurait été un agent clandestin du KGB au même titre d’ailleurs que l’« arctiviste onanophobe » Piotr Pavlenski…

Il proclamera plus tard sa fierté d’être le « fils d’un samouraï (2) ». En effet, son père « était un puritain : il ne buvait pas, ne fumait pas (3) ». Ce dernier était-il un homo sovieticus exemplaire ? Limonov relate une anecdote troublante. Le jour de la mort de Staline, tandis que sa mère pleure le défunt et qu’ils tentent de le réveiller, il leur lance : « Taisez-vous, vous n’avez aucune idée de qui vous pleurez… (4) » Et il se rendort !

Édouard Limonov commente cette réaction déroutante de la part d’un membre du PCUS, serviteur incontestable du régime. « Dans les années 1950 – 1960, l’Union soviétique était comparable à ce que George Orwell décrit dans 1984. Les millions de prolos y étaient en réalité plus libres que n’importe qui. Bien sûr, à Moscou et dans les grandes villes, les intellectuels étaient surveillés par le KGB. Mais l’appareil répressif ne se souciait pas des pauvres ouvriers, perdus dans l’immensité des ghettos pour prolos (5). »

Il a toujours recherché une synthèse entre son père militaire et sa mère ouvrière au caractère bien trempé dont il se doutait que la jeunesse fût agitée… Leur fils, lui, eut le privilège, parfois chèrement payée par des détentions plus ou moins longues, de mener une vie punk. Emmanuel Carrère rapporte dans son Limonov (POL, 2010) qu’il le découvre quand sa mère, Hélène Carrère d’Encausse, secrétaire perpétuel de l’Académie française, reçoit l’un de ses premiers ouvrage avec une dédicace dans laquelle il se qualifiait de « Johnny Rotten de la littérature russe », Johnny Rotten étant le meneur du groupe britannique de musique punk Sex Pistols.

À l’instar d’Alexandre Soljenitsyne qu’Édouard Limonov n’a guère apprécié, les « nouveaux philosophes » anti-totalitaires et germanopratins ne sont jamais parvenus à le domestiquer. À Esprit, au Nouvel Observateur, à Études ou à Commentaires, il a préféré écrire pour le quotidien communiste L’Humanité et le mensuel nationaliste Le Choc du Mois. Il révèle tout son talent dans L’Idiot International de Jean-Edern Hallier. L’auteur du Bréviaire pour une jeunesse déracinée (Albin Michel, 1982) accueille avec joie un écrivain qui a bien roulé sa bosse et qui œuvre à la convergence de l’idée nationale et de la justice sociale.

Au début du XXe siècle, Édouard Limonov aurait sans doute suivi Georges Sorel. L’a-t-il au moins lu ? L’homme de lettres n’hésite pas à recourir à la violence. Il la juge nécessaire, indispensable, voire salutaire. Il tire en Transnistrie contre les Moldaves roumanophones, en Abkhazie contre les Géorgiens et en Bosnie aux côtés des Serbes du président Radovan Karadzic. Ces péripéties guerrières dévaluent son crédit sur la place vérolée de Paris où les éditocrates de l’Hexagone le condamnent au nom de la morale des droits de l’homme. Son rejet de l’atlantisme et du libéralisme en fait en 1993 l’une des principales cibles d’une virulente campagne de presse fomentée par un palmipède imprimé, dénonciateur psychotique d’une fantasmatique alliance « rouge – brune ».

Édouard Limonov assume cette désignation. revenu en Russie, il fonde, le 1er mai 1993, en compagnie d’Egor Letov et d’Alexandre Douguine le Parti national-bolchevik (PNB). Par de nombreux coups d’éclat médiatiques, le PNB combat la politique néo-libérale et pro-occidentale de l’ivrogne Eltsine, puis de Vladimir Poutine. Concevant la politique comme une forme d’art achevée, ce mouvement inclassable exige des mesures hyper-natalistes telles l’autorisation de la polygamie et l’obligation imposée aux femmes russes d’avoir au moins quatre enfants avant l’âge de 35 ans.

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Édouard Limonov avoue volontiers avoir « pris le parti de choquer, de provoquer dans le but d’attirer vers nous des militants. La Russie était une page blanche : la vie politique était inexistante. Il fallait être créatif et oser des expériences nouvelles. Nous avons privilégié le radicalisme, avec un mélange d’idées d’extrême gauche et d’extrême droite. Pour moi, “ extrémisme ” n’est pas péjoratif (6) ». Sarcastiques, les slogans nationaux-bolcheviks (ou « natsbol ») concurrencent les meilleurs adages situationnistes : « Le Mur est mort, vive le Mur ! », « Le capitalisme, c’est de la merde ! » ou bien l’indigeste « Mangez les riches ! »

Les actions coup-de-poing des « natsbols » agacent progressivement Alexandre Douguine qui envisage un néo-eurasisme révolutionnaire – conservateur moins tonitruant. Il rompt avec le PNB en avril 1998. Dès lors, « le parti est devenu de plus en plus rouge et socialiste (7) ». Puis la formation « natsbol » se scinde. Le gouvernement russe l’interdit finalement le 7 août 2007. Entre-temps, Édouard Limonov a purgé deux ans de prison pour une tentative esquissée (et peut-être provoquée ?) de coup d’État au Kazakhstan en 2001 afin de réintégrer les régions russophones du Nord kazakh à la Russie parce qu’« après la proclamation d’Indépendance, des millions de Russes se sont retrouvés sous la coupe d’un régime qui lui était hostile (8) ».

9782742778119.jpgLibéré, Limonov se rapproche de l’opposition libérale anti-Poutine. Il purge alors diverses peines de détention administrative en tant que principal animateur de la contestation en 2010 – 2011. Il se ravise en 2014 et se sépare des libéraux quand le président russe soutient indirectement la révolte de Donetsk et de Lougansk, et annexe la Crimée. Ses livres, Le Vieux (Bartillat, 2015) et Kiev Kaputt, justifient ce surprenant revirement, car « Poutine ne s’est pas réconcilié avec Limonov (9) ». S’il salue la diplomatie du Kremlin, il continue néanmoins à s’opposer au poutinisme intérieur, économique et sociale. Il affirme « être plus radical et plus à droite que le pouvoir dans le domaine de la politique extérieure (10) ». En revanche, « je suis beaucoup plus à gauche que le pouvoir en politique intérieure, poursuit Limonov. J’exige la nationalisation de l’industrie gazière et pétrolière. J’exige la confiscation des biens des grosses fortunes, la privation pour celles-ci de la citoyenneté russe et leur expulsion de Russie (11). »

On peut croire que dans Kiev Kaputt comme l’imagine un journaliste de droite qui confond encore le Dixiland avec son bourreau historique, les États-Unis d’Amérique, Édouard Limonov souhaite restaurer l’URSS d’autant qu’on constate une évidente resoviétisation de son discours. Il insiste régulièrement sur l’héritage de la Grande Guerre patriotique (1941 – 1945) et développe une incessante rhétorique « antifasciste » contre les nationalistes ukrainiens. En réalité, Limonov ne « regrette [pas] le passé. La nostalgie, c’est une faiblesse. Mais en tant que personne née dans les dernières années de la “ Grande Guerre patriotique ”, j’éprouvais un sentiment de […] loyauté vis-à-vis de ce grand empire. De la nostalgie, non (12) ».

Ses nombreuses expériences vécues au plus bas de l’échelle sociale lui procurent une vraie expertise sociologique comparative entre d’une part les sociétés soviétique et russe, et, d’autre part, leurs homologues occidentales italienne, française et étatsunienne. Comme son compatriote trop tôt décédé Alexandre Zinoviev et notre ami croate Tomislav Sunic, il comprend que les unes ne valent pas mieux que les autres. Lorsqu’il quitte Paris, il laisse un beau cadeau d’adieu, un formidable essai d’entomologie psychopolitique qui est aussi un remarquable pamphlet, Le grand Hospice occidental récemment réédité chez Bartillat en 2016.

En observateur minutieux, Édouard Limonov note que « la vie quotidienne dans toute société de civilisation blanche, que ce soit le Bloc occidental – l’Europe et ses essaimages (États-Unis d’Amérique, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud, Israël…) – ou le Bloc de l’Est, rappelle un Hospice bien géré. L’immense majorité des “ malades ”, placés sous sédatifs, se conduisent raisonnablement et docilement. Leurs visages sont gras et luisants. Ils sont satisfaits de leur sort. Le calme règne dans l’Hospice… (13) » Quel percutant diagnostic !

51WB729T0FL._SX289_BO1,204,203,200_.jpgIl confirme à Axel Glydén qu’« en Occident, vous êtes vieux, archaïques et vous allez tous mourir, au sens intellectuel du mot. À force de ressasser le passé, vos cerveaux sont encombrés d’interdits. Et vous allez faire du surplace pendant des siècles. Les intellectuels français sont manichéens. Hantés par le passé, ils sont enfermés dans des dogmes (14) ». Ayant connu la « stagnation » brejnévienne du début des années 1970, Édouard Limonov perçoit une stagnation mortifère qui imprègne à son tour l’Occident.

Édouard Limonov éprouve enfin un vif intérêt pour les petites gens. Son dernier passage en France remonte aux temps paroxystiques des Gilets jaunes. Il se réjouit de ce réveil populaire violent. Il y voit un lointain cousinage avec ses manifestations anti-Poutine en 2010 – 2011. Lui-même ancien militant « natsbol » devenu écrivain russe réputé, Zakhar Prilepine peut-il être considéré comme son successeur au moins sur le plan littéraire ? Les prochaines années trancheront.

Les cieux ont perdu leur quiétude habituelle. Le duo foutraque Jean-Edern Hallier et Édouard Limonov s’est reconstitué. Pas sûr que Saint Pierre apprécie cette connivence fantasque…

Georges Feltin-Tracol

Notes

1 : Limonov par Limonov. Conversations avec Axel Gyldén, L’Express Roularta Éditions, 2012, p. 22.

2 : Idem, p. 38.

3 : Id., p. 36.

4 : Id., p. 39.

5 : Id., p. 31.

6 : Id., p. 114.

7 : Id., pp. 115 – 116.

8 : Id., p. 92.

9 : Édouard Limonov, Kiev Kaputt, La manufacture de livres, coll. « Zapoï », 2017, p. 137.

10 : Idem, p. 32.

11 : Id.

12 : Limonov par Limonov, op. cit., p. 93.

13 : Édouard Limonov, Le Grand Hospice occidental, Les Belles Lettres, coll. « L’Idiot International » n° 5, 1993, p. 27.

14 : Limonov par Limonov, op. cit., p. 120.

mercredi, 18 mars 2020

Hommage à "l'ami" Edouard Limonov, le punk russe des lettres

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Hommage à "l'ami" Edouard Limonov, le punk russe des lettres

Par Axel Gyldén
Ex: https://www.lexpress.fr

Grand reporter à L'Express, Axel Gyldén a connu l'écrivain russe, disparu le 17 mars, qui se considérait comme "un génie". Rencontre avec un mégalomane sympathique.

Edouard Limonov n'avait pas d'ami. "Ce qu'il faut dans la vie, c'est mener des projets avec des gens et les fréquenter le temps que dure ce projet, qu'il soit politique, littéraire ou autre. Mais avoir des amis, quel intérêt?", m'avait asséné le provocateur professionnel Edouard Limonov en 2011 pendant l'interview fleuve (5 jours, 40 heures) qu'il m'avait accordée dans le cadre d'un projet éditorial sous la forme d'un livre entretien édité par L'Express (1) et qui, avouons-le, espérait surfer sur le succès phénoménal du remarquable Limonov (P.O.L.) d'Emmanuel Carrère. 

Cet automne-là, Edouard Limonov m'avait reçu au cinquième étage d'un immeuble de l'avenue Lénine, à la périphérie de Moscou. Chez l'écrivain russe, c'est un garde du corps du corps qui vous ouvrait la porte. Juste derrière, en veste et coule roulé noirs, droit comme un i et sec comme une trique, se trouvait le sulfureux écrivain international, politicien russe et agitateur d'idées. 

VIDÉO: Edouard Limonov: "Je me considère comme un génie" 

41oMmodk19L._SX317_BO1,204,203,200_.jpgD'une poignée de main ferme, il accueillait les visiteurs sans manières dans son appartement de 100 mètres carrés à la déco minimaliste: quelques chaises, un bureau en formica, un fauteuil en skaï et, sur les murs gris, trois ou quatre photos où l'on reconnaissait le maître des lieux, pour la plupart des clichés pris à Paris, dans le Marais, où il avait vécu au début des années 1980, et devant Notre-Dame.

Il n'a pas voulu me dire - c'était ma première d'une longue série de questions - ce qu'il pensait du succès fulgurant du livre que venait de lui consacrer Emmanuel Carrère et qui l'avait, en quelque sorte, ressuscité. Cependant, il était clair que l'écrivain russe, tricard à Paris depuis les années 1990 en raison de son engagement pro serbe en Yougoslavie vingt ans auparavant, se délectait de cette réhabilitation inattendue offerte sur un plateau par le romancier français.  

Enfant surdoué, rebelle, voyou, poète, agitateur et écrivain...

C'est le génie d'Emmanuel Carrère d'avoir consacré un livre à Limonov, dont la trajectoire se confond avec celle de la Russie, depuis Khrouchtchev jusqu'à Poutine, et les soubresauts de notre époque, des années Mitterrand à celle de Slobodan Milosevic. 

La biographie de l'écrivain décédé est fascinante. Enfant surdoué puis adolescent rebelle, voyou, ouvrier en Ukraine, "Eddy" devient poète underground à Moscou sous Leonid Brejnev, majordome au service d'un milliardaire à New York, écrivain déjanté (puis pestiféré) à Paris, puis soldat pro slave dans les Balkans aux côtés des Serbes, et enfin, de retour à Moscou, chef du parti "nasbol" (national-bolchevik) - interdit en 2007-, et enfin prisonnier politique, puis héros d'un best-seller en France, récompensé par le Renaudot.

LIRE AUSSI: Interview d'Edouard Limonov: "Poutine règne par le mensonge total" 

Personnage hors du commun, Edouard n'était pas antipathique, ni particulièrement chaleureux. C'était d'ailleurs l'essentiel de son charme pour peu que l'on goûte à l'humour glacial. Comme il est plaisant, à l'heure de la "com" et de la séduction à tout prix, de rencontrer quelqu'un qui ne cherche pas à plaire... 

Anti-politiquement correct avant que cette posture ne devienne à la mode, Limonov balançait ses réponses comme des cocktails Molotov, parfois accompagnées d'un rire sardonique à la manière de Joker le personnage borderline et nihiliste de Batman. "L'industrie du tourisme me dégoûte, expliquait-il tranquillement lorsqu'on l'interrogeait sur la notion de vacances. J'ai été enchanté lorsque j'ai appris que des touristes allemands avaient été dévorés par des requins en Egypte.

"Salvador Dali? Un minable!"

Limonov-d-Emmanuel-Carrere-Pol.jpgCette manière de parler peut être déstabilisante. Elle est aussi rafraîchissante. Car, au moins les propos de Limonov procédaient-ils d'une pensée réellement personnelle, hors sol et hors cadre, qui a le mérite d'interroger les certitudes. Tout en l'écoutant énoncer ses vérités dégoupillées, il fallait toujours se demander si elles étaient à prendre au second ou au troisième degré. Tout bien réfléchi, c'était au premier. 

Tour à tour mégalo, fanfaron, lumineux, agressif, excessif, foutraque et de mauvaise foi, Limonov, 69 ans à l'époque, n'avait pas renoncé à combattre l'esprit bourgeois et tous ceux qu'il considérait comme ses porte-parole, pêle-mêle: Mikhaïl Gorbatchev ("un plouc"), BHL ("le troubadour de la rive gauche"), Bernard Pivot ("regarde-moi ce visage sans volonté..."), Salvador Dali ("un minable")! 

Il y avait du Sid Vicious, chanteur et bassiste des Sex Pistols, chez cet écrivain qui se présentait comme "le punk de la littérature russe" et, aussi, un peu de Louis-Ferdinand Céline, avec qui il partageait le glorieux statut de "pestiféré" des lettres. "Les prix littéraires, c'est de la merde", asséna-t-il, parmi mille saillies, lors de nos entretiens. 

"Les Russes sont lourdingues, surtout s'ils sont alcoolisés"

A propos de ses compatriotes russes, Limonov disait : "Ils sont lourdingues, surtout s'ils sont alcoolisés. Des gens capables d'emmerder le monde toute la soirée si l'on aborde un sujet qui leur tient à coeur." 

Et puis, aussitôt après: "L'âme russe, c'est moi! Un mec capable de prendre des risques sans réfléchir aux conséquences. Il faut se jeter dans des situations sans réfléchir. Faute de quoi, on reste le cul sur sa chaise, incapable de construire son histoire. Il faut vivre tant que l'on est vivant." 

Mégalomane, Limonov? Sûrement. Il suffisait qu'il ait séjourné dans la même ville, Rome, qu'un terroriste des Brigades Rouges dans les années 1970, sans avoir jamais fréquenté ni croisé ce dernier, pour qu'il trouve une signification historique à cette banale coïncidence et, mieux, fasse du terrorisme italien d'extrême gauche un élément de sa propre biographie. 

A coup sûr, dans l'au-delà, sa créativité débordante lui permettra de raconter partout qu'avant de partir, il fut l'un des grands témoins, sinon le protagoniste majeur, de la crise du coronavirus! Sacré Edouard... 

Note:

(1) Limonov par Edouard Limonov, conversations avec Axel Gyldén (Ed. L'Express), 2011, 142p., 12,90€. 

dimanche, 22 décembre 2019

RIP: Vladimir Bukovsky, the Defiant

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RIP: Vladimir Bukovsky, the Defiant

Ex: https://www.americanthinker.com
 

One of the first things famous Soviet dissident Vladimir Bukovsky (1942–2019) told me about himself was that his roots were Polish.  After the crushing of the Kościuszko Insurrection of 1794, his ancestor, Pan Bukowski, was taken prisoner by the Muscovites and shipped off to Siberia.  This was a harsh introduction to Russian living for the family.  Vladimir would continue into the footsteps of his forefathers.

Vladimir was born in the matrix of the Soviet Union, but as a teenager, he self-liberated.  At 14, he heard about communist leader Nikita Khrushchev's secret speech blaming Stalin for slaughtering millions.  Soon after, he rooted for the Hungarian freedom fighters in 1956.  He started asking questions.  He challenged the system.  Upon his first arrest in 1959, the youngster refused to become a snitch for the Soviet secret police.  And the KGB judged him, partly with rigid annoyance and partly with grudging admiration, unfit for recruitment.

In 1963, Vladimir was arrested, tried, and sentenced to two years for anti-Soviet agitation.  They locked him up in a psychiatric ward (psikhushka), where he was "diagnosed" with "symptomless schizophrenia."  According to Soviet "science," anyone opposing communism had to be a schizophrenic, even when he did not display any symptoms.  He was medicated forcibly.  Bukovsky told me that the trick was to learn how to regurgitate the psychotropic drugs so the hospital wardens and nurses would not notice.

After getting out in 1965, the intrepid dissident plunged right back into anti-communist activities.  He co-organized a demonstration and a petition drive in solidarity with other Soviet dissidents.  For this he was rearrested and thrown back into the red looney bin.  Now things turned tougher.  The KGB wanted to turn their prisoner into a vegetable.  Forcible administration of drugs and their doses increased.  Luckily, the regurgitation trick continued to serve the dissident.  Vladimir endured half a year of this but was unexpectedly released after half a year in mid-1966.  

Six months later, Bukovsky joined a demonstration in defense of other nonviolent protesters who were on trial or under lock and key, only to be seized himself and tried for violating a ban on public protest.  In his defense, he invoked Soviet law, which Soviet judges and secret policemen were apparently violating.  Because Vladimir refused to express remorse for demonstrating, he was sent to the Gulag — a penal colony with a forced labor regime in Bor in the Voronezh region.  His sentence was three years.  He got out in 1970.

Drawing on his experiences in the Gulag and, in particular, in psychiatric wards, the dissident began compiling a record of the Soviet abuse of psychiatry.  To add insult to injury, he discovered that some of the communist psychiatrists who worked hand in glove with the KGB were treated cordially in the West and even invited to scholarly conferences at some of the leading institutions.  The work of the medical monsters who facilitated the torture of political prisoners was treated seriously by some in the West.  Bukovsky resolved to expose it.  He managed to get his report smuggled out to the West.

Consequently, a veritable storm broke out among French, British, and other psychiatrists, some of whom demanded transparency from their Soviet colleagues and believed the dissident accounts of abuse.  For this Vladimir found himself under pre-trial detention in isolation and almost a year later received a sentence of 12 years for "slandering Soviet science."  While serving his sentence, he secretly co-authored a manual on how to beat the Soviet system of interrogation to avoid being accused of insanity.  The manual eventually found its way to the West, where it was widely disseminated.

Bukovsky became a cause célèbre.  The KGB was livid.  In 1976, at the height of détente, the Kremlin decided to further burnish its "liberal" credentials.  Thus, Moscow agreed to swap the perky freedom-fighter for the head of the communist party of Chile, Luis Corvalán, who was incarcerated following a successful military coup to thwart a red revolution in that country.  Compliments of General Augusto Pinochet, Vladimir was thrown out of the USSR and landed in the West.

He settled in England, where he successfully pursued a degree in biology at Cambridge University, where he settled permanently.  Further, he trained as a neuropsychologist and continued his career as a writer and a human rights campaigner.  He published prodigiously.  Vladimir exposed communist crimes globally as well as Western naïveté regarding the Soviet Union.  He joined numerous initiatives championing freedom.  Among others, Bukovsky animated the American Foundation for Resistance International, which aspired to coordinate all anti-communist activities by the captive people in all countries afflicted by Marxism-Leninism.  At the height of Gorbymania in the West, Vladimir and his associates dared to question the sincerity of secretary general of the Communist Party of the USSR Mikhail Gorbachev.  They pointed out quite correctly that the Soviet leader wanted to save communism, not to destroy it.

In 1992, at the invitation of Russia's president, Boris Yeltsin, Bukovsky returned to Moscow.  The Kremlin solicited his assistance in putting together evidence for the public trial of the Communist Party for its crimes.  Yeltsin eventually scrapped the idea, but not before Bukovsky was able to copy over a million pages of secret documents from Stalin's archives.  While Vladimir scanned away right in front of their noses, the KGB guardians of the documentary treasure trove had no idea what either a scanner or a laptop was, so, while watching him curiously, they never interrupted him.  Later, to his own great surprise, the former dissident was permitted to fly out of Moscow undisturbed with his computer full of archival goodies.

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In 1995, Bukovsky's magnum opus, Judgment in Moscow, emerged from this research trip.  Published in several languages, sadly, it had to wait nearly 25 years for an English translation and publication.  Because we failed to smash communism after it tripped, he warned us about the resurgence of post-communism and its threat of metastasizing in the West in the form of political correctness and socialist étatism.  Vladimir further cautioned everyone about the European integration and its totalitarian potential.  He was always full of unorthodox ideas.  Arguably the most shocking to us was his opinion about the Muscovite state and its successors.  Bukovsky told Dr. Sommer explicitly: "It is not my fault that I was born in the Soviet Union.  Why should I harbor any sentiment to that entity?  And Russia was a logical way to the USSR, even if many fabulous people lived there. ... Therefore, as long as Russia does not fall apart into several entities, it will remain dangerous.  A divided Russia is in the interest of the world, just as a united central Europe is in the interest of the world. ... This is not a question of nationalism and resentment, but of physics and balance.  Big and demoralized Russia will always harm her smaller neighbors.  Only its dividing and balancing can eliminate the danger, although not completely because Russia is a universe of slavery."

At the end, Vladimir had the last laugh: he was buried a hundred yards away from the grave of Karl Marx at Highgate Cemetery in London.  Non-conformist, defiant, and free, Vladimir Bukovsky, RIP.

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samedi, 07 décembre 2019

Konstantin Leontiev, l'inaudible

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Konstantin Leontiev, l'inaudible

par Thierry Jolif

(Infréquentables, 10)

Ex: http://www.juanasensio.com

«La flatterie politique [...] n'est absolument pas obligatoire en littérature.»
Konstantin Leontiev.


Infréquentable, à coup sur, Konstantin Leontiev l'est. Non qu'il le fut, de son vivant. Certainement pas. Sûrement même le fut-il moins, bien moins, que Dostoïevski ou Tolstoï aux yeux d'une grande partie de la bonne société de l'époque. Actuellement, par contre, il l'est évidemment, pour la très simple raison qu'il est mort, et pour la tout aussi simple raison qu'il n'a pas eu l'excellente idée de laisser à la postérité une œuvre immortelle selon les actuels canon de l'immortalité.

Le voici donc bel et bien frappé d'oubli et, conséquemment, contraint de se voir classer parmi les infréquentables, non pas seulement en raison de son décès mais aussi, et surtout, à cause, précisément, de ses écrits. En fait, pas tant à cause de ses écrits mais bien plutôt en conséquence de son écriture ! De son style ! Style que lui reprochaient déjà ses contemporains, trop clair, trop «latin» pour les slavophiles, trop russe pour les occidentalistes. Politiquement concret et précis, sans sentimentalisme, extrêmement réaliste et profondément religieux, philosophiquement spirituel (et pas spiritualiste) et rigoureux, ni romanesque, ni romantique, aucunement utopique. Ainsi Leontiev, en dehors de son infréquentabilité physique due à son trépas, demeure stylistiquement infréquentable !

Il est hélas à peu près certain que, selon les très actuels critères qui font qu'un écrivain est «lisible» ou mérite d'avoir des lecteurs, notre très oublié Leontiev serait recalé. Il suffit, pour s'en convaincre, de relire une seule petite phrase du penseur russe : «L'idée du bien général ne contient rien de réel» (1).

kl-kar.jpgQui, parmi les lecteurs contemporains, souhaite encore lire de pareilles formules, et qui, parmi les marchands qui font profession de fournir de la matière imprimée, aurait encore envie de fourguer une telle camelote ? Non, soyons sérieux, ce genre de sortie, et plus encore le comportement qu'elle suppose, datent d'une autre époque, époque, fort heureusement, révolue pour nous, qui sommes gens évolués et accomplis. En outre, le bonhomme eu l'impudence de critiquer Dostoïevski ! Du moins, ce qui à notre époque revient au même, certaines idées avancées par l'auteur des Frères Karamazov. Ainsi l'obscur et impudent, à propos de Crime et châtiment, a-t-il osé écrire que «Sonia... n'a pas lu les Pères de l'Église» ! Voilà qui le rend «suspect» et par trop réactionnaire, même pour les chrétiens ! Pourtant Leontiev ne dit pas là autre chose que Chesterton lorsque celui-ci écrit qu’«En dehors de l'Église les Évangiles sont un poison», proposition raisonnable et si juste de la part d'un Britannique. «Toutes les idées modernes sont des idées chrétiennes devenues folles» : là encore, l'amateur éclairé opinera du chef et se régalera d'une telle sagacité bien audacieuse. Mais que ce grand Russe, petit écrivain compromis par sa «proximité avec le régime», se permette d'écorcher, pour les mêmes motifs, ce que la Russie nous a donné de meilleur, qu'il s'en prenne à ce style psychologique qui a fait, justement, le régal des belles âmes, voilà ce qui est proprement impardonnable.

J'aurais pu écrire «Leontiev l'illisible» mais alors je n'aurais pas touché juste. Notre époque peut tout lire, tout voir, tout entendre, et elle le veut d'ailleurs. En fait, plus qu'elle ne le veut elle le désire, et même ardemment ! Son incapacité est ailleurs : «J'entends mais je ne tiens pas compte.» Cela vous rappelle quelque chose ? Toute ressemblance avec des faits réels n'est nullement fortuite. Cette confession est révélatrice de cet autisme tant individuel que collectif et, à la fois, paradoxalement, volontaire et inconscient.

L'écriture de Leontiev est donc devenue inaudible. Notre temps désire tout entendre mais il ne sait plus écouter. Or, une telle écriture demande un réel effort d'attention et d'écoute. Leontiev, pourrais-je dire, a écrit, de son vivant, pour «ces quelques-uns dont il n'existe peut-être pas un seul». Depuis son décès, cette vérité est encore plus cinglante. Un autre écrivain russe, grand solitaire également, Vassili Rozanov, écrivait de Leontiev qu'il était plus «nietzschéen que Nietzsche».

Pendant une brève période ces deux contempteurs de leur époque entretinrent une correspondance. Ils se fréquentèrent donc, du moins par voie épistolaire. Rien de très étonnant à cela tant ces deux caractères, pourtant si profondément différents l'un de l'autre, se trouvèrent, tous deux, radicalement opposés à tout ce qui faisait les délices intellectuelles de leur siècle. Rien d'étonnant non plus à ce que leurs tombes aient été rapidement profanées et détruites par les persécuteurs socialistes; leur «infréquentabilité» devenait ainsi plus profonde, et plus large même, post-mortem. (Rozanov avait tenu à être inhumé auprès de Leontiev, dans le cimetière du monastère de Tchernigov à Bourg-Saint-Serge).

Inaccessible Konstantin Leontiev l'est, sans nul doute possible. Né charnellement en janvier 1831, né au ciel en novembre 1891 après avoir reçu la tonsure monastique sous le nom de Kliment à la Trinité Saint-Serge. Ce russe, typiquement XIXe et pourtant si terriblement, si prophétiquement «moderne» qui vécut en une seule vie les carrières de médecin militaire, de médecin de famille, de journaliste, de critique littéraire, de consul, de censeur..., côtoya aussi tous ceux qui, inévitablement, lui faisaient de l'ombre, Soloviev, Dostoïevski, Tolstoï. Inévitablement, à cause de leur talent, certes, mais aussi parce qu'ils furent toujours plus «libéraux» que lui, qui ne put jamais se résigner à l'être.

Inaccessible plus encore qu'infréquentable, car tout ce qui «sonne» un peu trop radicalement réactionnaire est, on le sait, furieusement réprimé par notre époque douce et éclairée et qui a su, si bien, retenir les leçons du passé. Les excités tel que Leontiev ne peuvent qu'être dangereux (pensez donc, défenseur d'une ligne politique byzantino-orthodoxe : même un Alexandre Duguin, de nos jours, dénonce ceux de ces compatriotes qui se laissent aller à ce rêve-là). Même à leur corps défendant, même s'ils sont, par ailleurs, nous pouvons bien le reconnaître, des «êtres délicieux», nous ne saurions tolérer leur imprécations obscurantistes. De même qu'en France un Léon Bloy, c'est «amusant»; c'est, nous pouvons bien le concéder, stylistiquement admirable (surtout à le comparer à nos actuels littératueurs, pisse-copies patentés d'introversions fumeuses et professionnels de la communication et du marketing), mais non, philosophiquement, allons, soyons sérieux, tout cela est dépassé, dépassé parce que faux, pis : incorrect !
Oui, en quelque sorte, à nos oreilles éduquées par d'autre mélopées, plus suaves, la tonalité de Leontiev sonne méchamment; c'est bien cela ! Pour notre moralisme, que nous pensons si rationnel et si réaliste, les propos de Leontiev sont affreusement méchants, et ce d'autant plus qu'il y mit lui-même toute sa force de conviction non moins réellement réaliste, mais d'un réalisme qui sut rester non matérialiste et non idéologique, d'un réalisme outrageusement chrétien. Et c'est au nom de ce christianisme réaliste que Leontiev osa adresser ses reproches à Léon Tolstoï, à Dostoïevski, à Gogol aussi (l'un des buts littéraires avoués de Leontiev était de mettre fin à l'influence de ce dernier sur les lettres russes !). Comble de l'audace perfidement rétrograde, qui scandalise plus aujourd'hui qu'alors ! À tous ceux qui étaient tentés de justifier la mélasse socio-démocratique par le christianisme, voire à faire de celui-ci rien de moins que l'essence même de cette eau-de-rose truandée, Leontiev rappelait quelques utiles vérités. Tout comme les authentiques musiques traditionnelles des peuples sont, à l'opposé des soupes sirupeuses avariées du new age, fortes et rugueuses aux oreilles non-initiées et ne dévoilent leur vraie douceur qu'après une longue intimité dans la chaleur de la langue et de l'esprit, le christianisme, à l'opposé de la doucereuse tolérance socio-démocrate, est austère et exigeant avant que d'être accueillante et lumineuse bonté !

kl-berd.jpgEt puis surtout, que pourrions-nous bien en faire de ce furieux vieux bonhomme qui a osé écrire  L'Européen moyen, idéal et outil de la destruction universelle ? Puisque, ne l'oublions pas, la littérature «vraie» doit être, nécessairement, engagée; c'est-à-dire, au-delà de critiques de pure forme, aller, toujours, dans le sens du courant. Or, nous y sommes d'ores et déjà en la belle et unie Europe, nous y sommes depuis un bon bout de temps dans ce moment historique, dans cet événement des événements qui va durer encore et encore, en plein dans cette heureuse période de l'unification, dans l'heureuse diversité des êtres équitablement soumis aux choses. Certes, avec des heurts et quelques accidents de parcours, mais bénins en somme, insignifiants même, au regard du grand espoir de «paix universelle» vers lequel tous, dans une belle unanimité, nous tendons. En tout cas nous y sommes bel et bien, oui en Europe ! Alors, quel besoin aurions-nous de nous auto-flageller en lisant ce «grand-russien» décédé, dépassé, déclassé ?

Eh bien il se trouve que la distance s'avère souvent nécessaire pour mieux se connaître. Pour nous autres, très fréquentables européens moyens et contemporains, quelle plus grande distance que celle qui nous sépare de cet inclassable russe ?

Ce grand-russien qui, de son vivant, s'ingénia à se montrer implacable envers l'européen moyen pourrait bien s'avérer, par ses écrits, un viatique pour le même à l'heure d'une renaissance russe qui pourrait offrir à une Europe épuisée et ridiculisée par quelques décennies d'une politique frileuse, cupide et aveugle à son être authentique, de regagner une place qui lui est véritablement propre, possibilité à envisager sans fol optimisme puisque Leontiev lui-même insistait sur le fait que «la véritable foi au progrès doit être pessimiste».

Conservateur comme il l'était, Konstantin Leontiev faisait partie de cette race d'hommes qui savait encore que sentiments (et non sentimentalisme) et intelligence aiguisée, loin d'être antinomiques, sont intimement liés. Ainsi, c'est avec une acuité et une intelligence épidermique que notre auteur se montrait absolument et irrémédiablement opposé à l'idéologie du progrès, du bien et de la paix universelles, idéologie dont il avait su flairer les relents dans les différents partis en présence de son temps. Refusant cette idéologie comme une utopie mortifère qu'il identifiait à un état d'indifférence, degré zéro de toute activité humaine, il refusait aussi à la politique de se projeter vers un hypothétique futur, vers le lointain, lui assignant pour seul objectif le «prochain» : «[…] cette indifférence est-elle le bonheur ? Ce n'est pas le bonheur, mais une diminution régulière de tous les sentiments aussi bien tristes que joyeux.»

Dès lors, comme tout authentique conservateur, ce que Leontiev souhaitait conserver ce n'était certainement pas un système politique ou économique quelconque ou bien quelques grands et immortels principes : «Tout grand principe, porté avec esprit de suite et partialité jusqu'en ses conséquences ultimes, non seulement peut devenir meurtrier, mais même suicidaire.» Non, ce que Leontiev aimait et voulait voir perdurer c'était bien la véritable diversité humaine, les différences dont notre époque, si douce et éclairée, nous enseigne qu'elles sont sources de conflits et d'agressions tout en en faisant une promotion trompeuse : «L'humanité heureuse et uniforme est un fantôme sans beauté et sans charme, mais l'ethnie est, bien entendu, un phénomène parfaitement réel. Qu'est ce qu'une ethnie sans son système d'idées religieuses et étatiques ?» (2).

Toute la philosophie de l'histoire développée par Konstantin Leontiev projette sur ces questions une lumière qui, bien que crue, est loin d'être aussi cynique que ses contempteurs voudraient le faire croire.

«La liberté, l'égalité, la prospérité (notamment cette prospérité) sont acceptés comme des dogmes de la foi et on nous affirme que cela est parfaitement rationnel et scientifique. Mais qui nous dit que ce sont des vérités ? La science sociale est à peine née que les hommes, méprisant une expérience séculaire et les exemples d'une nature qu'ils révèrent tant aujourd'hui, ne veulent pas admettre qu'il n'existe rien de commun entre le mouvement égalitaro-libéral et l'idée de développement. Je dirais même plus : le processus égalitaro-libéral est l'antithèse du processus de développement» (3).

Pour Leontiev, cette loi de l'histoire qu'il nomme processus de développement est une «marche progressive de l'indifférencié, de la simplicité vers l'originalité et la complexité», mais loin de tendre vers une amélioration constante, vers un bonheur complet et épanoui, qui n'est, en définitive, qu'une abstraction, cette marche connaît une forme d'arrêt qui se traduit par une simplification inverse dont Leontiev analyse trois phases : le mélange, le nivellement et, finalement, l'extinction.

kl-eurom.jpgSelon lui, cette loi quasi cyclique s'observe dans tous les domaines des civilisations historiques. Et, ce que nous appelons unanimement progrès, il le distingue très nettement de ce processus de développement, le nommant «diffusion» ou «propagation» et l'attachant à cette phase dissolvante de «simplification syncrétique secondaire» : «[…] l'idée même de développement correspond, dans les sciences exactes d'où elle a été transférée dans le champs historique, à un processus complexe et, remarquons-le, souvent contraire au processus de diffusion, de propagation, en tant que processus hostile à ce mécanisme de diffusion» (4).
Ainsi, dans les pages de son maître-livre Byzantinisme et slavisme, Leontiev scrute scrupuleusement les mouvements, les courants, lumineux et obscurs de l'histoire, leurs lignes droites, leurs déviations, leurs dérivations, sans jamais se laisser prendre aux rets des lumières crépusculaires des idéologies. Admirateur avoué de l'idée byzantine et de sa réception créatrice en Russie, Leontiev refusera pourtant l'idéal slavophile, tout autant, mais cela paraît plus «logique», que l'occidentalisme. Profondément fidèle, quoiqu'avec une élégante souplesse, à la vision des lignes de force et de partage qu'il avait su dégager de l'histoire ancienne et récente, Leontiev repèrera dans tous les courants contemporains la même force agissante : «La marche tranquille et graduelle du progrès égalitaire doit avoir vraisemblablement sur le futur immédiat des nations une action différente de celle des révolutions violentes qui se font au nom de ce même processus égalitaire. Mais je prétends que, dans un avenir plus éloigné, ces actions seront similaires. Tout d'abord un mélange paisible, l'effondrement de la discipline et le déchaînement par la suite. L'uniformité des droits et une plus grand similitude qu'auparavant de l'éducation et de la situation sociale ne détruisent pas les antagonismes d'intérêts, mais les renforcent sans doute, car les prétentions et les exigences sont semblables. On remarque également que, partout, vers la fin de l'organisation étatique, l'inégalité économique devient plus grande à mesure que se renforce l'égalité politique et civique» (5).

Bien qu'il ait considéré, en littérature, le réalisme comme désespoir et auto-castration, c'est bien à cause de son réalisme qu'il ne voulut jamais sacrifier à aucune «idée supérieure», que Leontiev a vu se refermer sur lui la porte du placard étiqueté «infréquentables».

La grande faute de Leontiev fut de dire, comme le répétait Berdiaev lui-même, que «l'homme privé de la liberté du mal ne saurait être qu'un automate du bien» ou bien encore que «la liberté du mal peut être un plus grand bien qu'un bien forcé.»

Mais... énorme mais, Berdiaev ne cessa d'essayer de convaincre, et de se convaincre, qu'il était socialiste. Cela suffit pour qu'on entrouvre, même très légèrement, la porte.

Notes
(1) Toutes les citations de Leontiev sont tirées de l'ouvrage Écrits essentiels (L'Âge d'Homme, Lausanne, 2003).
(2) Op. cit., p. 108.
(3) Op. cit., p. 139.
(4) Op. cit., p. 137.
(5) Op. cit., ibid.

L’auteur
36 ans, père de famille, chanteur et auteur breton, créateur de la “cyberevue” bretonne Nominoë et du blog Tropinka, Thierry Jolif, après avoir fondé et animé, pendant plus de dix ans l’ensemble musical Lonsai Maïkov, a étudié la civilisation celtique, le breton et l’irlandais à l’Université de Haute-Bretagne. Il a scruté et médité, durant plusieurs années, les aspects tant pré-chrétiens que chrétiens de la civilisation celtique (religion, art, musique, poésie). Orthodoxe, ayant étudié la théologie, il s’est particulièrement penché sur les aspects théologiques, mystiques et ésotériques du Graal, ainsi que sur l’étude du symbolisme chrétien, de l’écossisme maçonnique, de la philosophie religieuse russe et de l'histoire et de la mystique byzantine.
Il a collaboré aux revues Sophia (États-Unis), Tyr (États-Unis), Hagal (Allemagne), Contrelittérature (France), Terra Insubre (Italie) et est l’auteur de Mythologie celtique, Tradition celtique, Symboles celtiques et Les Druides dans la collection B-A. BA. des éditions Pardès.

jeudi, 28 mars 2019

Dostoïevski et l’invention du droit à tuer

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Dostoïevski et l’invention du droit à tuer 

Les Carnets de Nicolas Bonnal

Les hommes politiques américains postmodernes (mais nos socialistes aussi) ont pris goût à la brutalité et aux guerres via la farce humanitaire (voyez Carnage de Polanski pour vous amuser à ce sujet) ; et ils estiment qu’ils ont le droit de tuer qui ils veulent et quand ils veulent. Jusqu’au moment où les russes et les chinois…Il en est de même des terroristes qui servent des agendas si compliqués maintenant qu’il est difficile de dire pour qui ils œuvrent : mais qui ont gardé le goût de la même supériorité ontologique jadis décrite par Dostoïevski et reprise par Hitchcock dans la Corde, pour justifier leurs massacres. J’ai étudié dans mon livre sur Hitchcock les sources du scénario, qui n’ont rien à voir ni avec le communisme ni avec le fascisme – bien plutôt avec deux lobbies prestigieux.

fd-frka2222.jpgOn reprend donc Raskolnikoff dans ces pages immortelles :

« Les hommes ordinaires ont l’obligation d’observer les lois et n’ont pas le droit de sortir de la légalité et cela parce qu’ils sont ordinaires. Quant aux hommes extraordinaires, ils ont le droit de commettre toutes sortes de crimes et de sortir de la légalité, uniquement parce qu’ils sont extraordinaires. C’est bien ainsi. »

Raskolnikoff poursuit :

« J’ai simplement fait allusion au fait que l’homme extraordinaire a le droit... je veux dire, pas le droit officiel, mais qu’il a le droit de permettre à sa conscience de sauter... certains obstacles et ceci seulement si l’exécution de son idée (qui est peut-être salutaire à toute l’humanité) l’exige. Vous avez dit que mon article n’était pas clair : si vous le voulez, je puis vous l’expliquer dans la mesure du possible. Je ne fais peut-être pas erreur en supposant que c’est bien cela que vous désirez. Voici : à mon avis, si les découvertes de Kepler et de Newton, par suite de certains événements, n’avaient pu être connues de l’humanité que par le sacrifice d’une, de dix, de cent... vies humaines qui auraient empêché cette découverte ou s’y seraient opposées, Newton aurait eu le droit et même le devoir... d’écarter ces dix ou ces cent hommes pour faire connaître ses découvertes à l’humanité. »

Mais ce qui rend Raskolnikoff dangereux, c’est qu’il voyage à travers les siècles et qu’il compare ses pulsions personnelles et criminelles à toutes les cruautés historiques connues :

« Ensuite, je me souviens que j’ai développé, dans mon article, l’idée que tous les... eh bien, les législateurs et les ordonnateurs de l’humanité, par exemple, en commençant par les plus anciens et en continuant avec les Lycurgue, les Solon, les Mahomet, les Napoléon, etc., tous, sans exception, étaient des criminels déjà par le seul fait qu’en donnant une loi nouvelle, ils transgressaient la loi ancienne, venant des ancêtres et considérée comme sacrée par la société. Et, évidemment, ils ne s’arrêtaient pas devant le meurtre si le sang versé (parfois innocent et vaillamment répandu pour l’ancienne loi) pouvait les aider. »

Une grandiose observation :

« Il est remarquable même que la plupart de ces bienfaiteurs et ordonnateurs de l’humanité étaient couverts de sang. »

Le criminel est un génie (n’invente-t-il pas aussi sa réalité, comme disait un certain Karl Rove trop oublié à propos de leur « empire » ?) :

fd-crch.jpg« En un mot, je démontre que non seulement les grands hommes, mais tous ceux qui sortent tant soit peu de l’ornière, tous ceux qui sont capables de dire quelque chose de nouveau, même pas grand-chose, doivent, de par leur nature, être nécessairement plus ou moins des criminels. »

Evidemment comme dans la Corde la difficulté est de savoir qui est inférieur et qui est supérieur (en vérité comme on sait celui qui est supérieur c’est celui qui tue et qu’on n’attrape jamais – et les élites US n’ont toujours pas de souci à se faire de ce côté-là) :

« Quant à ma distinction entre les hommes ordinaires et les hommes extraordinaires, elle est quelque peu arbitraire, je suis d’accord ; mais je ne prétends pas donner des chiffres exacts. Je suis seulement persuadé de l’exactitude de mes assertions. Celles-ci consistent en ceci : les hommes, suivant une loi de la nature, se divisent, en général, en deux catégories : la catégorie inférieure (les ordinaires) pour ainsi dire, la masse qui sert uniquement à engendrer des êtres identiques à eux-mêmes et l’autre catégorie, celle, en somme, des vrais hommes, c’est-à- dire de ceux qui ont le don ou le talent de dire, dans leur milieu, une parole nouvelle. » 

Après Dostoïevski enfonce le clou avec insistance – et on comprend pourquoi les gilets jaunes ou les iraniens ont du mouron à se faire :

« …la première catégorie, c’est-à-dire la masse en général, est constituée par des gens de nature conservatrice, posée, qui vivent dans la soumission et qui aiment à être soumis. A mon avis, ils ont le devoir d’être soumis parce que c’est leur mission et il n’y a rien là d’avilissant pour eux. Dans la seconde catégorie, tous sortent de la légalité, ce sont des destructeurs, ou du moins ils sont enclins à détruire, suivant leurs capacités… »

Il faut soumettre le troupeau et nous mener vers un but, celui de la surclasse, et que Dostoïevski le visionnaire appelle déjà la nouvelle Jérusalem ! Le maître :

« …le troupeau ne leur reconnaît presque jamais ce droit, il les supplicie et les pend et, de ce fait, il remplit sa mission conservatrice, comme il est juste, avec cette réserve que les générations suivantes de ce même troupeau placent les suppliciés sur des piédestaux et leur rendent hommage (plus ou moins). Le premier groupe est maître du présent, le deuxième est maître de l’avenir. Les premiers perpétuent le monde et l’augmentent numériquement ; les seconds le font mouvoir vers un but. Les uns et les autres ont un droit absolument égal à l’existence. En un mot, pour moi, tous ont les mêmes droits et vive la guerre éternelle, jusqu’à la Nouvelle Jérusalem, comme il se doit ! »

Cette « guerre éternelle pour une paix éternelle », expression de Charles Beard, mélange de messianisme assassin et de complexe de supériorité de superhéros est une clé pour comprendre le comportement actuel de ces élites tortueuses. Il n’est pas une ligne de notre désastreux destin moderne (médiocrité du quotidien gris y compris) qui n’ait été écrite par l’impeccable voyant Dostoïevski. Voyez d’ailleurs les dernières pages de crime et châtiment (l’épilogue I) qui décrivent la première guerre mondiale.

Sources

Dostoïevski - Crime et châtiment, livre III, chapitre 5

Nicolas Bonnal – Hitchcock et la condition féminine (Amazon.fr)

vendredi, 22 mars 2019

Quand Alexandre Zinoviev dénonçait la tyrannie mondialiste et le totalitarisme démocratique

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Quand Alexandre Zinoviev dénonçait la tyrannie mondialiste et le totalitarisme démocratique

Ex: https://echelledejacob.blogspot.com 

 
Les propos « visionnaires » d’Alexandre Zinoviev, tenus en 1999, confirment la mise en place du mondialisme. Dans un monde où il n’y a plus de « garde-fou » tout peut arriver. Ça rejoint l’analyse de Vladimir Boukovski.
 
« Il me semble que dans le système de séparation des pouvoirs, il faudrait ajouter à ses trois composantes traditionnelles, le législatif, l’exécutif et le judiciaire, une quatrième : le pouvoir monétaire.» 
Alexandre Zinoviv - L’occidentisme (1995)

Avant-propos : Passionnante découverte: Alexandre Zinoviev (1922-2006), auteur russe qui décrit dans cet entretien sa vision de la réorganisation du monde devenu unipolaire et post-démocratique. 

Cet entretien a lieu en 1999 ! Vous serez surpris de la pertinence de ses réflexions presque 17 ans plus tard. Il y décrit l’évolution de l’Occident libéral vers une démocratie totalitaire.


Comme la domination planétaire est unipolaire (pas de contre-poids), on peut craindre des dérives totalitaires piégeant les peuples qui ne peuvent plus s’appuyer sur une aide venue de l’extérieur. Le détricotage des acquis sociaux est alors inéluctable. 

Nous pouvons ajouter à ce constat visionnaire et cinglant de Zinoviev, tout l’axe de la technologie, de la robotique et surtout du transhumanisme non abordé dans cet entretien et qui ne manque pas de nous inquiéter dans le cadre de l’ampleur potentielle des dérives attendues. 

Liliane Held-Khawam 

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Dernier entretien en terre d’Occident : juin 1999 

Entretien réalisé par Victor Loupan à Munich, en juin 1999, quelques jours avant le retour définitif d’Alexandre Zinoviev en Russie ; extrait de « La grande rupture », aux éditions l’Âge d’Homme. 

Victor Loupan : Avec quels sentiments rentrez-vous après un exil aussi long ? 

Alexandre Zinoviev : Avec celui d’avoir quitté une puissance respectée, forte, crainte même, et de retrouver un pays vaincu, en ruines. Contrairement à d’autres, je n’aurais jamais quitté l’URSS, si on m’avait laissé le choix. L’émigration a été une vraie punition pour moi. 

V. L. : On vous a pourtant reçu à bras ouverts ! 

A. Z. : C’est vrai. Mais malgré l’accueil triomphal et le succès mondial de mes livres, je me suis toujours senti étranger ici. 

V. L. : Depuis la chute du communisme, c’est le système occidental qui est devenu votre principal objet d’étude et de critique. Pourquoi ? 

A. Z. : Parce que ce que j’avais dit est arrivé : la chute du communisme s’est transformée en chute de la Russie. La Russie et le communisme étaient devenus une seule et même chose. 

V. L. : La lutte contre le communisme aurait donc masqué une volonté d’élimination de la Russie ? 

A. Z. : Absolument. La catastrophe russe a été voulue et programmée ici, en Occident. Je le dis, car j’ai été, à une certaine époque, un initié. J’ai lu des documents, participé à des études qui, sous prétexte de combattre une idéologie, préparaient la mort de la Russie. Et cela m’est devenu insupportable au point où je ne peux plus vivre dans le camp de ceux qui détruisent mon pays et mon peuple. L’Occident n’est pas une chose étrangère pour moi, mais c’est une puissance ennemie. 
 

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V. L. : Seriez-vous devenu un patriote ? 

A. Z. : Le patriotisme, ce n’est pas mon problème. J’ai reçu une éducation internationaliste et je lui reste fidèle. Je ne peux d’ailleurs pas dire si j’aime ou non la Russie et les Russes. Mais j’appartiens à ce peuple età ce pays. J’en fais partie. Les malheurs actuels de mon peuple sont tels, que je ne peux continuer à les contempler de loin. La brutalité de la mondialisation met en évidence des choses inacceptables. 

V. L. : Les dissidents soviétiques parlaient pourtant comme si leur patrie était la démocratie et leur peuple les droits de l’homme. Maintenant que cette manière de voir est dominante en Occident, vous semblez la combattre. N’est-ce pas contradictoire ? 

A. Z. : Pendant la guerre froide, la démocratie était une arme dirigée contre le totalitarisme communiste, mais elle avait l’avantage d’exister. On voit d’ailleurs aujourd’hui que l’époque de la guerre froide a été un point culminant de l’histoire de l’Occident. Un bien être sans pareil, de vraies libertés, un extraordinaire progrès social, d’énormes découvertes scientifiques et techniques, tout y était ! Mais, l’Occident se modifiait aussi presqu’imperceptiblement. L’intégration timide des pays développés, commencée alors, constituait en fait les prémices de la mondialisation de l’économie et de la globalisation du pouvoir auxquels nous assistons aujourd’hui. Une intégration peut être généreuse et positive si elle répond, par exemple, au désir légitime des nations-soeurs de s’unir. Mais celle-ci a, dès le départ, été pensée en termes de structures verticales, dominées par un pouvoir supranational. Sans le succès de la contre-révolution russe, il n’aurait pu se lancer dans la mondialisation. 

V. L. : Le rôle de Gorbatchev n’a donc pas été positif ? 

A. Z. : Je ne pense pas en ces termes-là. Contrairement à l’idée communément admise, le communisme soviétique ne s’est pas effondré pour des raisons internes. Sa chute est la plus grande victoire de l’histoire de l’Occident ! Victoire colossale qui, je le répète, permet l’instauration d’un pouvoir planétaire. Mais la fin du communisme a aussi marqué la fin de la démocratie. 

Notre époque n’est pas que post-communiste, elle est aussi post-démocratique. 

Nous assistons aujourd’hui à l’instauration du totalitarisme démocratique ou, si vous préférez, de la démocratie totalitaire. 

V. L. : N’est-ce pas un peu absurde ? 

A. Z. : Pas du tout. La démocratie sous-entend le pluralisme. Et le pluralisme suppose l’opposition d’au moins deux forces plus ou moins égale ; forces qui se combattent et s’influencent en même temps. Il y avait, à l’époque de la guerre froide, une démocratie mondiale, un pluralisme global au sein duquel coexistaient le système capitaliste, le système communiste et même une structure plus vague mais néanmoins vivante, les non-alignés. Le totalitarisme soviétique était sensible aux critiques venant de l’Occident. L’Occident subissait lui aussi l’influence de l’URSS, par l’intermédiaire notamment de ses propres partis communistes. Aujourd’hui, nous vivons dans un monde dominé par une force unique, par une idéologie unique, par un parti unique mondialiste. La constitution de ce dernier a débuté, elle aussi, à l’époque de la guerre froide, quand des superstructures transnationales ont progressivement commencé à se constituer sous les formes les plus diverses : sociétés commerciales, bancaires, politiques, médiatiques. Malgré leurs différents secteurs d’activités, ces forces étaient unies par leur nature supranationale. Avec la chute du communisme, elles se sont retrouvées aux commandes du monde. Les pays occidentaux sont donc dominateurs, mais aussi dominés, puisqu’ils perdent progressivement leur souveraineté au profit de ce que j’appelle la « suprasociété ». Suprasociété planétaire, constituée d’entreprises commerciales et d’organismes non-commerciaux, dont les zones d’influence dépassent les nations. Les pays occidentaux sont soumis, comme les autres, au contrôle de ces structures supranationales. Or, la souveraineté des nations était, elle aussi, une partie constituante du pluralisme et donc de la démocratie, à l’échelle de la planète. Le pouvoir dominant actuel écrase les états souverains. L’intégration de l’Europe qui se déroule sous nos yeux, provoque elle aussi la disparition du pluralisme au sein de ce nouveau conglomérat, au profit d’un pouvoir supranational. 
 

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V. L. : Mais ne pensez-vous pas que la France ou l’Allemagne continuent à être des pays démocratiques ? 

A. Z. : Les pays occidentaux ont connu une vraie démocratie à l’époque de la guerre froide. Les partis politiques avaient de vraies divergences idéologiques et des programmes politiques différents. Les organes de presse avaient des différences marquées, eux aussi. Tout cela influençait la vie des gens, contribuait à leur bien-être. C’est bien fini. Parce que le capitalisme démocratique et prospère, celui des lois sociales et des garanties d’emploi devait beaucoup à l’épouvantail communiste. L’attaque massive contre les droits sociaux à l’Ouest a commencé avec la chute du communisme à l’Est. Aujourd’hui, les socialistes au pouvoir dans la plupart des pays d’Europe, mènent une politique de démantèlement social qui détruit tout ce qu’il y avait de socialiste justement dans les pays capitalistes. 

Il n’existe plus, en Occident, de force politique capable de défendre les humbles. 

L’existence des partis politiques est purement formelle. Leurs différences s’estompent chaque jour davantage. La guerre des Balkans était tout sauf démocratique. Elle a pourtant été menée par des socialistes, historiquement opposés à ce genre d’aventures. Les écologistes, eux aussi au pouvoir dans plusieurs pays, ont applaudi au désastre écologique provoqué par les bombardements de l’OTAN. Ils ont même osé affirmer que les bombes à uranium appauvri n’étaient pas dangereuses alors que les soldats qui les chargent portent des combinaisons spéciales. La démocratie tend donc aussi à disparaître de l’organisation sociale occidentale. Le totalitarisme financier a soumis les pouvoirs politiques. Le totalitarisme financier est froid. Il ne connaît ni la pitié ni les sentiments. Les dictatures politiques sont pitoyables en comparaison avec la dictature financière. Une certaine résistance était possible au sein des dictatures les plus dures. Aucune révolte n’est possible contre la banque. 

V. L. : Et la révolution ? 

A. Z. : Le totalitarisme démocratique et la dictature financière excluent la révolution sociale. 

V. L. : Pourquoi ? 

A. Z. : Parce qu’ils combinent la brutalité militaire toute puissante et l’étranglement financier planétaire. Toutes les révolutions ont bénéficié de soutien venu de l’étranger. C’est désormais impossible, par absence de pays souverains. De plus, la classe ouvrière a été remplacée au bas de l’échelle sociale, par la classe des chômeurs. Or que veulent les chômeurs ? Un emploi. Ils sont donc, contrairement à la classe ouvrière du passé, dans une situation de faiblesse. 
 

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V. L. : Les systèmes totalitaires avaient tous une idéologie. Quelle est celle de cette nouvelle société que vous appelez post-démocratique ? 

A. Z. : Les théoriciens et les politiciens occidentaux les plus influents considèrent que nous sommes entrés dans une époque post-idéologique. Parce qu’ils sous-entendent par « idéologie » le communisme, le fascisme, le nazisme, etc. En réalité, l’idéologie, la supraidéologie du monde occidental, développée au cours des cinquante dernières années, est bien plus forte que le communisme ou le national-socialisme. Le citoyen occidental en est bien plus abruti que ne l’était le soviétique moyen par la propagande communiste. Dans le domaine idéologique, l’idée importe moins que les mécanismes de sa diffusion. Or la puissance des médias occidentaux est, par exemple, incomparablement plus grande que celle, énorme pourtant, du Vatican au sommet de son pouvoir. Et ce n’est pas tout : le cinéma, la littérature, la philosophie, tous les moyens d’influence et de diffusion de la culture au sens large vont dans le même sens. A la moindre impulsion, ceux qui travaillent dans ces domaines réagissent avec un unanimisme qui laisse penser à des ordres venant d’une source de pouvoir unique. (…)

V. L. : Mais cette « supraidéologie » ne propage-t-elle pas aussi la tolérance et le respect ? 

A. Z. : Quand vous écoutez les élites occidentales, tout est pur, généreux, respectueux de la personne humaine. Ce faisant, elles appliquent une règle classique de la propagande : masquer la réalité par le discours. Car il suffit d’allumer la télévision, d’aller au cinéma, d’ouvrir les livres à succès, d’écouter la musique la plus diffusée, pour se rendre compte que ce qui est propagé en réalité c’est le culte du sexe, de la violence et de l’argent. Le discours noble et généreux est donc destiné à masquer ces trois piliers – il y en a d’autres – de la démocratie totalitaire. 

V. L. : Mais que faites-vous des droits de l’homme ? Ne sont-ils pas respectés en Occident bien plus qu’ailleurs ? 

A. Z. : L’idée des droits de l’homme est désormais soumise elle aussi à une pression croissante. L’idée, purement idéologique, selon laquelle ils seraient innés et inaltérables ne résisterait même pas à un début d’examen rigoureux. Je suis prêt à soumettre l’idéologie occidentale à l’analyse scientifique, exactement comme je l’ai fait pour le communisme. Ce sera peut-être un peu long pour un entretien. 

V. L. : N’a-t-elle pas une idée maîtresse ? 

A. Z. : C’est le mondialisme, la globalisation. Autrement dit : la domination mondiale. Et comme cette idée est assez antipathique, on la masque sous le discours plus vague et généreux d’unification planétaire, de transformation du monde en un tout intégré. C’est le vieux masque idéologique soviétique ; celui de l’amitié entre les peuples, « amitié » destinée à couvrir l’expansionnisme. En réalité, l’Occident procède actuellement à un changement de structure à l’échelle planétaire. D’un côté, la société occidentale domine le monde de la tête et des épaules et de l’autre, elle s’organise elle-même verticalement, avec le pouvoir supranational au sommet de la pyramide. 

V. L. : Un gouvernement mondial ? 

A. Z. : Si vous voulez. 

V. L. : Croire cela n’est-ce-pas être un peu victime du fantasme du complot ? 

A. Z. : Quel complot ? Il n’y a aucun complot. Le gouvernement mondial est dirigé par les gouverneurs des structures supranationales commerciales, financières et politiques connues de tous. Selon mes calculs, une cinquantaine de millions de personnes fait déjà partie de cette suprasociété qui dirige le monde. Les États-Unis en sont la métropole. Les pays d’Europe occidentale et certains anciens « dragons » asiatiques, la base. Les autres sont dominés suivant une dure gradation économico-financière. Ça, c’est la réalité. La propagande, elle, prétend qu’un gouvernement mondial contrôlé par un parlement mondial serait souhaitable, car le monde est une vaste fraternité. Ce ne sont là que des balivernes destinées aux populations. 
 

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V. L. : Le Parlement européen aussi ? 

A. Z. : Non, car le Parlement européen existe. Mais il serait naïf de croire que l’union de l’Europe s’est faite parce que les gouvernements des pays concernés l’ont décidé gentiment. L’Union européenne est un instrument de destruction des souverainetés nationales. Elle fait partie des projets élaborés par les organismes supranationaux. 

V. L. : La Communauté européenne a changé de nom après la destruction de l’Union soviétique. Elle s’est appelée Union européenne, comme pour la remplacer. Après tout, il y avait d’autres noms possibles. Aussi, ses dirigeants s’appellent-ils « commissaires », comme les Bolcheviks. Ils sont à la tête d’une « Commission », comme les Bolcheviks. Le dernier président a été « élu » tout en étant candidat unique. 

A. Z. : Il ne faut pas oublier que des lois régissent l’organisation sociale. Organiser un million d’hommes c’est une chose, dix millions c’en est une autre, cent millions, c’est bien plus compliqué encore. Organiser cinq cent millions est une tâche immense. Il faut créer de nouveaux organismes de direction, former des gens qui vont les administrer, les faire fonctionner. C’est indispensable. Or l’Union soviétique est, en effet, un exemple classique de conglomérat multinational coiffé d’une structure dirigeante supranationale. L’Union européenne veut faire mieux que l’Union soviétique ! C’est légitime. J’ai déjà été frappé, il y a vingt ans, de voir à quel point les soi-disant tares du système soviétique étaient amplifiées en Occident. 

V. L. : Par exemple ? 

A. Z. : La planification ! L’économie occidentale est infiniment plus planifiée que ne l’a jamais été l’économie soviétique. La bureaucratie ! En Union Soviétique 10 % à 12 % de la population active travaillaient dans la direction et l’administration du pays. Aux États Unis, ils sont entre 16 % et 20 %. C’est pourtant l’URSS qui était critiquée pour son économie planifiée et la lourdeur de son appareil bureaucratique ! Le Comité central du PCUS employait deux mille personnes. L’ensemble de l’appareil du Parti communiste soviétique était constitué de 150000 salariés. Vous trouverez aujourd’hui même, en Occident, des dizaines voire des centaines d’entreprises bancaires et industrielles qui emploient un nombre bien plus élevé de gens. L’appareil bureaucratique du Parti communiste soviétique était pitoyable en comparaison avec ceux des grandes multinationales. L’URSS était en réalité un pays sous-administré. Les fonctionnaires de l’administration auraient dû être deux à trois fois plus nombreux. L’Union européenne le sait, et en tient compte. L’intégration est impossible sans la création d’un très important appareil administratif. 

V. L. : Ce que vous dites est contraire aux idées libérales, affichées par les dirigeants européens. Pensez-vous que leur libéralisme est de façade ? 

A. Z. : L’administration a tendance à croître énormément. Cette croissance est dangereuse, pour elle-même. Elle le sait. Comme tout organisme, elle trouve ses propres antidotes pour continuer à prospérer. L’initiative privée en est un. La morale publique et privée, un autre. Ce faisant, le pouvoir lutte en quelque sorte contre ses tendances à l’auto-déstabilisation. Il a donc inventé le libéralisme pour contrebalancer ses propres lourdeurs. Et le libéralisme a joué, en effet, un rôle historique considérable. Mais il serait absurde d’être libéral aujourd’hui. La société libérale n’existe plus. Sa doctrine est totalement dépassée à une époque de concentrations capitalistiques sans pareil dans l’histoire. Les mouvements d’énormes masses financières ne tiennent compte ni des intérêts des États ni de ceux des peuples, peuples composés d’individus. Le libéralisme sous-entend l’initiative personnelle et le risque financier personnel. Or, rien ne se fait aujourd’hui sans l’argent des banques. Ces banques, de moins en moins nombreuses d’ailleurs, mènent une politique dictatoriale, dirigiste par nature. Les propriétaires sont à leur merci, puisque tout est soumis au crédit et donc au contrôle des puissances financières. L’importance des individus, fondement du libéralisme, se réduit de jour en jour. Peu importe aujourd’hui qui dirige telle ou telle entreprise ; ou tel ou tel pays d’ailleurs. Bush ou Clinton, Kohl ou Schröder, Chirac ou Jospin, quelle importance ? Ils mènent et mèneront la même politique. 

V. L. : Les totalitarismes du XXe siècle ont été extrêmement violents. On ne peut dire la même chose de la démocratie occidentale. 

A. Z. : Ce ne sont pas les méthodes, ce sont les résultats qui importent. Un exemple ? L’URSS a perdu vingt million d’hommes et subi des destructions considérables, en combattant l’Allemagne nazie. Pendant la guerre froide, guerre sans bombes ni canons pourtant, ses pertes, sur tous les plans, ont été bien plus considérables ! La durée de vie des Russes a chuté de dix ans dans les dix dernières années. La mortalité dépasse la natalité de manière catastrophique. Deux millions d’enfants ne dorment pas à la maison. Cinq millions d’enfants en âge d’étudier ne vont pas à l’école. Il y a douze millions de drogués recensés. L’alcoolisme s’est généralisé. 70 % des jeunes ne sont pas aptes au service militaire à cause de leur état physique. Ce sont là des conséquences directes de la défaite dans la guerre froide, défaite suivie par l’occidentalisation. Si cela continue, la population du pays descendra rapidement de cent-cinquante à cent, puis à cinquante millions d’habitants. Le totalitarisme démocratique surpassera tous ceux qui l’ont précédé. 
 

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V. L. : En violence ? 

A. Z. : La drogue, la malnutrition, le sida sont plus efficaces que la violence guerrière. Quoique, après la guerre froide dont la force de destruction a été colossale, l’Occident vient d’inventer la « guerre pacifique ». L’Irak et la Yougoslavie sont deux exemples de réponse disproportionnée et de punition collective, que l’appareil de propagande se charge d’habiller en « juste cause » ou en « guerre humanitaire ». L’exercice de la violence par les victimes contre elles-mêmes est une autre technique prisée. La contre-révolution russe de 1985 en est un exemple. Mais en faisant la guerre à la Yougoslavie, les pays d’Europe occidentale l’ont faite aussi à eux-mêmes. 

V. L. : Selon vous, la guerre contre la Serbie était aussi une guerre contre l’Europe ? 

A. Z. : Absolument. Il existe, au sein de l’Europe, des forces capables de lui imposer d’agir contre elle-même. La Serbie a été choisie, parce qu’elle résistait au rouleau compresseur mondialiste. La Russie pourrait être la prochaine sur la liste. Avant la Chine. 

V. L. : Malgré son arsenal nucléaire ? 

A. Z. : L’arsenal nucléaire russe est énorme mais dépassé. De plus, les Russes sont moralement prêts à être conquis. A l’instar de leurs aïeux qui se rendaient par millions dans l’espoir de vivre mieux sous Hitler que sous Staline, ils souhaitent même cette conquête, dans le même espoir fou de vivre mieux. C’est une victoire idéologique de l’Occident. Seul un lavage de cerveau peut obliger quelqu’un à voir comme positive la violence faite à soi-même. Le développement des mass-media permet des manipulations auxquelles ni Hitler ni Staline ne pouvaient rêver. Si demain, pour des raisons « X », le pouvoir supranational décidait que, tout compte fait, les Albanais posent plus de problèmes que les Serbes, la machine de propagande changerait immédiatement de direction, avec la même bonne conscience. Et les populations suivraient, car elles sont désormais habituées à suivre. Je le répète : on peut tout justifier idéologiquement. L’idéologie des droits de l’homme ne fait pas exception. Partant de là, je pense que le XXIe siècle dépassera en horreur tout ce que l’humanité a connu jusqu’ici. Songez seulement au futur combat contre le communisme chinois. Pour vaincre un pays aussi peuplé, ce n’est ni dix ni vingt mais peut-être cinq cent millions d’individus qu’il faudra éliminer. Avec le développement que connaît actuellement la machine de propagande ce chiffre est tout à fait atteignable. Au nom de la liberté et des droits de l’homme, évidemment. A moins qu’une nouvelle cause, non moins noble, sorte de quelque institution spécialisée en relations publiques. 

V. L. : Ne pensez-vous pas que les hommes et les femmes peuvent avoir des opinions, voter, sanctionner par le vote ? 

A. Z. : D’abord les gens votent déjà peu et voteront de moins en moins. Quant à l’opinion publique occidentale, elle est désormais conditionnée par les médias. Il n’y a qu’à voir le oui massif à la guerre du Kosovo. Songez donc à la guerre d’Espagne ! Les volontaires arrivaient du monde entier pour combattre dans un camp comme dans l’autre. Souvenez-vous de la guerre du Vietnam. Les gens sont désormais si conditionnés qu’ils ne réagissent plus que dans le sens voulu par l’appareil de propagande. 

V. L. : L’URSS et la Yougoslavie étaient les pays les plus multiethniques du monde et pourtant ils ont été détruits. Voyez-vous un lien entre la destruction des pays multiethniques d’un côté et la propagande de la multiethnicité de l’autre ? 

A. Z. : Le totalitarisme soviétique avait créé une vraie société multinationale et multiethnique. Ce sont les démocraties occidentales qui ont fait des efforts de propagande surhumains, à l’époque de la guerre froide, pour réveiller les nationalismes. Parce qu’elles voyaient dans l’éclatement de l’URSS le meilleur moyen de la détruire. Le même mécanisme a fonctionné en Yougoslavie. L’Allemagne a toujours voulu la mort de la Yougoslavie. Unie, elle aurait été plus difficile à vaincre. Le système occidental consiste à diviser pour mieux imposer sa loi à toutes les parties à la fois, et s’ériger en juge suprême. Il n’y a pas de raison pour qu’il ne soit pas appliqué à la Chine. Elle pourrait être divisée, en dizaines d’États. 

V. L. : La Chine et l’Inde ont protesté de concert contre les bombardements de la Yougoslavie. Pourraient-elles éventuellement constituer un pôle de résistance ? Deux milliards d’individus, ce n’est pas rien ! 

A. Z. : La puissance militaire et les capacités techniques de l’Occident sont sans commune mesure avec les moyens de ces deux pays. 

V. L. : Parce que les performances du matériel de guerre américain en Yougoslavie vous ont impressionné ? 

A. Z. : Ce n’est pas le problème. Si la décision avait été prise, la Serbie aurait cessé d’exister en quelques heures. Les dirigeants du Nouvel ordre mondial ont apparemment choisi la stratégie de la violence permanente. Les conflits locaux vont se succéder pour être arrêtés par la machine de « guerre pacifique » que nous venons de voir à l’oeuvre. Cela peut, en effet, être une technique de management planétaire. L’Occident contrôle la majeure partie des ressources naturelles mondiales. Ses ressources intellectuelles sont des millions de fois supérieures à celles du reste de la planète. C’est cette écrasante supériorité qui détermine sa domination technique, artistique, médiatique, informatique, scientifique dont découlent toutes les autres formes de domination. Tout serait simple s’il suffisait de conquérir le monde. Mais il faut encore le diriger. C’est cette question fondamentale que les Américains essaient maintenant de résoudre. C’est cela qui rend « incompréhensibles » certaines actions de la « communauté internationale ». Pourquoi Saddam est-il toujours là ? Pourquoi Karadzic n’est-il toujours pas arrêté ? Voyez-vous, à l’époque du Christ, nous étions peut-être cent millions sur l’ensemble du globe. Aujourd’hui, le Nigeria compte presqu’autant d’habitants ! Le milliard d’Occidentaux et assimilés va diriger le reste du monde. Mais ce milliard devra être dirigé à son tour. Il faudra probablement deux cent millions de personnes pour diriger le monde occidental. Il faut les sélectionner, les former. Voilà pourquoi la Chine est condamnée à l’échec dans sa lutte contre l’hégémonie occidentale. Ce pays sous-administré n’a ni les capacités économiques ni les ressources intellectuelles pour mettre en place un appareil de direction efficace, composé de quelque trois cent millions d’individus. Seul l’Occident est capable de résoudre les problèmes de management à l’échelle de la planète. Cela se met déjà en place. Les centaines de milliers d’Occidentaux se trouvant dans les anciens pays communistes, en Russie par exemple, occupent dans leur écrasante majorité des postes de direction. La démocratie totalitaire sera aussi une démocratie coloniale. 

V. L. : Pour Marx, la colonisation était civilisatrice. Pourquoi ne le serait-elle pas à nouveau ? 

A. Z. : Pourquoi pas, en effet ? Mais pas pour tout le monde. Quel est l’apport des Indiens d’Amérique à la civilisation ? Il est presque nul, car ils ont été exterminés, écrasés. Voyez maintenant l’apport des Russes ! L’Occident se méfiait d’ailleurs moins de la puissance militaire soviétique que de son potentiel intellectuel, artistique, sportif. Parce qu’il dénotait une extraordinaire vitalité. Or c’est la première chose à détruire chez un ennemi. Et c’est ce qui a été fait. La science russe dépend aujourd’hui des financements américains. Et elle est dans un état pitoyable, car ces derniers n’ont aucun intérêt à financer des concurrents. Ils préfèrent faire travailler les savants russes aux USA. Le cinéma soviétique a été lui aussi détruit et remplacé par le cinéma américain. En littérature, c’est la même chose. La domination mondiale s’exprime, avant tout, par le diktat intellectuel ou culturel si vous préférez. Voilà pourquoi les Américains s’acharnent, depuis des décennies, à baisser le niveau culturel et intellectuel du monde : ils veulent le ramener au leur pour pouvoir exercer ce diktat. 

V. L. : Mais cette domination, ne serait-elle pas, après tout, un bien pour l’humanité ? 

A. Z. : Ceux qui vivront dans dix générations pourront effectivement dire que les choses se sont faites pour le bien de l’humanité, autrement dit pour leur bien à eux. Mais qu’en est-il du Russe ou du Français qui vit aujourd’hui ? Peut-il se réjouir s’il sait que l’avenir de son peuple pourrait être celui des Indiens d’Amérique ? Le terme d’Humanité est une abstraction. Dans la vie réelle il y a des Russes, des Français, des Serbes, etc. Or si les choses continuent comme elles sont parties, les peuples qui ont fait notre civilisation, je pense avant tout aux peuples latins, vont progressivement disparaître. L’Europe occidentale est submergée par une marée d’étrangers. Nous n’en avons pas encore parlé, mais ce n’est ni le fruit du hasard, ni celui de mouvements prétendument incontrôlables. Le but est de créer en Europe une situation semblable à celle des États-Unis. Savoir que l’humanité va être heureuse, mais sans Français, ne devrait pas tellement réjouir les Français actuels. Après tout, laisser sur terre un nombre limité de gens qui vivraient comme au Paradis, pourrait être un projet rationnel. Ceux-là penseraient d’ailleurs sûrement que leur bonheur est l’aboutissement de la marche de l’histoire. Non, il n’est de vie que celle que nous et les nôtres vivons aujourd’hui. 

V. L. : Le système soviétique était inefficace. Les sociétés totalitaires sont-elles toutes condamnées à l’inefficacité ? 

A. Z. : Qu’est-ce que l’efficacité ? Aux États-Unis, les sommes dépensées pour maigrir dépassent le budget de la Russie. Et pourtant le nombre des gros augmente. Il y a des dizaines d’exemples de cet ordre. 

V. L. : Peut-on dire que l’Occident vit actuellement une radicalisation qui porte les germes de sa propre destruction ? 

A. Z. : Le nazisme a été détruit dans une guerre totale. Le système soviétique était jeune et vigoureux. Il aurait continué à vivre s’il n’avait pas été combattu de l’extérieur. Les systèmes sociaux ne s’autodétruisent pas. Seule une force extérieure peut anéantir un système social. Comme seul un obstacle peut empêcher une boule de rouler. Je pourrais le démontrer comme on démontre un théorème. Actuellement, nous sommes dominés par un pays disposant d’une supériorité économique et militaire écrasante. Le Nouvel ordre mondial se veut unipolaire. Si le gouvernement supranational y parvenait, n’ayant aucun ennemi extérieur, ce système social unique pourrait exister jusqu’à la fin des temps. Un homme seul peut être détruit par ses propres maladies. Mais un groupe, même restreint, aura déjà tendance à se survivre par la reproduction. Imaginez un système social composé de milliards d’individus ! Ses possibilités de repérer et d’arrêter les phénomènes autodestructeurs seront infinies. Le processus d’uniformisation du monde ne peut être arrêté dans l’avenir prévisible. Car le totalitarisme démocratique est la dernière phase de l’évolution de la société occidentale, évolution commencée à la Renaissance.
 

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Biographie d’Alexandre Zinoviev 

Alexandre Zinoviev est né dans un village de la région de Kostroma (URSS). Ses parents (le père est peintre en bâtiment) emménagent à Moscou. Alexandre qui montre de grandes capacités entre à l’Institut de philosophie, littérature et histoire de Moscou en 1939. Ses activités clandestines de critique de la construction du socialisme lui valent d’être exclu de l’Institut. Arrêté, puis évadé, il vit une année d’errance avant de s’enrôler dans l’Armée Rouge où il finit la Seconde Guerre mondiale comme aviateur et décoré de l’ordre de l’Étoile rouge. 

Entré à la faculté de philosophie de l’Université d’État de Moscou en 1946, Alexandre Zinoviev obtient en 1951 son diplôme avec mention. En 1954 il soutient une thèse de doctorat sur le thème de la logique dans Le Capital de Karl Marx, puis devient, l’année suivante, collaborateur scientifique de l’Institut de philosophie de l’Académie des sciences d’URSS. 

Alexandre Zinoviev est nommé professeur et directeur de la chaire de logique de l’Université d’Etat de Moscou en 1960. Il publie de nombreux livres et articles scientifiques de renommée internationale (ses oeuvres majeures ayant toutes été traduites à destination de l’Occident). Souvent invité à des conférences à l’étranger, il décline cependant toutes ces invitations. 

Après avoir refusé de renvoyer deux enseignants Alexandre Zinoviev est démis de son poste de professeur et de directeur de la chaire de logique. En 1976, pour avoir voulu publier Hauteurs béantes, un recueil de textes ironiques sur la vie en Union soviétique, il se voit proposer par les organes de sécurité le choix entre la prison et l’exil. Avec sa famille, il trouve refuge à Munich où il accomplit diverses tâches scientifiques ou littéraires. 

Révolté par la participation de la France et de l’Europe occidentale aux opérations de l’OTAN contre la Serbie, Alexandre Zinoviev retourne en Russie en 1999. Dans son article « Quand a vécu Aristote ? », il soutient que les récits et écrits historiques ont toujours été de tout temps détournés, effacés, falsifiés au profit d’un vainqueur. 

Source Liliane Held Khawam

jeudi, 07 février 2019

Aleksandr Solzhenitsyn: The Rise of a Prophet

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Aleksandr Solzhenitsyn:
The Rise of a Prophet

It’s striking how cherry-picking can hone the pen of a propagandist and disguise malice behind a veneer of reason. Jewish writer Cathy Young provides excellent examples of this all throughout her December 2018 Quillette article, “Solzhenitsyn: The Fall of a Prophet. [2]” Published shortly after Solzhenitsyn’s 100th birthday, the article’s point, essentially, is to tarnish the reputation of a great man in order to steer discourse away from aspects of his work which the current zeitgeist finds problematic. Her shoddy, dishonest treatment of Solzhenitsyn resembles Soviet-styled political revisionism, and it stinks, frankly, of character assassination. She doesn’t merely disagree with some of Solzhenitsyn’s positions and explain why (which would have been perfectly fine); rather, because she’s uncomfortable with some of his positions, she endeavors to dig up everything negative or embarrassing she can about the man in order to discredit him, both morally and intellectually.

Why bother to read Solzhenitsyn at all now that Cathy Young has stabbed him full of holes with her rapier-sharp pen?

Young kicks the article off by paying homage to Solzhenitsyn’s life and works with obligatory, Wikipedia-style platitudes and spices them with anecdotes from her childhood in the Soviet Union. This takes up a few paragraphs and rings true enough. However, this is completely forgotten by the time Young gets to what she really wants to talk about: Solzhenitsyn beyond his role as heroic, anti-Communist dissident.

This role, I think we can all agree, constitutes the vast majority of his legacy. The bravery, tenacity, and clarity of thought that this man demonstrated at a time when political repression was as bad as it could possibly be was frankly inhuman – in a good way. One Day in the Life of Ivan Denisovich has proven to be an immortal and poignant sketch of life in a Soviet labor camp. Many of his early short stories (“Matryona’s House” and “We Never Make Mistakes,” in particular) as well as his 1968 novel Cancer Ward were equally brilliant. His speeches and essays from the Soviet period are clear, consistent, forthright, and prescient (“The Smatterers” from 1974 and his Warning to the West collection from 1976 are among my favorites). And The Gulag Achipelago speaks for itself as one of the greatest and most consequential non-fiction works of the twentieth century. One can review David Mahoney’s centennial eulogy [3] for Solzhenitsyn for more.

Young, however, cares to ding Solzhenitsyn for his exile-era and post-Soviet writings which concern, among other things, Russian identity, nationalism, Christianity, and the Jewish Question. Consequently, Solzhenitsyn has proven himself to be quite the gadfly in the ointment for our anti-white, globalist elites who believe that all of these things are bad, bad, bad and worry about their making a comeback in the age of Trump:

In 2018, Solzhenitsyn’s hostility toward Western-style democracy and secular universalist liberalism may find much broader resonance than it did in his twilight years. When Solzhenitsyn asserted in a 2006 interview with Moscow News that “present-day Western democracy is in a grave crisis,” that statement could be easily dismissed as a maverick’s wishful fantasy. Today, it sounds startlingly prescient. In an age when nationalist/populist movements are on the rise in Europe and the Americas and the liberal project is increasingly seen as outdated, Solzhenitsyn might be seen as a man ahead of his time.

For Young, of course, this is a bad thing:

But one could also make a compelling argument for the opposite: that Solzhenitsyn’s life and career are a case study in the perils of choosing the path of nationalism and anti-liberalism, a path that ultimately led him to some dark places.

So, to prevent as many people as possible from drawing inspiration from this great man, it’s time to start taking him down. But how to take down a man of Solzhenitsyn’s titanic stature? That’s a problem, isn’t it? Well, Cathy Young decides to solve it by cherry picking elements of the man’s life to draw an ugly, mean-spirited caricature of him. She’s done this before [4]. She also relies on her audience to either not read up on Solzhenitsyn to fact-check her sloppy scholarship or to not understand Russian in case they might do so.

She begins by citing and interpreting his 1983 essay “Our Pluralists.” This essay doesn’t seem to be translated into English on the Internet; Young provides a link to the original Russian [5], and I found a partially translated version here [6]. Oddly, Young describes only how this essay offended other dissidents and doesn’t directly critique it herself.

Young:

To Solzhenitsyn, the worship of pluralism inevitably led to moral relativism and loss of universal values, which he believed had “paralyzed” the West. He also warned that if the communist regime in Russia were to fall, the “pluralists” would rise, and “their thousand-fold clamor will not be about the people’s needs . . . not about the responsibilities and obligations of each person, but about rights, rights, rights” – a scenario that, in his view, could result only in another national collapse.

Yes, and . . .? How is his incorrect? It seems as if Solzhenitsyn had a crystal ball back in 1983, and not just for Russia. In this case, pluralism for Solzhenitsyn meant pluralism of ideas, not racial or ethnic pluralism. Relativism, essentially. Solzhenitsyn was basically arguing for the acceptance of an objective Truth, albeit from within an uncompromisingly traditionalist and Christian framework.

Solzhenitsyn:

Of course, variety adds color to life. We yearn for it. We cannot imagine life without it. But if diversity becomes the highest principle, then there can be no universal human values, and making one’s own values the yardstick of another person’s opinions is ignorant and brutal. If there is no right and wrong, what restraints remain? If there is no universal basis for it there can be no morality. ‘Pluralism’ as a principle degenerates into indifference, superficiality, it spills over into relativism, into tolerance of the absurd, into a pluralism of errors and lies.

According to the essay, Solzhenitsyn has no problem with pluralism per se as long as these pluralistic ideas are constantly compared “so as to discover and renounce our mistakes.” In this regard, his framework is as much Classical as it is Christian.

One can disagree, of course, but there is absolutely nothing that is morally or intellectually objectionable about any of this. Yet because Young can dredge up a handful of names who opposed Solzhenitsyn’s Christian dogmatism or wrung their hands over his preference for Duty over Freedom, she seems to think that that makes her subject look bad. It doesn’t. These critics accused him of groupthink and labeled him a “true Bolshevik” – ridiculous claims repudiated by the essay itself. All Young can really say is that Solzhenitsyn had opponents who disagreed with him and smeared him for it. So what? Name a great man who didn’t.

Young also attempts to throw a wet blanket on Solzhenitsyn’s not-so-triumphant return to Russia in the mid-1990s. According to Young, the Russian public didn’t seem terribly interested in him. His several-thousand-page epic The Red Wheel and other later works didn’t sell terribly well. His talk show wasn’t a hit. Not many young people in Russia read him anymore, or have even heard of the Gulag system. Only a few hundred people showed up at his funeral in 2008. Again, so what? Apparently, Young believes that because Solzhenitsyn’s star power began to fade when he was in his late 70s, his legacy began to fade as well. Can she not see how desperate and superficial this tack really is?

She also takes him to task for supporting Vladimir Putin in the 2000s and inviting him to his home in 2007 – when Solzhenitsyn was eighty-nine years old. Leaving aside any charity we would wish to grant an octogenarian Gulag and cancer survivor, Young would have us believe that “the man who exposed the full horror of Stalin’s rule had nothing to say about the creeping rehabilitation of Stalin on Putin’s watch.”

Did Vladimir Putin starve twelve million people to death and wrongfully imprison and execute tens of millions more without anyone knowing about it, except Cathy Young? Sure, Putin is an authoritarian, and it’s impossible to go to bat for everything he does. But to equate him in any way with Stalin is pure idiocy. This is real “Trump is literally Hitler” territory and serves only to silence debate, not encourage it. How could the editors of Quillette not see this?

Further, by basing most of her critiques on Solzhenitsyn’s later works and statements, Young makes this “fall of a prophet” business seem like it’s something new – as if the man was righteous for a while and then lost it once he started knocking on pluralism and giving a thumbs-up to authoritarianism. By this point, she tells us, “Solzhenitsyn could no longer be seen as a champion of freedom and justice.” She omits mentioning that Aleksandr Solzhenitsyn had supported authoritarian rule since at least 1973. His essay “As Breathing and Consciousness Return” goes into eloquent detail on the virtues of such systems, provided that the autocrats are bound by “higher values.” In the past, this meant God. With Putin, it means the destiny of the Russian people. It is entirely consistent thirty-five years later for a Russian patriot like Solzhenitsyn to prefer Putin to the corruption and chaos of the Yeltsin era, in which Russia was at the mercy of corrupt oligarchs and mafioso such as Boris Berezovsky and Vladimir Gusinsky. According to Paul Klebnikov, in his 2000 work Parrain du Kremlin, Boris Berezovsky et Le Pillage de la Russie, there were 29,200 murders in Russia in 1993 alone (by 2013, according Infogalactic, that figure was down to 12,785 [7]). The number of murders in Russia increased eight hundred percent from 1987 to 1993. 1994 saw 185 police officers die in the line of duty. Yet Cathy Young wishes that we concern ourselves with Putin’s “creeping rehabilitation of Stalin.”

The crux of her dissertation involves, of course, Solzhenitsyn’s honest take on the Jewish Question – but she takes pains to paint him as an equal opportunity bigot who focused his slavophilic ire on unchosen peoples as well. This she calls “a streak of prejudice in his work.” Here is Cathy Young at her most insidious:

In his 1973 essay, “Repentance and Self-Limitation As Categories of National Life,” he suggested Russians’ moral responsibility for Soviet crimes against Hungary and Latvia was somewhat mitigated by the fact that Hungarian and Latvian nationals were actively involved in the Red Terror after the Russian revolution, while the shame of the ethnic cleansing of Crimean Tatars was lessened by their status as “chips off the Horde,” the Mongol khanate that violently subjugated Russia in the thirteenth and fourteenth centuries. And, while Solzhenitsyn often asserted that his Russian patriotism was grounded in respect for the self-determination of other nations, he was vehemently hostile to Ukrainian and Belarussian independence.

Let’s break this down carefully, since Young’s dishonesty is astonishing. In my translation of “Repentance and Self-Limitation in the Life of Nations,” Solzhenitsyn stresses often how Russians, as a people, need to show penance for their sins, not just against themselves but against other peoples. He takes a position that is as respectful and conciliatory as possible towards foreign groups while still being nationalistic:

It is impossible to imagine a nation which throughout the course of its whole existence has no cause for repentance. Every nation without exception, however persecuted, however cheated, however flawlessly righteous it feels itself to be today has certainly at one time or another contributed its share of inhumanity, injustice, and arrogance.

Solzhenitsyn then outlines a list of transgressions for which the Russians should do penance, despite how they themselves had suffered enormously in the twentieth century. “My view is that if we err in our repentance,” he states, “it should be on the side of exaggeration, giving others the benefit of the doubt. We should accept in advance that there is no neighbor to whom we bear no guilt.”

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So does this sound like a “streak of prejudice”? If anything, it’s prejudicial against Russians. There’s more. Solzhenitsyn understood that penance works only if it goes both ways. He asks, “How can we possibly rise above all this, except by mutual repentance?” [emphasis mine]. His position regarding the Latvians and Hungarians is that they repented little for what they did to Russians “in the cellars of the Cheka and the backyards of Russian villages.” So why should Russians shed many tears for them in return? Same with the Crimean Tatars, who never showed much remorse for the pain they inflicted upon the Russians over the course of centuries. Note also how Young downplays Tatar sins by casting them into the distant past of the “thirteenth and fourteenth centuries.” She neglects to mention that some of their worst transgressions occurred much more recently. According to M. A. Khan in his 2009 work Islamic Jihad, the Crimean Tatars captured, enslaved, and sold to the Ottoman Empire anywhere between 1.75 and 2.5 million Ukrainians, Poles, and Russians between 1450 and 1700. That might be worth a sorry or two, wouldn’t it? Suddenly, Aleksandr Solzhenitsyn is not quite as bigoted as Cathy Young would have him seem.

Regarding the man’s opinions on Belorussian and Ukrainian independence, Young again mischaracterizes him. Solzhenitsyn was speaking up for the persecuted kulaks and the victims of the 1930s Ukrainian terror famine as early as The Gulag Archipelago (Volume 1, Part 1, Chapter 2) and later in 2003’s Two Hundred Years Together (Volume 2, Chapter 19). His numbers from the latter work (15 million killed) roughly coincide with Robert Conquest’s from his 1986 work Harvest of Sorrow (14.5 million killed). By stating that Solzhenitsyn was “vehemently hostile” to Ukrainian independence, Young was implying that her subject was chauvinistically contemptuous of the nationalist ambitions of these nations. That’s just not true. In reality, Solzhenitysn envisioned a pan-Slavic Russia in which Russia would keep Belarus and only the eastern half of Ukraine. In a 1994 interview [8], Solzhenitsyn had this to say about it:

As a result of the sudden and crude fragmentation of the intermingled Slavic peoples, the borders have torn apart millions of ties of family and friendship. Is this acceptable? The recent elections in Ukraine, for instance, clearly show the [Russian] sympathies of the Crimean and Donets populations. And a democracy must respect this.

I myself am nearly half Ukrainian. I grew up with the sounds of Ukrainian speech. I love her culture and genuinely wish all kinds of success for Ukraine – but only within her real ethnic boundaries, without grabbing Russian provinces.

Does this sound “vehemently hostile?” I will admit his brief denunciation [9] of the Ukrainian genocide claim from April 2008 came across as cranky. But he was 89 at the time and all of four months away from the grave! Who wouldn’t come across as a little cranky under such circumstances?

Further, Young’s source [10] for the “vehemently hostile” smear is riddled with contradictions. It faults Solzhenitsyn for wanting Russia to let go of non-Slavic republics like Armenia and Kyrgyzstan (thereby respecting their nationalism) and then criticizes him for wanting to keep Belarus and parts of Ukraine (thereby disrespecting their nationalism). This is unreasonable since it puts Solzhenitsyn in a lose-lose position. In her article, Young claims that Solzhenitsyn’s nationalist path “ultimately led him to some dark places.” Well, okay, but if nationalism is bad, then why doesn’t she slam Belarus, Ukraine, Armenia, Kyrgyzstan, and all the other republics for their nationalist agendas? Why is it only Russian nationalism that leads to the path to darkness?

Note also how Young never cites instances in Solzhenitsyn’s writing in which he shows favoritism towards other groups. In Cancer Ward, the main character Kostoglotov describes how he sided in a fight with some Japanese prisoners against Russian prisoners because the Russians were behaving barbarically and deserved it. In “the Smatterers” he writes in glowing terms about the birth of Israel. His 1993 Vendée Uprising address was a veritable love letter to the French. And let’s not forget the downright tenderness he shows towards the Estonians in Volume 1, Part 1, Chapter 5 of The Gulag Archipelago. Of course, I could go on.

As for the Jews, we can’t expect to do Solzhenitsyn’s treatment of them any justice in such a short article. We can, however, condense it into two main segments: his fiction and his non-fiction. In his fiction, his tendency was to portray Jews in a somewhat negative light, it’s true. Great examples include Lev Rubin and Isaak Kagan from In the First Circle, who seem sympathetic but ultimately defend the evils of Communism. His treatment of Jews in his early play The Love-Girl and the Innocent reach Shylock/Fagin levels of stereotype (although Solzhenitsyn based one of these characters on a particularly vile Jew in real life named Isaak Bershader, who also appears in Volume 2, Part 3, Chapter 8 of The Gulag Archipelago in an unforgettable scene in which he crushes the spirit of a strong and beautiful Russian woman before coercing her to become his mistress). Then there’s the expanded version of August 1914, which included a chapter dealing with Dmitri Bogrov, the Jewish radical who assassinated the great Russian Prime Minister Pyotr Stolypin in 1911.

According to Young, Solzhenitsyn portrayed Bogrov “with no factual basis, as a Russia-hating Jewish avenger.” I would have to do a great deal of research to verify this claim, of course. However, I don’t trust Cathy Young. The deceptions and smears in her article should prevent anyone from trusting her. Furthermore, Bogrov did assassinate Stolypin, and Stolypin was a great man. Would Young rather Solzhenitsyn portray Bogrov as a hero? Is it too much of a stretch for us to believe Bogrov harbored an ethnic grudge against Russia and Russians? He wouldn’t have been the first. Kevin MacDonald has given us an entire body of work demonstrating exactly how some influential Jews harbor deep and irrational resentment towards white gentiles. So why not Dmitri Bogrov?

I have read the Bogrov passages in August 1914. Young’s take on them is jaundiced, to say the least. The author paints a moving portrait of a mentally disturbed, rigid-minded, radically-inclined, highly-informed, and ethnically-obsessed young man. How does that not fit the bill for a Jewish anarchist from a century ago? How is this any different from the way in which Solzhenitsyn portrayed a whole host of Russian authority figures in his Red Wheel opus as incorrigibly incompetent, cowardly, vain, irresponsible, and self-centered? Does this make him as anti-Russian as he is anti-Semitic? Or maybe just honest?

And speaking of honesty, let’s look at how Cathy Young most dishonestly doesn’t mention Solzhenitsyn’s positive Jewish characters, such as Ilya Arkhangorodsky, also from August 1914, and Susanna Korzner from March 1917.

As for his non-fiction, people can argue whether Solzhenitsyn unfairly singled out Jewish Gulag administrators in The Gulag Archipelago. But that’s small potatoes compared to his opus Two Hundred Years Together. On this account, Young actually does a fairly evenhanded job of assessing her subject. Even the Jews can’t decide on whether Solzhenitsyn was an anti-Semite, and many of them who actually knew him personally deny it, since Solzhenitsyn’s behavior towards them was always impeccable. Young dutifully presents both sides and links to a well-balanced Front Page symposium [11] before tilting her conclusion in favor of anti-Semitism. That’s her right, of course.

My take is a little different. I say that Solzhenitsyn acted in good faith when writing Two Hundred Years Together. He may or may not have made mistakes in his work, but I say he presented the gentile side of the argument pretty well. It is a side that rarely sees the light of day given how prolific Jews are in portraying their end of the struggle and how influential they are in suppressing literature they find threatening. Why else go after people like Pat Buchanan and Joe Sobran? Why else see to it that pro-white writers and activists like MacDonald and Jared Taylor get thoroughly marginalized? Why else suppress Holocaust denial and revisionist literature? Why else create a forbidding atmosphere for the publication of Two Hundred Years Together in English?

There’s more. Jewish writers like Cathy Young seem to suffer so much from whites-on-the-brain that they fail to recognize the abuses of their own kind when writing about gentiles. She should read Robert Wistrich, Bernard Lewis, Deborah Lipstadt, and other Jewish authors when they write about anti-Semitism and then ask herself if they were as being as sympathetic to gentiles and Solzhenitsyn was to Jews in Two Hundred Years Together. Having read many of them, I would say usually not. Solzhenitsyn lists righteous and innocent Jews by name in that work. In Chapter 25, he calls for “sincere and mutual understanding between Russians and Jews, if only we would not shut it out by intolerance and anger.”

He states further:

I invite all, including Jews to abandon this fear of bluntness, to stop perceiving honesty as hostility. We must abandon it historically! Abandon it forever!

In this book, I call a spade a spade. And at no time do I feel that in doing so it is being hostile to the Jews. I have written more sympathetically than many Jews write about Russians.

The purpose of this book, reflected even in its title, is this: we should understand each other, we should recognize each other’s standpoint and feelings. With this book, I want to extend a handshake of understanding – for all our future. But we must do so mutually!

asol2.jpgDoes this sound like it was written by an anti-Semite? Maybe it does to someone as dishonest and as blinkered as Cathy Young. Maybe it does to someone who wishes to enforce a program of mandatory philo-Semitism among the goyim. But to everyone else, it just seems like it was written by the same man who thirty years earlier told Russians they should “err . . . on the side of exaggeration” when it comes to repentance . . . but only if that repentance is mutual.

Aleksandr Solzhenitsyn was a great man and a great writer for many reasons, not least because he was honest and consistent. It’s a shame that some people today feel so threatened by him that they resort to underhanded smear pieces to discredit him and hound him out of public discourse. Undoubtedly, they fear not just his nationalism but his ethnonationalism. This may not have been terribly in vogue during the last years of his life, but it is trending that way now, especially for white people. Cathy Young was absolutely correct about that and about how Aleksandr Solzhenitsyn was a man ahead of his time. She contrives a number of arguments to make it seem as if we’re witnessing the fall of a prophet, but in reality, we are only witnessing his rise.

Spencer J. Quinn is a frequent contributor to Counter-Currents and the author of the novel White Like You [12].

Article printed from Counter-Currents Publishing: https://www.counter-currents.com

URL to article: https://www.counter-currents.com/2019/02/aleksandr-solzhenitsyn/

URLs in this post:

[1] Image: https://www.counter-currents.com/wp-content/uploads/2019/02/2-4-19-1.jpg

[2] Solzhenitsyn: The Fall of a Prophet.: https://quillette.com/2018/12/21/solzhenitsyn-the-fall-of-a-prophet/

[3] centennial eulogy: https://www.city-journal.org/aleksandr-solzhenitsyn

[4] before: https://reason.com/archives/2004/05/01/traditional-prejudices

[5] original Russian: http://www.golos-epohi.ru/?ELEMENT_ID=14065

[6] here: http://www.orthodoxchristianbooks.com/articles/844/solzhenitsyn,-detente-appeasement/

[7] 12,785: https://infogalactic.com/info/List_of_countries_by_intentional_homicide_rate

[8] interview: https://www.counterpunch.org/2014/03/14/an-interview-with-aleksandr-solzhenitsyn-on-ukraine/

[9] denunciation: https://jonathanmelleonpolitics.blogspot.com/2007/12/dictators-or-corporate-fascism.html

[10] source: https://www.rferl.org/a/Solzhenitsyn_Leaves_Troubled_Legacy_Across_Former_Soviet_Union/1188876.html

[11] symposium: http://www.orthodoxytoday.org/articles-2009/Glazov-Symposium-Remembering-The-Dissident.php

[12] White Like You: https://www.counter-currents.com/product/white-like-you/

vendredi, 09 février 2018

The World of Dostoevsky and the Freedom of the Person

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The World of Dostoevsky and the Freedom of the Person

 
The World of Dostoevsky and the Freedom of the Person
 
William Weber was the Provost of Rose Hill College from 1996-1998 and is currently a teacher of social studies.
 
February 24, 2011
 
Brothers Karamazov
The Way of a Pilgrim
The French Revolution
Orthodox Church
Crime and Punishment
The Grand Inquisitor
 

mercredi, 10 janvier 2018

Yevgeni Zamiatin “El Dragón”

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Yevgeni Zamiatin “El Dragón”

por Anna Prystupa

http://revista-arbil.es

A Yevgeni Zamiatin se le considera el maestro de la prosa. Su obra más conocida es la novela "Nosotros". El escritor ruso aparte de esa novela escribió además una serie de cuentos cortos, uno de los cuales se titula "El Dragón".

“ El Dragón “ es un cuento breve, que apenas ocupa una página. Es el primer texto que sitúa la revolución como tema central. La obra describe San Petersburgo en un día de invierno del mes de febrero. La ciudad se encuentra en llamas. Se ve la imagen de los hombres-dragones que bajan del cielo. Están montados en los tranvías. Somos testigos del diálogo que mantienen los dos entre ellos. Uno ha encontrado por la calle a un intelectual y cuenta a su compañero cómo lo asesinó. No se siente culpable, porque le parece que ha hecho lo correcto. Se siente orgulloso. Lo sorprendente es que el hombre que acaba de aniquilar al intelectual, en razón de pertenecer a una cierta clase social, es capaz al instante de salvar la vida a un gorrión. El pájaro que se encuentra, estaba helado, a punto de morir. Pero el soldado suelta la bayoneta y concentra todas sus fuerzas en soplar al animal para que entre en calor. No quiere que se muera. El pájaro se recupera y vuelve a volar. El cuento termina con el dato de que el tranvía coge el rumbo a lo desconocido, abandonando el mundo humano.

En la obra el gran símbolo es el dragón. Tiene su referencia histórica en los dragones de la Guardia, como se llamaba al cuerpo de élite del ejército ruso. En la primera etapa de la Revolución, este tipo de soldados realizaban patrullas por la ciudad. El hombre - dragón era uno de ellos. En la cultura rusa este tipo de criatura aparece en el escudo de Moscú. Ahí nos encontramos con el personaje de San Jorge que lucha contra un dragón. El animal mítico simboliza el mal y el santo- es la alegoría del bien. Se muestra el eterno conflicto entre el bien y el mal. En el cuento, los dragones son asesinos, los servidores de la revolución, que es el macro tema de la obra. El cuento se desarrolla en el trayecto del tranvía. El camino que recorre es desde los cielos hacia lo desconocido. Deja de ser un recorrido real. Lo oculto, lo que no se sabe, es el camino a dónde va a llegar la revolución. El tranvía sale de la ciudad ardiente, del delirio humano y va hacia fuera, había lo inhumano.

zamdrag.jpgLo sorprendente es la capacidad de los dragones de unir lo positivo y lo negativo. Matan a los seres humanos, pero son capaces de resucitarles, y devuelven la vida a un ser que está mucho más abajo en la evolución. Por otro lado, vemos que poco significa la vida humana, según el cuento, menos que la de un pájaro. El cuento está lleno de contrastes. Uno de ellos es el personaje del soldado – dragón: asesino y salvador a la vez. Ya la misma ciudad, el espacio en el que se desarrolla la acción está lleno de contradicciones. La ciudad arde, pero está helada. Tenemos las dos fuerzas ancestrales luchando. Estamos en invierno, y la ciudad está congelada, muerta, parada. Al mismo tiempo, el fuego de la revolución la despierta, “ la hace vivir “. Las llamas derriten el hielo, que es la capa que oprime todo, pero también queman, matan.

Una de las dualidades más importantes es la pugna entre el bien y el mal. Son los dos elementos que deben mantener un equilibrio. Aunque según los cuentos fantásticos, en las leyendas de las cuales procede el personaje del dragón, finalmente el bien siempre gana. En la obra de Zamiatin ocurre lo contrario. Gana el mal, la revolución. La destrucción es total: por un lado, la ciudad que arde en llamas, y por otro, el humano para el cual, asesinar, quitar la vida al otro, no significa nada. Otra oposición que, me parece importante es la comparación entre la tierra y el cielo. El dragón viene de arriba, desde el cielo. El ser humano tiene en sí mismo algo divino, ha sido creado por Dios. Cuando baja a la tierra, pierde su “rasgo divino”, se convierte en un ser malvado. ¿Y dónde terminará? No sabemos. Ziemiatin ahí deja la pregunta en el aire. El tren se va a lo desconocido, ¿dónde llegará?

El cuento “ Dragón “ denuncia lo que es inaceptable de la revolución- la crueldad. Hay que recordar que Zamiatin, al principio, apoyaba la revolución, veía positivamente el cambio. Cuando vio que todo esto estaba lleno de crueldad y que no era lo esperado, se empezó a distanciar de ello. La obra fue escrita en el año 1918. Es el aviso de que la revolución corre peligro de convertirse en el terror. Desgraciadamente eso es el lo que ocurrió. Zamiatin no se equivocaría, predijo el futuro. El deber del escritor es decir la verdad. En el cuento que acaba de analizarse por primera vez, el escritor denuncia el terror de la revolución. Se retracta de sus ideas, quita el apoyo que daba a la iniciativa socialista.

Nos encontramos con un nuevo tipo del cuento. Se le suele llamar “anticuento”. Hay una búsqueda de nuevas vías, una nueva experiencia literaria. En la obra están incorporados los elementos políticos y simbólicos. Por supuesto no falta lo fantástico que coge Zamiatin de Hoffman, pero es muy triste que la visión del escritor se haya cumplido. La revolución trajo el terror y la crueldad, se volvió en contra de los que la apoyaban, y los destruyó.


Anna Prystupa

 

mardi, 28 mars 2017

"Nous", le roman qui a inspiré Huxley, Orwell et Terry Gilliam

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"Nous", le roman qui a inspiré Huxley, Orwell et Terry Gilliam

 
Par 
Ex: http://www.lepoint.fr 
 
Son nom ne vous dit sans doute rien, mais Evgueni Zamiatine a écrit en 1920 un ouvrage d'anticipation (réédité aujourd'hui) sidérant d'acuité

Tout le monde (ou presque) a oublié son nom. L'écrivain russe Evgueni Ivanovitch Zamiatine est pourtant un auteur majeur. Né le 1er février 1884 à Lebedian, une petite ville à 300 kilomètres au sud de Moscou, d'un père pope orthodoxe et d'une mère musicienne, cet architecte naval n'a que peu publié. Son œuvre compte moins d'une vingtaine de romans, recueils de nouvelles et pièces de théâtre. Si le nom de Zamiatine est passé à la postérité, c'est comme scénariste de Jean Renoir. Il a, de fait, signé l'adaptation des Bas-Fonds de Maxime Gorki, un an avant de mourir à Paris, à l'âge de 53 ans, le 10 mars 1937.

Son roman le plus remarquable, écrit en 1920, est aujourd'hui republié aux éditions Actes Sud dans une nouvelle traduction d'Hélène Henry. Et il faut absolument le lire ! Son titre, « Nous » (« Мы » en russe), résume son propos. Il consiste à décrire froidement le monde dans lequel « nous » nous apprêtons à vivre. Un univers futuriste, à l'époque où Zamiatine écrit son roman, mais qui ressemble aujourd'hui à une allégorie de notre époque.

Qu'on en juge… Nous sommes au XXVIe siècle et la Terre sort de deux cents ans de guerre où se sont affrontés deux mondes : celui de la campagne et celui de la ville. Le héros, D-503 (les hommes ont perdu depuis longtemps leur identité au profit d'un matricule), est ingénieur. Il travaille sur le chantier de construction d'un vaisseau spatial surnommé l'Intégral. Cet engin est destiné à entrer en contact avec des civilisations extraterrestres dans le but de coloniser leurs planètes et de les convertir au « bonheur » terrestre. Mais il fait aussi figure de bateau de sauvetage pour l'humanité tant notre monde ressemble à un enfer.

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Journal intime

Régie par un « État unitaire » despotique qui ne tolère chez ses sujets aucun secret, la plus grande partie du globe est recouverte par une immense cité, composée de grandes tours de verre transparent où tout un chacun vit au vu et au su de tout le monde. (Snowden, es-tu là ?). Les seuls moments d'intimité tolérés consistent en ces brefs instants où les habitants ont pour mission de procréer afin d'assurer la perpétuation de l'espèce humaine. Et encore… pour être autorisé à tirer le rideau, encore faut-il avoir obtenu un sésame : en l'espèce un ticket rose, parcimonieusement distribué aux sujets les plus obéissants. La rencontre de D-503 avec une jolie femme, I-330, va bouleverser son existence en lui faisant découvrir qu'une autre vie est possible où il est loisible d'avoir des secrets. Et, encore mieux, de jouir de liberté, même si cela rime avec imprévisibilité et précarité.

I-330, « résistante » au système (elle boit, fume et fait l'amour à qui lui plaît), parviendra-t-elle à le faire s'évader de cet État totalitaire pour rejoindre la dernière parcelle de nature qui se dissimule derrière un grand mur vert ? Les deux amoureux échapperont-ils à la sinistre police du « Bienfaiteur », comme s'est autoproclamé le tyran qui règne sur l'État ? Composé comme un journal intime, découpé en quarante chapitres, où D-503 expose tour à tour son quotidien, ses fantasmes et ses états d'âme, Nous gardera jusqu'au bout les réponses à ces questions.

Algorithmes

On l'aura compris : ce roman est une dystopie, comme on nomme les contre-utopies cauchemardesques en science-fiction. On ne s'étonnera pas qu'Aldous Huxley ait puisé dans l'univers dysfonctionnel de Zamiatine l'inspiration du Meilleur des mondes, tout comme George Orwell celle de 1984. Ce roman a également beaucoup influencé Kurt Vonnegut pour son Pianiste déchaîné et Terry Gilliam : plusieurs scènes de Brazil semblent tout droit tirées de ce livre. Interdit de publication par Moscou qui y voyait, à juste titre, une dénonciation du régime bolchevique, Nous, paru initialement en 1924 en Grande-Bretagne où Zamiatine avait vécu quelques mois sur le chantier de construction de navires-brise-glace (dont l'Intégral semble la transposition SF), avait été traduit en français en 1929 sous le titre de Nous autres (Gallimard). Il n'est sorti en URSS qu'en 1988.

Critique acerbe de la société pré-stalinienne, cet ouvrage ne saurait cependant être réduit à son anticommunisme, car, même s'il était un adversaire de Trotski, Zamiatine n'en avait pas moins été un compagnon de route des révolutionnaires léninistes. S'il résonne encore aujourd'hui, c'est surtout parce que ce roman singulier décrit une modernité broyant les individus sous le poids de la technologie et de la science. À commencer par ces algorithmes prédictifs, censés apporter le bonheur aux hommes en gommant toutes les aspérités que nous appelons le hasard. Cela ne vous rappelle rien ?

Nous , d'Evgueni Zamiatine, traduction d'Hélène Henry, éditions Actes Sud, 240 pages, 21 €

Extrait :
 
« Je ne fais ici que recopier – mot pour mot – ce que publie aujourd'hui le Journal officiel : Dans cent vingt jours, la construction de l'Intégrale sera achevée. Proche est l'heure historique où la première Intégrale s'élèvera dans l'espace universel. Il y a mille ans, vos héroïques ancêtres ont soumis le monde entier au pouvoir de l'État Unitaire. Vous avez devant vous un exploit encore plus glorieux : la résolution de l'équation infinie de l'Univers grâce à l'Intégrale, cette machine électrique de verre qui souffle le feu. Vous êtes destinés à soumettre au joug bienfaisant de la raison des êtres inconnus qui habitent d'autres planètes et sont peut-être encore en état de liberté primitive. S'ils refusent de comprendre que nous leur apportons un bonheur mathématiquement exact, notre devoir sera de les obliger à être heureux. Mais avant de recourir aux armes, nous essayons la parole. »

mardi, 13 septembre 2016

The Importance of Solzhenitsyn: Tom Sunic Interviews F. Roger Devlin

The Importance of Solzhenitsyn: Tom Sunic Interviews F. Roger Devlin

Réflexions sur Dostoïevski et le renouveau spirituel de la Russie

Réflexions sur Dostoïevski et le renouveau spirituel de la Russie

Avec Yvan Blot

L’âme russe a des traits particuliers qui lui donnent une forte spécificité, et des ressources qui lui permettent aujourd'hui de renaître, après un XXe siècle où le communisme soviétique, matérialiste et athée, a régné en maître. Ayant fini par rejeter le marxisme d’origine occidentale, la Russie connaît aujourd’hui un renouveau religieux conforme à sa longue histoire.
Ce pays de résistants patriotes et de mystiques assume sa destinée historique de créer un pont eurasiatique vers l’Est tout en appartenant pleinement à l’ensemble européen, par sa langue, sa culture et sa religion.

Réflexion sur un renouveau lié à la défense des valeurs traditionnelles, et se déployant dans une aire culturelle qui nous est proche.

Emission "Le florilège des arts", menée par Jean-Bernard Cahours d'Aspry.

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mardi, 26 juillet 2016

Dostoïevski et la dégénérescence du monde par le réseau

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Dostoïevski et la dégénérescence du monde par le réseau

par Nicolas Bonnal

Ex: http://www.dedefensa.org

Car il est poussé dans le filet par ses propres pieds ; et il marche sur les mailles du filet...

Job, 8, 18

J'ai souvenance d'un brillant texte de notre cher Guy Sorman (qui redonna jadis ses lettres de prosaïsme au Figaro magazine) dans le journal de la « droite » espagnole ABC (BHL est chargé lui de distraire et surtout d'instruire les maigres sections d'assaut du mondialisme dans El Pais). Et Guy Sorman, essayiste pourtant renommé pour ses piles d'invendus, et entre deux éloges des réfugiés considérés comme des forces vives du capital selon les Marx Brothers et Merkel, présentait ainsi son argumentaire : « même la Russie finira un jour par être démocratique et progressiste et globalement dans le global ». Sans oublier la Chine, l'Iran, la Turquie et tous les autres bons copains de ses modèles Américains.

La Russie n'est donc pas progressiste, branchée et dans le coup, et ce surtout depuis que – selon Marc Ferro – elle a déçu les aspirations prolétariennes d'une gauche que l'on croyait portée plutôt à servir la soupe à la vieille bourgeoisie américanisée.

Sur la Russie et le progrès j'ai heureusement mieux que Sorman ou BHL : Dostoïevski. Je l'ai aussi sur le thème des « réseaux », sociaux ou numériques, qui aujourd'hui captent, détournent et recyclent toutes les énergies et intellects de la planète terre devenue nervalienne. On cite brièvement cette vision du mage dans Aurélia :

« Cette pensée me conduisit à celle qu'il y avait une vaste conspiration de tous les êtres animés pour rétablir le monde dans son harmonie première, et que les communications avaient lieu par le magnétisme des astres, qu'une chaîne non interrompue liait autour de la terre les intelligences dévouées à cette communication générale, et les chants, les danses, les regards, aimantés de proche en proche, traduisaient la même aspiration. La lune était pour moi le refuge des âmes fraternelles qui, délivrées de leurs corps mortels, travaillaient plus librement à la régénération de l'univers. (1) »

Dostoïevski a abordé le thème de la confrontation de la Russie et du progrès, de la Russie et de l’Occident dans plusieurs de ses plus grands livres, en particulier dans l'Idiot et dans Les Possédés, qui eux font allusion à une origine américaine de la prochaine révolution.

krokodil_dostojewski.JPGDans le récit satirique Crocodile (2), il le fait d’une manière parodique, s’en prenant aux préjugés modernistes du dernier homme à venir (et surtout à durer). Il y a l’épisode humanitaire – ne pas maltraiter un pauvre animal, fût-ce un croco –, l’épisode pédagogique – de l’importance de la question économique ! – et pour finir l’épisode gastronomique qui résout la question – en dévorant le crocodile.

Depuis deux siècles nous nous gorgeons de ce progrès technique et économique, et il semble que l'imbécillité satisfaite qui l’accompagne n’a jamais été plus remise en question qu'à l’époque de Flaubert ou de Dostoïevski. Mais à la même époque un Walt Whitman célèbre les achèvements de ce qu’il est convenu de nommer à la télé la modernité...

Dans Passage to India ou Song of the Exposition (à comparer avec le cadre médiéval et traditionnel des Tableaux, le chef d'oeuvre pianistique de Moussorgski), le trop célébré Walt Whitman chante et célèbre sur tous les tons le canal de Suez, ce passage qui va réunir l’orient et l’occident, notions fort disparues auxquelles on fait mine de croire encore : car «dans un monde unifié on ne peut s’exiler » (Debord). Avec une accumulation dont il a le secret, le « pohète » américain fait l’état des lieux, et il nous étourdit avec son clinquant verbalisme, chaque mot faisant office de paradigme roturier de la modernité aboyante:

With latest connections, works, the inter-transportation of the world,

Steam-power, the great express lines, gas, petroleum,

These triumphs of our time, the Atlantic’s delicate cable,

The Pacific railroad, the Suez canal, the Mont Cenis and Gothard and

Hoosac tunnels, the Brooklyn bridge,

This earth all spann’d with iron rails, with lines of steamships threading in every sea,

Our own rondure, the current globe I bring.

Barde « tendance » avant l’heure, Maïakovski un rien couillon, « animal verbal » (Daudet) plus que poète, Whitman est en extase devant ce qui pétarade. Il admire nos exploits à Suez (dont bien sûr Dostoïevski se moque avec son crocodile du Nil), et il célèbre le chemin de fer unificateur, celui des Anglais aux Indes ou des Américains :

I see the tracks of the railroads of the earth,

I see them in Great Britain, I see them in Europe,

I see them in Asia and in Africa.

I see the electric telegraphs of the earth,

I see the filaments of the news of the wars, deaths, losses, gains, passions,

Of my race.

Or précisément sur ces chemins de fer qui ont vidé les campagnes et ruiné le contribuable français (la moitié des lignes servant à faire élire un député), ou ont justifié une bonne moitié des crises boursières de l’époque (comme les actions techno d’aujourd’hui), Dostoïevski a quelque chose de peu aimable à dire, et qu'il va dire dans l’Idiot. C’est un autre idiot métaphorique (un simple d’esprit qui voit l’Esprit) que le Prince, l’ivrogne Lebedev qui s’exprime sur les chemins de fer et leur réseau qui selon lui s’en prend aux formes de vie.

Montrez-moi donc quelque chose qui approche de cette force dans notre siècle de vices et de chemins de fer…

dostoidiot3458352037-fr-300.jpgLebedev voit dans tout réseau moderne un affaiblissement à la fois spirituel et physique de l’homme, lié au progrès de la matrice du confort matériel. L’homme va être coupé de ses sources de vie et de son tellurisme. C’est aussi la leçon d’Andersen (La Vierge des glaces), de Novalis ou de Vigny (« avant vous j’étais belle et j’allais parfumée »…). Mais Tocqueville nous a aussi prévenus sur les risques que faisaient peser l’égalité et le réseau fort sur les hommes dits modernes. Dans le tome II de sa somme, il décrit, dans un texte mal compris, cet affaiblissement des forces de vie liées au développement étatique:

« C’est ainsi que tous les jours il rend moins utile et plus rare l’emploi du libre arbitre ; qu’il renferme l’action de la volonté dans un plus petit espace, et dérobe peu à peu à chaque citoyen jusqu’à l’usage de lui-même. L’égalité a préparé les hommes à toutes ces choses : elle les a disposés à les souffrir et souvent même à les regarder comme un bienfait… il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation a n’être plus qu’un troupeau d’animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger (3). »

Retournons à l’Idiot. Lebedev voit le premier, cent-vingt ans avant Tchernobyl, un lien entre l’étoile absinthe de l’Apocalypse (Tchernobyl désigne comme on sait l’absinthe en russe) et l’extension du réseau en Europe :

« Le collégien lui affirma que l’"Étoile Absinthe" qui, dans l’Apocalypse, tombe sur terre à la source des eaux, préfigurait, selon l’interprétation de son père, le réseau des chemins de fer étendu aujourd’hui sur l’Europe. »

Lebedev dégage comme le prince Muichkine une aura d’imperfection, d’inadéquation à la mondanité. C’est souvent le cas chez Dostoïevski : le porteur de la vérité doit être ridiculisé ou caricaturé – pour ne pas être pris au sérieux par la compagnie qui doit continuer de se tordre, comme dit Allais.

Lebedev va désigner une autre cible, qui nous rapproche de la petite société actuelle: l’idéologie du bonheur matériel universel ; le dernier homme dont parle Francis Fukuyama après bien d'autres.

Vous n’avez pas d’autre fondement moral que la satisfaction de l’égoïsme individuel et des besoins matériels. La paix universelle, le bonheur collectif résultant du besoin !

Lebedev n’est bien sûr pas un sot : il n’incrimine pas la machine en tant que telle. Il incrimine plutôt la notion de réseau. Par ailleurs il a pleinement conscience que son expression des forces de vie est incompréhensible à un esprit moderne :

« Par eux-mêmes les chemins de fer ne peuvent corrompre les sources de vie. Ce qui est maudit, c’est l’ensemble ; c’est, dans ses tendances, tout l’esprit scientifique et pratique de nos derniers siècles. Oui, il se peut que tout cela soit bel et bien maudit ! »

Sur le ton de l’imprécation, emporté par cette inspiration religieuse, Lebedev adresse un défi au monde matérialiste et satisfait, monde sans gouvernail et sans cap même :

« Je vous lance maintenant un défi à vous tous, athées que vous êtes : comment sauverez-vous le monde ? Quelle route normale lui avez-vous ouverte vers le salut, vous autres, savants, industriels, défenseurs de l’association, du salariat et de tout le reste ? Par quoi sauverez-vous le monde ? Par le crédit ? Qu’est-ce que le crédit ? À quoi vous mènera-t-il? »

Ainsi Dostoïevski n'encenserait pas ce monde et son crédit ?

A ce propos le psalmiste dit :

« Que l’usurier jette le filet sur tout ce qui est à lui... (4) »

Cent ans avant l’effet de serre et le réchauffement climatique du cerveau qui va avec, Lebedev voit l’avènement de l'homoncule affaibli par sa si riche information et la « thermocratie » (5). Il constate l’absence de la force dans notre société :

« Et osez dire après cela que les sources de vie n’ont pas été affaiblies, troublées, sous cette “étoile”, sous ce réseau dans lequel les hommes se sont empêtrés. Et ne croyez pas m’en imposer par votre prospérité, par vos richesses, par la rareté des disettes et par la rapidité des moyens de communication !  Les richesses sont plus abondantes, mais les forces déclinent ; il n’y a plus de pensée qui crée un lien entre les hommes ; tout s’est ramolli, tout a cuit et tous sont cuits ! Oui, tous, tous, tous nous sommes cuits !… Mais suffit ! (6) »

Nicolas Bonnal

Notes

(1) Nerval, Aurélia, 2ème partie, VI.

(2) Lisez mon étude sur france-courtoise.info/pdf/BonnalDostoievskiCrocodile.pdf. Voyez aussi Internet, nouvelle voie initiatique (les Belles Lettres, 2000)...

(3) De la Démocratie II, IV, ch.6

(4) Psaumes, 109, 11

(5) Gilles Châtelet, Vivre et penser comme des porcs (2000).

(6) L'Idiot, III, chapitre  IV